Affaire Bettencourt : Sarközy, sa méprisance et son immunité
Publié le 2 Avril 2012
Le feuilleton des présidentielles dont
les français se moquent presque tous
A seulement quelques semaines du terme de son mandat, Sarközy est enfin visé directement par un juge d'instruction. Le juge Jean-Michel Gentil, qui instruit au tribunal de grande instance de Bordeaux les principaux volets de l'affaire Bettencourt. Le juge bordelais semble bien déterminé à enquêter sur le président de la République bien qu'il soit protégé par l'immunité pénale que lui confère la Constitution durant son mandat.
Jean-Michel Gentil soupçonne désormais ouvertement le président d'avoir fait financer illégalement sa campagne présidentielle de 2007. De nombreux documents judiciaires, dont Mediapart et Le Monde ont eu connaissance, en attestent.
Le juge Gentil dispose ainsi du témoignage, recueilli le 26 janvier, du photographe François-Marie Banier, mis en examen pour "abus de faiblesse, abus de confiance et escroquerie aggravés et blanchiment", et interrogé sur le contenu de son journal intime. L'écrivain-photographe, très proche de Liliane Bettencourt, avait notamment inscrit des propos de la vieille dame, héritière de L'Oréal, sur ses carnets, à la mi-avril 2007: "De Maistre m'a dit que Sarközy avait encore demandé de l'argent. J'ai dit oui."
Invité par le juge à s'expliquer, Banier tente d'éluder : « Je suis écrivain et je trouve intéressant de montrer les rapports d'une femme face à son trouble vis-à-vis des gens en qui elle doit avoir confiance [...] Pour cette demande d'argent, c'était une demande officielle car il y a toujours des demandes officielles pendant les campagnes. Il y a une somme officielle que l'on peut donner et il y a toujours des gens de tous bords qui viennent demander de l'argent à Liliane Bettencourt ».
Pas vraiment convaincu le magistrat poursuit son interrogatoire : « Dans vos annotations, il semble que la demande d'argent a été formulée mais que la remise n'a pas été effectuée. Est-ce exact ? ». Réponse de Banier : « Oui. D'ailleurs elle n'a pas encore donné cet argent et on ne sait pas si elle le donnera ».
Le juge Gentil insiste un peu plus : « Dans la conversation, a-t-elle bien mentionné le nom de Sarközy ? ». Banier, embarrassé répond : « Je ne suis pas sûr qu'elle ait mentionné le nom de Sarközy mais c'était quelqu'un d'important » .
Le magistrat toujours pas convaincu monte un peu plus la pression : « Nous faisons remarquer que nous sommes à la mi-avril 2007 et qu'à cette époque, il n'y a qu'une seule campagne électorale, celle de la présidentielle de 2007; qu'à la mi-avril il s'agit de l'entre-deux tours de la présidentielle et qu'il n'y a donc plus que deux candidats en lice à ce moment-là, c'est-à-dire au moment où il inscrit cette conversation. En conséquence, si une personnalité s'est présentée pour demander de l'argent à Liliane Bettencourt, ce ne peut être que l'une des deux personnalités concernées par le second tour de l'élection présidentielle, dont M. Nicolas Sarközy [...] Dans votre souvenir, une dernière fois, Liliane Bettencourt a-t-elle évoqué Nicolas Sarközy - ce qui semble logique - ou l'autre candidat ? ». Réponse du mis en examen : « Ce n'est pas ce qui m'intéresse ! ».
Plusieurs visites de Sarközy au domicile des Bettencourt durant la campagne de 2007
Ces derniers mois, le juge Gentil a recueilli plusieurs témoignages de personnes situées dans l'entourage proche de Liliane et André Bettencourt (mort en novembre
2007) qui ont certifié que Sarközy se serait rendu au domicile du couple, à Neuilly-sur-Seine, lors de la campagne présidentielle de 2007.
Selon l'un de ces témoins, Dominique Gautier, chauffeur des Bettencourt de 1994 à 2004, qui a gardé des liens avec les employés de la milliardaire,
le futur chef de l'Etat serait venu lui-même réclamer de l'argent pour sa campagne. Une démarche qui lui aurait été rapportée par l'ex-gouvernante du couple, Nicole Berger,
décédée depuis.
