Bobby Sands et ses compagnons, Spirit of freedom
Publié le 12 Février 2012
Bobby Sands et ses compagnons, spirit of freedom
"J'étais seulement un enfant de la classe ouvrière d'un ghetto nationaliste, mais c'est la répression qui a créé l'esprit révolutionnaire de liberté. Je ne m'installerai pas jusqu'à la libération de mon pays, jusqu'à ce que l'Irlande devienne une république souveraine, indépendante et socialiste."
Son véritable nom : Robert Gerard Sands
Il est né le : 9 mars 1954 à Abbots cross, Irlande du nord
Il est mort le : 5 mai 1981 à l’âge de 27 ans
C’était un républicain irlandais, membre de l’IRA provisoire, député de la chambre des communes du Royaume-Uni du 9 avril au 5 mai 1981.
Il est considéré comme héros de la cause républicaine et pour la défense de la liberté et de la dignité des prisonniers politiques.
Sur son enfance
Il est issu d’une famille catholique et il vit à abbot croos avec ses parents et ses deux sœurs.
En 1960, la famille est contrainte de déménager à Rathcoole dans le Newthowabbey et le petit dernier, John naît en 1962.
Bobby abandonne rapidement l’école pour devenir apprenti carrossier. Son enfance est marquée par de violents affrontements entre les communautés catholiques et protestantes et lorsqu’il à 18 ans, sa famille est victime d’intimidations loyalistes qui la contraignent à déménager.
Ils s’établissent alors à Twinbrook dans la partie ouest de Belfast.
En 1972, Bobby épouse Geraldine Noade.
En 1973 naît leur fils Gerard.
Engagement à l’IRA
En 1972, il rejoint les forces de l’IRA et en octobre il est arrêté et emprisonné jusqu’en 1976 pour la possession de 4 armes à feu chez lui.
En 1977, il ne sera resté en liberté qu’un an et il est de nouveau arrêté avec trois compagnons dans une voiture en possession d’un revolver alors qu’ils tentaient de fuir après un attentat à la bombe du balmoral furniture company à Dunmury et une fusillade entre l’IRA er la RUC (police royale de l’ulster).
Le procès a lieu en 1977 et l’accusation de participation à l’attentat est abandonnée faute de preuves. Il est néanmoins condamné pour la possession de l’arme sui aurait soi-disant servi à la fusillade. Il est emprisonné à la prison de Maze.
La prison de Maze dite Long kesh
A partir du 1er mars 1976, suite au décret de Margaret Thatcher, les membres de l’IRA et des groupes républicains internés au Maze perdent leur statut de prisonniers politiques et sont considérés comme criminels de droit commun. Cette décision provoque la colère des détenus qui se battaient pour la libération de leur peuple.
L’abolition du statut de catégorie spéciale faisait partie de la politique britannique dite de " la criminalisation " visant à dépolitiser la guerre d’Irlande et à présenter l’IRA et l’INLA comme des groupes criminels de type mafieux plutôt que comme des mouvements de libération nationale.
La blanket protest ou protestation de la couverture
Le premier prisonnier qui réagit s’appelle Kieran Nugent, il refuse de porter l’uniforme de la prison car il ne se considère pas comme un criminel. Les autres détenus le soutiennent et décident d’être nus ou de ne porter qu’une couverture plutôt que l’uniforme carcéral.
Les hommes aux couvertures étaient confinés à l’intérieur de leurs cellules sans aucun vêtement, livre ou meuble, n’ayant qu’un matelas qu’on leur enlevait pendant la journée
Cette protestation dure jusqu’en 1978 :
= 300 prisonniers y participent et seront dénommés les blanket man.
Comme cette protestation ne suscite pas un grand intérêt médiatique, les conditions de détention à Long kesh étant devenues effroyables, les détenus enclenchent un niveau supérieur dans la protestation.
La dirty protest ou protestation par la saleté
Mars 1978 : les prisonniers refusent de se laver, étalent leurs excréments sur les murs de leur cellule.
