Chili / Argentine : Le peuple Diaguita
Publié le 12 Mars 2013
Les diaguitas
Peuple autochtone d’Argentine et du Chili.
Le nom diaguita : c’est un nom quechua propagé par les espagnols et qui désigne un ensemble de peuples indépendants ayant pour idiome commun le kakan.
Le nom qu’ils se donnaient : Pazioca ou paccioca
Peuple d’agriculteurs
Au Chili
Les diaguitas ont une spécificité culturelle peu prononcée du fait du métissage et ils ont engagé un processus de reconstruction identitaire accordant une place importante aux langues ancestrales dont ils ont perdu l’usage depuis un siècle au moins.
Les calchaquis
C’est un nom donné à un groupe de diaguita habitant le nord-ouest de l’Argentine.
La dénomination "calchaquí" comme signalé plus haut dérive du nom d'un des principaux chefs paziocas ou diaguitas qui s'opposèrent aux espagnols : Kalchakí appelé par les espagnols Juan Calchaquí, un cacique indien Omaguaca qui dominait la vallée de Yocavil, et avait complètement détruit les villes espagnoles de Cañete et de Londres (près de Santiago del Estero) vers 1560, lors d'un soulèvement suscité par l'hostilité du gouverneur Castañeda vis-à-vis des indiens.
Langue : le kakan, langue éteinte
Au Chili
Les diaguitas ne disposent d’aucunes traces écrites de leur langue le kakan. Il y a eu une rupture apparemment totale avec l’identité diaguita. Depuis des siècles personne ne se revendiquait plus comme autochtone ou comme diaguita dans la région de Huasco Alto. Les livres d’histoire officiels avaient même décrété l’extinction totale de ce peuple.
L’extinction de la langue est liée certainement à l’arrivée des espagnols au 16e siècle et à la violence de la colonisation dans cette région du Chili ainsi qu’à la politique d’assimilation mise en place à cette période.
Dans les années 1990, dans un contexte démocratique de stabilisation économique et de lutte pour la reconnaissance des droits des peuples autochtones au niveau international émerge dans la province d’Atacama, dans la région rurale de Huasco Alto un mouvement revendiquant l’inscription légale de ses membres apportenant à l’ethnie diaguita. Il aboutira en 2006 à la reconnaissance légale des diaguitas comme ethnie autochtone dans la loi 19.253.
Cette réémergence des diaguitas causa une importante polémique dans les milieux scientifiques, politiques et dans l’opinion publique :
« Les ethnies pouvaient-elles renaître de leurs cendres ? ».
Source ( voir en bas Dorais LJ et Gajardo A)
Population :
Argentine 31.753
Chili : environ 1500
Distribution approximative des peuples indigènes au temps de la conquête espagnole.
Territoire
Leur territoire traditionnel se situait dans les hautes montagnes andines, les vallées du nord-ouest de l’Argentine :
- Provinces de Salta , Tucuman, Catamarca, La Rioja, nord de la province de San Juan, extrême nord de la province de Cordoba
- Au Chili : dans le petit nord chilien, vallées transversales des régions d’Atacama et de Coquimbo.
Histoire
- Ve au Vie siècle : les diaguitas arrivent dans la petit nord chilien depuis le N-O de l’Argentine remplaçant la culture dite d’El Molle (agriculture et poterie). Dans cette zone ils voisinent avec les atacamas au nord et les picunches au sud. Les relations entre diaguitas orientaux ou argentins et diaguitas occidentaux ou chiliens sont continues, fluides et étroites.
- 850 à 1480 puis jusqu’en 1570 : La culture de Santa Maria : Dans le nord-ouest argentin et le petit nord chilien, dans les vallées calchaquies, les diaguitas ont développé une culture d’une grande richesse qui correspond archéologiquement à la culture de Santa Maria.
- 1471 à 1533 : invasion quechua, les diaguitas y opposent une résistance tenace.
- 1561 : Début de la conquête espagnole, les diaguitas forment une grande armée commandée par Juan Clachaqui, ils repoussent les envahisseurs jusqu’à la province de Santiago del Estero.
- 1630 : Guerres calchiquies : une rébellion éclate contre la domination espagnole dans les vallées calchiques. Pendant 7 ans divers groupes diaguitas tiennent la région sous contrôle.
- 1637 : le chef diaguita Chelemin est fait prisonnier et exécuté.
- 1658 : second soulèvement dirigé par un espagnol d’origine morisque andalous Pedro Chamijo connu sous le nom de Pedro Bohorquez ou Inca Hualpa, prétendant descendre d’un Inca (mais certainement intéressé par des intérêts personnels). Affrontement jusqu’en 1666, puis Bohorquez est exécuté aussi et les indigènes déportés.
