Algérie - « le régime laisse mourir nos héros » : Djamila Bouhired écrit à Bouteflika
Publié le 26 Décembre 2009
Après leur assassinat physique pendant les années 1970, les héros de la guerre de libération algérienne sont à présent écartés par le régime et confinés dans un
isolement mortel. Djamila Bouhired, aujourd'hui âgée de près de 75 ans, symbole international de l’émancipation des peuples colonisés, lance un appel aux Algériens pour…accéder à des soins
hospitaliers. Honte à vous les hauts gradés de l’armée, honte à vous Monsieur le Président, vous avez laissé mourir nos héros ! Qu’est ce que c’est que cette Algérie que vous nous avez fabriquée
? Un pays où les corrompus s’empiffrent et se vautrent et les héros crèvent de faim ? Les Lettres de Djamila Bouhired, parues dans la presse
algérienne :
A Monsieur le Président d’une Algérie que j’ai voulue indépendante
Monsieur,
Je me permets d’attirer votre attention sur ma situation critique. Ma retraite et la petite pension de guerre que je perçois ne me permettent pas de vivre convenablement. D’ailleurs, mon épicier, mon boucher, ma supérette pourront témoigner des crédits qu’ils m’accordent.
Il ne m’est jamais venu à l’esprit de compléter mes revenus par des apports frauduleux qui, malheureusement, sont très fréquents dans mon pays. Je sais
que certains authentiques moudjahidine et moudjahidate sont dans la même situation, probablement plus critique. Je n’ai pas la prétention de les représenter ici, mais au poste où vous êtes, vous
ne pouvez ni ne voulez connaître leur dénuement.
Ces frères et soeurs, dont l’intégrité est connue, n’ont bénéficié d’aucun avantage. La somme qui leur serait allouée ne pourrait dépasser les honoraires généreux attribués aux députés et
sénateurs, ainsi qu’à vous-même et à tous les alimentaires qui vous entourent. Ainsi, je vous demanderais de ne plus nous humilier et de revaloriser notre dérisoire pension de guerre afin de
vivre dans un minimum de dignité le peu de temps qui nous reste à vivre.
Avec mes sentiments patriotiques. Djamila Bouhired
Le 9 décembre 2009
Lettre de Djamila Bouhired au peuple algérien :
Si je m’adresse à vous, c’est parce que, pour moi vous représentez ce peuple multiple, chaleureux et généreux que j’ai toujours aimé. Aujourd’hui, je me vois dans l’obligation de faire appel à vous.
Permettez-moi tout d’abord de me présenter. Je suis Djamila Bouhired, condamnée à mort en 1957 par le tribunal militaire d’Alger.
Je me trouve actuellement dans une situation critique. Malade, les médecins m’ont conseillé trois interventions chirurgicales lourdes et coûteuses auxquelles je ne peux faire face : l’hospitalisation, les interventions chirurgicales, les soins, les médicaments et l’hébergement dans un hôtel, ne peuvent pas être couverts par ma retraite et la petite pension de guerre. Aussi, je vous demanderais de bien vouloir m’aider dans la mesure de vos possibilités.
Avant de terminer, je voudrais remercier chaleureusement certains amis des pays du Golfe que je considère comme frères pour leur générosité et leur compréhension, offre généreuses et spontanée à vouloir me prendre en charge, offre que j’ai dû refuser.
Avec tous mes remerciements aux sœurs et frères algériens et ma fraternelle affection.
Le 9 décembre 2009
Djamila Bouhired
source : « Angles de vue »
Djamila Bouhired, l’héroïne de la guerre d’indépendance, est une nationaliste algérienne née en 1935 et grandit au sein d’une famille de classe moyenne.
Elle a suivi sa scolarité à l’école française. Durant ses années étudiantes, elle rejoint les rangs du Front de Libération Nationale (FLN) et travaille plus tard comme officier de liaison et assistante personnelle de Saadi Yacef à Alger.
Elle se blesse dans une fusillade et fait capturée par l’armée française en 1957. Soupçonnée d’être une porteur de bombes, elle est inculpée pour terrorisme et sera torturée et condamnée à mort.
L’exécution de Djamila Bouhired est stoppée grâce à la compagne médiatique qu’ont menée Jaques Vergès et Georges Arnaud. Ils écrivent le manifeste « Pour Djamila Bouhired » publié dans la même année aux Editions de Minuit qui, avec le livre « La Question » d’Henri Alleg, alerteront l’opinion publique sur les tortures infligés aux militants et indépendantistes algériens. Djamila Bouhired est finalement graciée et libérée en 1962.
Après sa libération, elle épouse Jacques Vergès en 1965 et travaille avec lui sur le magazine Révolution Africaine. Djamila a eu deux enfants de son mariage avec Vergès.
Le cinéaste Youssef Chahine a adapté sa vie au cinéma à travers le film « Djamilah » sorti en 1958. Le film documentaire « L’Avocat de la terreur » consacré à Jacques Vergès évoque également le parcours de cette grande résistante.