Ils déposent 5 revendications aux autorités :
1. Le droit de ne pas porter l'uniforme de prisonnier
2. Le droit à ne pas participer aux travaux de prisonnier
3. Le droit de libre association avec d'autres prisonniers et celui d'organiser des activités éducatives ou récréatives
4. Le droit à une visite, une lettre et un colis par semaine
5. L’entière restauration de la remise de peine perdue lors de la protestation.
Les autorités politiques n'entrent pas en jeu et les dirigeants de la prison tentent d'empêcher les actes des prisonniers et de maintenir un niveau de propreté acceptable en nettoyant de force les cellules et les prisonniers, mais le moral des détenus est inébranlable et ils persévèrent dans leur combat.
Début des grèves de la faim
1980
Devant les conditions de détention de plus en plus intolérables, cumulées aux conditions provoquées par les grèves des couvertures et de l’hygiène, 7 prisonniers se mettent en grève de la faim. Ils espèrent forcer le gouvernement britannique à accéder à leurs requêtes. La grève est interrompue après 53 jours, suite à un accord à l’emporte-pièce par lequel les prisonniers auront le droit de porter des habits civils mais pas leurs propres habits.
Bobby Sands devient officier commandant des prisonniers de l’IRA à Long Kesh, succédant à Brendan Hughes qui fait partie des 7 en grève de la faim.
Pendant ce temps là, en dehors de la prison…..
Election de Bobby Sands au siège de député
Peu de temps après le début de cette grève de la faim, un député républicain du Fermanagh et du sud, Tyrone meurt et des élections anticipées sont provoquées. La vacance soudaine de ce siège obtenu avec une faible majorité catholique est l’opportunité pour les supporters de Sands et de son combat d'accroitre la pression contre le gouvernement. Ils proposent donc Sands comme candidat à l’élection législative anticipée. Après une campagne électorale fortement médiatisée, Sands remporte le siège le 9 avril 1981 par 30 492 votes contre 29 046 au candidat de l’Ulster Unionist Party, Harry West.
Le gouvernement conserve cependant une attitude de fermeté. Le premier ministre, Margaret Thatcher, déclare : « Nous ne sommes pas prêts à accorder un statut spécial catégoriel pour certains groupes de gens accomplissant des peines à raison de leurs crimes. Un crime est un crime et seulement un crime, ce n'est pas politique. ».
Le gouvernement change la loi électorale en introduisant le Representation of the People Act pour prévenir l'élection d'autres prisonniers de l'IRA. Cette loi interdit aux prisonniers condamnés à plus d'un an de prison de se présenter à des élections.
Début de la grève de la faim de Bobby
L’accord consécutif à la première grève de la faim est dénoncé le 4 février 1981 par les prisonniers. Bobby Sands commence à refuser de s’alimenter le 1er mars 1981 et entame sa grève de la faim.
Contrairement à ce qui est dit dans les médias aux ordres, l’IRA n’a ni déclenché ni contrôlé les grèves de la faim. En réalité elle s’opposait à l’usage de cette stratégie et ce sont uniquement les prisonniers qui utilisèrent ce moyen en dernier recours. L’IRA soutiendra pleinement les grévistes dès le début des grèves.
Le 5 mai 1981, Bobby Sands meurt à l’hôpital de la prison après 66 jours de grève de la faim. L’annonce de sa mort provoqua de nombreuses émeutes dans les quartiers nationalistes en Irlande du Nord. Deux personnes trouveront la mort à cette occasion (un laitier et son fils). Plus de 100 000 personnes suivirent le cortège lors de ses funérailles. En réponse à une question parlementaire relative à la mort de Bobby Sands, Margaret Thatcher déclara à la Chambre des communes: "Monsieur Sands était un criminel condamné. Il a fait le choix de s'ôter la vie. C'est un choix que l'organisation à laquelle il appartenait n'a pas laissé à beaucoup de ses victimes"
Neuf compagnons de Bobby mourront également de la grève de la faim !!
En plus de Bobby Sands, six autres membres de l'IRA et trois de l'INLA moururent des suites de la grève de la faim. L'image de Bobby auprès de la plupart des républicains irlandais et des sympathisants du groupe terroriste est celle d'un martyr, étant resté ferme face à l'intransigeance du gouvernement londonien. Au-delà, la position du gouvernement britannique a également choqué nombre de nationalistes s’opposant à l'IRA.