- 1665 : Ils sont vaincus par les conquistadors qui ont fondé des villes fortes et les encerclent. Les espagnols vainqueurs divisent et déracinent les diaguitas. Certains fuient les vallées calchaquies et trouvent refuge dans le chaco austral, ils font alliance avec des ethnies pampido-chaquéennes, ( abipones, emokovits et mocovis). Les diaguitas de la partialité amaicha furent traités avec indulgence et purent rester sur leurs territoires ancestraux (vallées calchaquies)
Ancienne forteresse diaguita puis inca à Tilcara (province de Salta, Argentine)
Les vallées calchaquies
C’est dans cette région qui s’étend sur les provinces de Salta, Catamarca et Tucuman (Argentine) que c’est développé la culture de Santa Maria, agro-céramique appartenant à la civilisation andine.
Ruines de Quilmes
La culture piazoca ou duaguita
Elle est différente de celle des peuples andins. Les diaguitas avaient des affinités ethniques avec les huarpes, les pampides ou pampa et des peuples andins.
Avant l’horizon de tiwanaku*, ils ont reçu une influence culturelle des Andes centrales, influence essentiellement religieuse et artistique pour ce qui est de la céramique.
La poterie- céramique
C’étaient de magnifiques poteries réalisées par chaque famille pour son usage utilitaire et par des artisans qui étaient spécialisés dans les poteries d’art telles les urnes funéraires pour enterrer les morts. Certaines urnes funéraires décorées de couleur blanche et ocre ou rouge et noire sont conservées encore dans des musées.
L’influence de zone chilienne vient du littoral péruvien avec des formes anthropomorphes et zoomorphes ( amphore-canard par exemple)
Musée de La Plata : céramiques des Vallées Calchaquíes
Mode de vie
Les communautés étaient gouvernées par un chef politique et militaire. Pour hériter de la charge de chef il ne suffisait pas d’être fils de chef, il fallait aussi démontrer une aptitude aux conditions requises au commandement. Le territoire diaguita à l’arrivée des espagnols était divisé en chefferies et seigneuries. Le chef était polygame mais pas le reste de la population, il n’y avait pas de classe sacerdotale comme chez les quechuas. Chaque village avait un chaman qui célébrait les cérémonies, s’occupait des rites et de la santé de la population.
Les partialités
Au XVIe siècle, les diaguitas se divisaient en partialités portant le nom de leur lignage principal qui exerçait une autorité seigneuriale : par exemple, les quilmes, les amaichas, les abaucanes, les calchaquis. On retrouve d’ailleurs ces noms dans la toponymie des villes ou des vallées : Rio Abaucan (des abaucanes), province de Tucuman ( des tucumanaos)
Les rites religieux
Ils vénéraient le dieu soleil et la pachamama, héritages des dieux acquis avec la culture de l’empire inca. Ils pensaient que c’était la pachamama qui leur enseignait de cultiver, élever les animaux et fabriquer la nourriture. Pour vénérer leurs ancêtres, ils taillaient des menhirs dans le nord ouest argentin ou bien se servaient des menhirs hérités d’une civilisation les ayant précédés, la culture tafi (témoignage des menhirs de tafi del Valle dans la province de Tucuman).
Les menhirs et les autres constructions similaires sont des symboles ityphalliques s’associant aux rites saisonniers de la fertilité.
Agriculture
C’était un peuple d’agriculteurs qui maîtrisait le système d’irrigation lui permettant de cultiver le maïs, le quinoa, les oignons, les courges, les pois, les piments, les pommes de terre, le kiwiche (amarante queue de renard).
Ils cueillaient les fruits de la forêt qui étaient très abondants à l’époque ainsi que ceux du caroubier .
La pomme de terre et le quinoa étaient cultivés sur des terrasses aménagées dans les zones les plus élevées comme cela se pratique encore en Bolivie.
Le caroubier créole (prosopis nigra) leur permettait de couvrir plusieurs nécessités de base :
Son bois servait de bois de chauffage ou pour fabriquer du matériel et des outils, ses racines et son écorce donnaient une teinture servant à teindre la laine et les tissus, les fruits donnaient une farine utilisée pour fabriquer le pain nommé patay et pour préparer une sorte de bière nommée aloja.
