Ainsi est le choquero

Publié le 15 Mars 2013

 

Choquero-al-fuego.JPG

 

 

 

Noir comme le charbon de Lota,

le corbeau et la gueule du canon.

C’est ainsi qu’est le choquero, bon et méchant,

comme celui qui habite le Mississipi.

Noirci par la lumière belle

qui éclaire la nuit,

qui étreint et brûle,

unit, chante et rit ;

(qui consume peu à peu

le bois qui arbre fut,

l’arbre qui donna son fruit,

le fruit qui fut nôtre).

Noir ami,

convoité par la flambée fraternelle,

efficace et noirâtre, il s’empare de la dame ardente,

du scintillement des étincelles et des étoiles.

C’est ainsi qu’il est, gai et triste,

noirci sous un pont du Mapocho,

guetté par le gamin et par le chien,

la misère enfantine,

l’aboiement affamé,

qui attendent de toi, choquero,

ta chaleur vitale, alimentaire,

avec son arrière-goût de maison et de famille,

foyer qui s’évanouit dans la vapeur légère

de ta bouche peinée,

choquero fidèle

de la pause de la dure journée,

du déjeuner prolétaire,

du quart de pain,

toi qui trompes la faim salariée.

Oui, c’est ainsi qu’il est, pauvre et triste,

inséparable compagnon

du vagabond aventurier ;

tu es guitare, sandale errante,

humble voyageur

du sentier qui suit le vagabondage.

Choquero de Chabuco,

hôte de la cuisine froide,

de la mélancolique flamme,

du fourneau sans maître ;

témoin silencieux de l’intimité triste

que l’on boit gorgée après gorgée avec rage et nostalgie.

Ainsi est-il, prisonnier et libre,

choquero, toi qui rends possible la conversation du café,

le cercle du maté amer,

le foyer présent dans le souvenir,

la choca que l’on prend au son de la guitare et l’eau chaude

de l’espérance

qui bout jour après jour dans le choquero de l’histoire.

Ainsi est-il, noir, gai et triste,

pauvre, libre, prisonnier.

Ainsi est le choquero.

 

Chacabuco, 31 janvier 1974

 

Tirés des poèmes écrits par les emprisonnés du Chili (Revue Europe 1976)

 


 

* Choquero : récipient pourvu d’une anse en fil de fer, dans lequel on fait chauffer l’eau du thé ou du café.

* Mapocho : traverse le bas Santiago

* Choca : thé ou café que l’on prend au Chili entre 17 et 18 heures.

 

 

 

 

 

 


 

 


Rédigé par caroleone

Publié dans #La poésie que j'aime

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A
<br /> Très beau poème qui parle si bien des hommes, de leur pauvreté, de leur désarroi mais aussi de leur solidarité. <br /> <br /> <br /> La musique accompagne on ne peut mieux.<br />
C
<br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bonsoir Almanitoo,<br /> <br /> <br /> Merci, ça me fait plaisir que ça plaise car je pense que je vais éditer d'autres poèmes anonymes ou pas des emprisonnés de la dictature chilienne. C'est l'occasion rêvée je pense de le faire.<br /> <br /> <br /> Il y a de très beaux textes, alors ça me tente.<br /> <br /> <br /> En plus, cela me permettra d'illustrer en musique et rendre aussi hommage à la nueva cancion chilienne dont je ferais un article prochainement.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Merci de ta visite et bises du soir<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> caro<br /> <br /> <br /> <br />