- Bobby Sands (IRA), 27 ans, meurt le 5 mai 1981 après 66 jours de grève de la faim
- Francis Hughues (IRA), 25 ans, meurt le 12 mai 1981 après 59 jours de grève de la faim
- Raymond McCreesh (IRA), 24 ans, meurt le 21 mai 1981 après 61 jours de grève de la faim
- Patsy O'Hara (INLA), 23 ans, meurt le 21 mai 1981 après 61 jours de grève de la faim
- Joe McDonnell (IRA), 30 ans, meurt le 8 juillet 1981 après 61 jours de grève de la faim
- Martin Hurson (IRA), 29 ans, meurt le 12 juillet 1981 après 46 jours de grève de la faim
- Kevin Lynch (INLA), 25 ans, meurt le 1er août 1981 après 71 jours de grève de la faim
- Kieran Doherty (IRA), 25 ans, meurt le 2 août 1981 après 73 jours grève de la faim
- Thomas McElvee (IRA), 23 ans, meurt le 8 août 1981 après 62 jours grève de la faim
- Michael Devine (INLA), 27 ans, meurt le 20 août 1981 après 60 jours de grève de la faim
Quel gâchis !!!
Il faut remarquer que l’INLA a payé un prix particulièrement lourd, puisque l’organisation ne comptait que trente prisonniers dans les blocs-H, alors que l’IRA provisoire en avait des centaines. Les grèves de la faim s’achevèrent en octobre 1981 car, les familles des prisonniers étant assujetties à une pression grandissante de l’Eglise catholique, certaines d’entre elles acceptèrent que les grévistes de la faim fussent nourris une fois tombés.
L’impact politique
La grève de la faim attira l’attention du monde entier sur la situation en Irlande.
Il serait faux de croire que l’enjeu fondamental pendant les grèves de la faim ait été une question fondamentalement “humanitaire” ou un simple problème d’habits, bien que certains tentent d’accréditer cette version. L’enjeu était politique, pas humanitaire. Les grèves de la faim ont été une lutte pour la légitimité de la lutte irlandaise pour la libération nationale.
Il s’agissait de déterminer si l’Irlande du Nord était une société démocratique normale entachée d’éléments criminels la perturbant, ou si c’était au contraire une entité faisant face à une crise politique et à un conflit structurel. Il s’agissait de déterminer si la résistance à l’oppression était criminelle dans sa nature. Les grèves de la faim étaient une affaire de grande importance politique, à cause du rôle qu’elles allaient jouer dans le rapport de force entre l’impérialisme et l’opposition anti-impérialiste.
Une victoire du gouvernement britannique menacerait toutes les formes d’opposition à la partition et renforcerait toutes les formes de répression et de réaction sur lesquelles repose la partition. Une telle victoire présenterait l’impérialisme comme justifié, et son opposition comme criminelle. Une victoire des anti-impérialistes serait d’égale importance, comme l’histoire l’a prouvé.
Après la fin des grèves de la faim, le premier ministre britannique, Margaret Thatcher, et son gouvernement, firent du triomphalisme, se vantant de n’avoir pas capitulé devant les ‘assassins’. Mais les effets politiques produits par les grèves de la faim et leur impact sur le rapport de forces furent tels que le gouvernement britannique et leurs alliés furent, en pratique, les perdants. Gerry Adams avait raison lorsqu’il écrivit que si en 1976, les Britanniques voulaient criminaliser les républicains, cinq années plus tard ce furent les républicains qui réussirent à criminaliser le gouvernement britannique.
Les grèves de la faim suscitèrent un soutien très large pour la cause irlandaise, à la fois en Irlande et dans le monde. Les grèves de la faim générèrent des mobilisations de masses telles qu’on n’en avait pas vues depuis le Bloody Sunday en 1972. La campagne H-Blocks/Armagh unit tous les éléments anti-impérialistes et suscita des manifestations massives. La présence de 100.000 personnes aux funérailles de Bobby Sands fut un indicateur de l’ampleur de la colère parmi les nationalistes ordinaires. L’élection de Bobby Sands à Westminster, alors qu’il était en grève de la faim réfuta l’allégation britannique selon laquelle les grèves de la faim ne jouissaient que de peu de soutien. Ceci fut renforcé par l’élection de Kieran Doherty au parlement des 26 comtés.
Le prix de l’intransigeance du gouvernement britannique fut un ressentiment massif contre la domination britannique et ses injustices. L’IRA et l’INLA sortirent des grèves de la faim avec un soutien renouvelé et plus étendu. L’injustice britannique en Irlande fut dénoncée massivement à la face du monde.