Avant la colonisation les diaguitas vivaient en autosuffisance sur des terres de nos jours devenues désertiques. Il n’existe plus en effet les bois et forêts de prosopis nigra qui suite à l’invasion espagnole ont été abattus et incendiés par les colons qui souhaitaient affamer le peuple pour le vaincre plus facilement. Une fois la conquête terminée et les indiens vaincus, les espagnols installèrent des caprins et des ovins sur ses terres si fertiles qui devinrent rapidement des déserts.
Prosopis nigra, arbre et fruits
Elevage
Ils élevaient des lamas et des alpacas dans les zones élevées et froides de la puna. Les lamas servaient à transporter aussi les marchandises.
Ils pratiquaient également le troc avec d’autres communautés.
Une victoire pour les diaguitas du Chili
Vallée d'el Huasco
C'est la victoire de David contre Goliath. Au Chili, la communauté paysanne indigène Diaguita Los Huascoaltinos a réussi à faire empêcher la destruction de son territoire, ses sols et sources d'eau par le groupe minier Goldcorp.
Le vendredi 27 avril 2012, la Cour suprême chilienne a confirmé une décision de la cour d'appel contre l'exploitant du méga-projet minier El Morro. Déjà en février, le tribunal régional de la ville d'Antofagasta (nord du Chili) avait rejeté les plans du groupe minier canadien Goldcorp. Celui-ci projetait l'extraction d'or et de cuivre à la lisière du désert d'Atacama. El Morro aurait été une des plus grandes mines du pays.
Le tribunal a critiqué l'entreprise et pour son absence d'évaluation d'impact environnemental du projet et pour son mépris des droits des minorités du pays. En effet, Goldcorp a l'intention d'extraire des minerais sur le site où réside la communauté paysanne indigène Diaguita Los Huascoaltinos. Les 250 familles la composant cultivent depuis des siècles et avec succès les terres arides des abords du désert d'Atacama. Dépendant avant toute chose des faibles ressources en eau de la région, les familles ont porté plainte contre le projet El Morro.
La coopérative Diaguita Los Huascoaltinos détient des titres officiels de propriété foncière. Elle vit de l'agriculture dans la vallée de Huasco. Les sols et sources d'eau de la région seraient détruits et empoisonnés par l'extraction minière d'or et de cuivre, activité grande consommatrice d'eau et de produits chimiques toxiques. La décision de la Cour suprême renforce les droits environnementaux et des minorités au Chili.
Mots savants
*Tiwanaku
La civilisation de Tiwanaku (en aymara, ou Tiahuanaco, nom de la ville moderne en espagnol), est une civilisation pré-inca qui a dominé la moitié sud des Andes centrales entre le Ve siècle et le XVe siècle.
Familia Diaguita (vivienda diaguita) Oleo S/ Tela Ernesto Palacios
Notes de lecture
Pour compléter cet article, deux documents :
Thèse de Luna-Penna, Galo Antonio : Je suis un DIAGUITA, la construction identitaire des diaguita « sans terre » au Chili
Pour en savoir plus sur "l’inca" Hualpa Bohorquez , un ouvrage aux éditions l’Harmattan : L’Amérique en projet, utopies, controverses et réformes dans l’empire espagnol (XVIe – XVIIIe s) de Nejma Kermele et Bernard Lavallé.
Caroleone
Sources : wikipédia, Autochtonie, identité et langue, regard croisé sur les wendat et les diaguitas de Dorais LJ et Gajardo Anahy, communiqué sauvons la forêt
La tradition d'art chamanique Shipibo-Conibo (Amazonie péruvienne) et sa relation avec la culture chilienne Diaguita
https://scielo.conicyt.cl/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0718-68942016000100003
Paola Gonzalez
Société chilienne d'archéologie, Santiago, Chili, courriel : paoglez@gmail.com.
L'art Pre-Inca Diaguita présente une logique visuelle caractérisée par l'utilisation de symétries complexes, l'illusion de mouvement et de vibration, la variabilité infinie à partir d'éléments géométriques délimités, l'horror vacui, l'attraction hypnotique, entre autres. Ces caractéristiques, ainsi que l'association de cet art à un alter ego animal (jaguar) et les indices de consommation d'hallucinogènes, nous permettent de proposer un lien culturel avec certains arts visuels de nature archéologique (Mojocoya) et ethnographique (Shipibo-Conibo). Nous proposons que, dans ce cas, nous ayons affaire à des "technologies d'enchantement" (Gell 1998) qui ont un pouvoir d'action et captivent le spectateur, puisque les motifs abstraits possèdent des caractéristiques d'animation non-mimétique difficiles à comprendre. Dans les contextes ethnographiques, ces motifs décoratifs jouent un rôle important dans les stratégies de guérison chamanique.
si une traduction en français de ce document vous intéresse, merci de me contacter.