Interrogé le 8 mars par le magistrat, Dominique Gautier a déclaré : « Mme Berger m'a dit que
M. Sarközy était venu pour un rendez-vous voir Monsieur et Madame très rapidement, que c'était pour demander des sous ». Couchés
sur procès-verbal, ces propos accusateurs font écho à ceux que Dominique Gautier avait tenus au site Mediapart, dès novembre 2010 :
« Lors d'une conversation téléphonique, avait-il dit à propos de Mme Berger, elle m'a dit que M. Sarközy était venu chercher
de l'argent chez M. et Mme Bettencourt. C'était juste en pleine campagne électorale ».
Patrice de Maistre a le sort de Sarközy entre ses mains
Le juge paraît accorder d'autant plus de crédit à ces témoignages et aux écrits de M. Banier - plus qu'à ses déclarations - qu'ils sont confortés par les
découvertes effectuées en Suisse. Le magistrat, en s'intéressant à un compte suisse de Mme Bettencourt, a mis au jour un système de sortie de fonds en espèces organisé par Patrice de
Maistre, l'ex-gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, dont une partie pourrait avoir alimenté les caisses du candidat Sarközy il y a cinq ans.
Via un mécanisme de compensation passant par des établissements financiers français et suisses, Patrice de Maistre - mis en examen pour abus de faiblesse ,
escroquerie, blanchiment, abus de confiance et abus de biens sociaux et placé en détention provisoire le 23 mars - aurait récupéré en toute discrétion un total de 4 millions d'euros entre
2007 et 2009.
Sept retraits auraient été effectués par un intermédiaire mandaté par De Maistre. Les fonds étaient remis au gestionnaire de fortune dans les locaux parisiens de la société Clymène, entité chargée de valoriser les actifs de Liliane Bettencourt.
Dans son ordonnance du 22 mars, le juge Gentil insiste sur les deux versements de 2007 qui l’intriguent en liaison avec la campagne électorale de Sarközy. Patrice de Maistre et Éric Woerth, le trésorier de l’UMP, ont admis s’être rencontrés une première fois le 19 janvier 2007 " à 8h30 dans un bar de Paris situé à proximité du siège de campagne du candidat Sarközy dans le 10e arrondissement ". Or le premier versement en espèces de 2007 a lieu le 5 février, "deux jours avant le deuxième rendez-vous dans un bar entre Patrice de Maistre et Éric Wœrth intervenu le 7 février 2007", souligne le magistrat. En clair, la date d’arrivée des fonds venus de Suisse semble coïncider avec la date de rendez-vous Wœrth-Maistre.
Le magistrat précise que le second retrait date du 26 avril 2007 (quatre jours après le premier tour de la présidentielle), soit le jour même où M. Banier reporta
dans son carnet la fameuse phrase prêtée à Mme Bettencourt, sur les demandes insistantes de Sarközy... Dans son ordonnance, le juge Gentil conclut : "Il convient de noter que des témoins
attestent d'une visite du ministre de l'intérieur, Nicolas Sarközy, au domicile des Bettencourt pendant la campagne électorale de 2007, que des investigations sont donc nécessaires s'agissant de
ces premières remises de 2007".
Ces nouveaux développements, extrêmement embarrassants pour le chef de l'Etat, donnent de plus en plus de crédit aux révélations de l'ancienne comptable des
Bettencourt, Claire Thibout. Cette dernière affirmait dès le mois de juillet 2010 que Patrice de Maistre lui avait réclamé au début de l'année 2007 de sortir 150000 euros en
liquide, somme qu'il devait remettre à M. Wœrth afin de contribuer illégalement au financement de la campagne de Sarközy.
La cour d'appel de Bordeaux a confirmé, ce jour, vendredi 30 mars, le placement en détention de l'ancien gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, écroué depuis le 23 mars dans le cadre de l'affaire d'abus de faiblesse à l'encontre de la milliardaire.
Un ami de Patrice de Maistre confiera à Mediapart : « Patrice a tout intérêt à parler. Sinon, il risque de passer plusieurs mois en prison, et il fera figure de prévenu vedette quand viendra le moment du procès... Pour les juges, il est le dernier verrou avant Eric Wœrth et Nicolas Sarközy. S’il parle, il sort de prison, et l’affaire change de dimension ». Une révélation qui intervient comme une des clés de l'enquête car il se pourrait aussi que Patrice de Maistre ne sorte pas vivant de la prison de Gradignan (Gironde). Son état de santé serait jugé préoccupant.