La “démocratie” britannique dans le Nord de l’Irlande montra son vrai visage. Après les grèves de la faim, les forces anti-impérialistes connurent un accroissement de leurs forces, alors qu’en 1980 elles étaient sur la défensive. Le courage et la détermination des grévistes de la faim et la façon dont le gouvernement britannique traita la crise fit basculer le rapport de forces en faveur du mouvement de libération national et plaça le gouvernement britannique et ses alliés sur la défensive.
Dans les mois qui ont suivi l'agonie puis la mort de Bobby Sands et de ses compagnons, de par sa couverture médiatique, l'IRA a vu les dons et le nombre de ses membres augmenter sensiblement, et une nouvelle vague de violence remarquable par le durcissement des positions tant des nationalistes que des unionistes.
Sources : libération irlande, wikipédia, Nicolas Maury
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Complément à propos de la grève de la faim qui est un sujet qui me touche personnellement......
Afin de mieux appréhender cette forme de suicide qu'est la grève de la faim et d’en comprendre toutes les substances, voici ce texte pris sur le site l’encyclopédie sur la mort :
Grève de la faim
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Abstention volontaire de toute alimentation, si nécessaire jusqu’à la mort, afin d’attirer l’attention du public ou des autorités compétentes, par manière de protestation contre des injustices sociales ou de revendication de droits lésés, la grève de la faim est une forme de chantage public par lequel un individu ou, plus généralement, un groupe de personnes visent l’obtention d’un bénéfice particulier pour eux-mêmes ou pour autrui. C’est une stratégie d’ordre politique ayant pour objectif d’éveiller des sensibilités endormies et de faire bouger les choses. Lorsqu’on a épuisé tous les autres moyens ou lorsque toutes les autres voies de négociation ont abouti à l’impasse, la grève de la faim constitue un recours ultime afin d’avoir gain de cause. Toute communication verbale étant devenue inopérante, on cherche à infléchir la situation par une conduite extrême non violente à l’égard d’autrui, même si la stratégie de la grève de la faim est une forme de violence envers soi.
Les grévistes exhibent leur corps vulnérable en symbole de leur situation d’impuissance. S’exposant en victimes, ils cherchent à alerter l’opinion publique et à provoquer une compassion massive capable d’ébranler les autorités et de les contraindre à modifier leurs politiques. Cet appel spectaculaire à la conscience populaire n’est guère possible que dans les régimes politiques où l’opinion publique jouit d’un pouvoir réel et pèse sur les décisions des gouvernants. La pression exercée sur les autorités, par le biais de la compassion des concitoyens, ne peut être efficace que dans les sociétés où la vie des individus est valorisée et où toute atteinte à la vie humaine soulève l’indignation. Dans les régimes totalitaires et dans les pays pauvres, on fréquente la faim et on frôle la mort quotidiennement. Une grève de la faim y risquerait de passer inaperçue et ne réussirait pas à provoquer une mobilisation populaire capable de revendiquer des droits bafoués ou de créer des mutations sociales importantes. C’est l’opinion publique qui décide si la cause d’une grève de la faim est juste ou non. En effet, il ne suffit pas que la cause soit bonne, il faut aussi convaincre la population de l’urgence de la situation ainsi que de la crédibilité des grévistes. Ceux-ci doivent se montrer prêts à aller jusqu’au bout de leur démarche en ne reculant pas devant la mort. Par contre, leur cause, aussi légitime soit-elle, ne doit pas se présenter comme perdue d’avance, il faut de fortes chances qu’elle soit entendue. C’est pourquoi l’appui médiatique est indispensable pour émouvoir l’opinion publique qui, à son tour, exercera son pouvoir de persuasion sur les autorités, de sorte que celles-ci soient contraintes de céder.
La grève de la faim est aussi une action d’ordre symbolique. Grâce à un rituel bien orchestré, elle exhibe la faim comme symbole pour frapper l’imaginaire collectif. Les visages émaciés des grévistes révèlent la nature d’une société régressive où les groupes dominants s’approprient le gros des avantages ne laissant que des miettes à ceux qui sont sans pouvoir. Ils semblent dire: ce n’est pas nous qui nous infligeons cette faim, c’est la société, c’est vous les nantis qui vous nourrissez à la table bien garnie du système; notre tombe, ce n’est pas nous qui la creusons, c’est la société. La grève de la faim est une transgression radicale d’un ordre social fondé sur les intérêts des plus forts. Dans un monde vorace où les mangeurs du peuple mangent l’immangeable, la grève de la faim suscite une inquiétude d’ordre éthique. Elle éveille la conscience collective et la porte à s’interroger sur les grandes politiques de l’État et sur les conditions de vie concrète des citoyens. La faim est une expérience radicale. D’une part, elle constitue un retour à cette sensation initiale que nous avons éprouvée à notre naissance et que notre mémoire refuse d’oublier. D’autre part, c’est une expérience étroitement associée à la mort. Les corps décharnés de ceux qui ont faim sont semblables à des cadavres. Le processus de mourir a commencé. Au-delà des revendications particulières, les grévistes symbolisent la faim dans le monde et la soif de justice. Ils expriment un manque à être, un manque à vivre, une déchirure, une plaie ouverte. «Avoir faim, c’est avoir conscience d’avoir faim, c’est être jeté dans le monde de la faim» (J.-P. Sartre).
La grève de la faim remplit une fonction éthique, appelant le public à la compassion et les gouvernants à la conversion. Elle pointe du doigt les injustices du système et l’urgence de modifications structurelles. Dans le concert de l’opinion publique, il est impérieux que des voix se fassent entendre et servent de médiation entre les grévistes et le pouvoir en place. Ce rôle incombe, entre autres, aux Églises et aux groupements sociaux. L’impératif éthique des autorités concernées est, à court terme, un réexamen du dossier en cause et, au besoin, un transfert à des mains plus compétentes. Un regard neuf et plus neutre pourra parvenir à des solutions originales aux problèmes d’ordre administratif et juridique, politique et économique, apparemment sans issue. On pourra ainsi éviter des morts inutiles. À plus long terme, on envisagera une réforme des lois ou une plus juste interprétation et une application plus intelligente de celles-ci. Le virage le plus important que l’on est en droit d’attendre du gouvernement en cause est celui de l’instauration de politiques de proximité qui le rapprocheraient des besoins des communautés ou des groupes sociaux.
Quant aux grévistes eux-mêmes, il importe d’observer et d’analyser rigoureusement la situation. En ce domaine de haut risque où l’on joue avec la vie, rien ne peut être laissé à l’improvisation. Il faut des raisons suffisantes de croire que l’opinion publique a des chances d’estimer leur cause comme juste et d’être touchée par la compassion et que les autorités peuvent réviser leurs positions. Si l’efficacité de la grève de la faim dépend de sa rationalité et de sa puissance symbolique, il faut une conjoncture sociale susceptible de revirements, un lieu stratégique et un rituel capables d’émouvoir la conscience collective. Il faut apprécier correctement les dommages temporaires ou durables pour la santé physique et mentale d’une grève de la faim, surtout si elle risque de se prolonger. Par ailleurs, on ne peut exclure de cette stratégie hautement politique et symbolique tout élément de risque grave, sinon elle sera vouée à l’échec. Si, effectivement, elle conduit à la mort volontaire, elle reste, comme tant d’autres gestes ambigus de l’existence humaine, une action où le bon et le mauvais, le pour et le contre, la noblesse des sentiments et les intérêts particuliers se mêlent inéluctablement. «Si on permet à une nation qui s’estime injustement traitée de déclarer la guerre à ses oppresseurs, et donc de se rendre cause d’un grand nombre d’homicides, comment peut-on interdire à des humains poursuivant un même but, qui est le rétablissement de la justice, de sacrifier à cette fin leur vie plutôt que celle des autres?
Derrière la mort volontaire ou la menace de mourir, se profilent souvent des responsabilités inavouées d’individus ou de groupes, de structures ou de rapports sociaux. Sans vouloir faire de la grève de la faim un assassinat déguisé, on peut la considérer, selon la définition de Durkheim, comme un suicide altruiste ou un sacrifice. Elle est un cri ultime qui, par la violence avec laquelle elle s’adresse à l’humanité, veut dénoncer des situations intolérables. Cette voix prophétique qui crie dans le désert de ce monde nous invite à une conversion des mentalités et des institutions. |
Caroleone