Patrice de Maistre est en tout cas apparu fatigué et au bord des larmes, jeudi, lors de l’audience publique devant la chambre de l’instruction de Bordeaux.
« Je n'ai rien fait de ce qui m'est reproché. Ce que je n'ai pas fait, c'est d'arrêter un système qui existait depuis quarante ans [...] Je ne comprends pas, ni de près ni de loin, pourquoi je dois être incarcéré », a déclaré Patrice de Maistre, se plaignant ensuite de la souffrance ressentie dans sa cellule de la prison de Gradignan.
Ces déclarations sont dans la droite ligne de ce que l'ancien gestionnaire de fortune avait expliqué sur procès-verbal. Il a reconnu avoir rapatrié de Suisse des fonds gérés par des avocats locaux sur des comptes cachés, ce à la demande des époux Bettencourt, mais s’est refusé en revanche à confirmer la moindre remise d’espèces à des politiques.
L'Élysée a-t-il freiné la procèdure ?
« La justice est totalement et complètement indépendante
» , avait déclaré le monarque lors d'un déplacement à Dijon fin janvier. L'affaire Bettencourt jette une lumière crue sur ce manque
d'indépendance de la justice. Dernière déclaration en date, celle du Premier ministre François Fillon, le jeudi 29 mars, qui estime qu'on peut "s'étonner sur les raisons qui
conduisent" à placer en détention Patrice de Maistre.
Pire que les commentaires "regrettés" du chef du gouvernement, de forts soupçons d'intervention dans la procédure judiciaire planent. L'Elysée a-t-il freiné la procédure ? Jean-Louis Nadal le sous-entend clairement. Selon celui qui était alors procureur général de la Cour de cassation, l'Elysée a freiné la nomination d'un juge d'instruction dans l'affaire Woerth-Bettencourt. Dès septembre 2010, Jean-Louis Nadal a recommandé la désignation d'un juge d'instruction pour mener des investigations, conduites jusqu'alors sous la direction du procureur de Nanterre, Philippe Courroye, réputé proche de Sarközy.
Un autre personnage de l'affaire, moins exposé, pourrait avoir participé à ces intrusions du politique : Patrick Ouart. Ce conseiller de Sarközy est cité à plusieurs reprises dans les enregistrements de conversations entre Liliane Bettencourt et Patrice de Maistre. Patrick Ouart aurait ainsi donné des informations au gestionnaire de la fortune de l'héritière L'Oréal sur l’avancée de la plainte pour "abus de faiblesse" déposée par la fille Bettencourt contre François-Marie Banier. En juillet 2009, Patrice de Maistre désigne Patrick Ouart à Lilliane Bettencourt comme "le conseiller juridique, à l'Elysée, que je vois régulièrement pour vous".
Président intouchable et candidat
de la corruption, Sarközy empêtré
dans l'un des plus gros scandales d'État
Il va sans dire que Sarközy est le seul candidat parmi les 9 autres à bénéficier d'un atout majeur : son immunité présidentielle.
L'ensemble de la classe politique se rejoint pour dénoncer les abus de ce privilège médiéval et absurde tel que le citait Éva Joly à propos de Jacques Chirac en 2009 : « L’immunité présidentielle est d’un autre temps, moyenâgeuse même, et absurde. En particulier pour des faits commis hors de l’exercice de la fonction présidentielle » . A commencer par Ségolène Royal qui déclarait le 18 mars sur C Politique :
"Il (Sarközy) a peur de perdre, de la sanction des Français. Il a peur parce qu'il va perdre son immunité présidentielle, et on connaît tous les problèmes de corruption qui ont émaillé ces cinq années... Il va falloir attendre que Nicolas Sarközy ne soit plus président de la République pour que la justice puisse enquêter sur l'affaire de Karachi, sur ce que dit le fils de M. Kadhafi, qui aurait financé sa campagne électorale, sur l'affaire Woerth-Bettencourt, puisque de l'argent liquide aurait circulé. Il aura à s'expliquer. Donc il a absolument besoin d'être réélu pour être couvert par l'immunité présidentielle". |
Cette semaine c'est la candidate de EELV, l'ancienne magistrate Eva Joly, qui enfonce un peu plus le bouchon en déclarant que le président-candidat doit « renoncer à son immunité et aller s'expliquer [...] Nous avons maintenant la preuve dans l'ordonnance du juge Jean-Michel Gentil des retraits en espèces qui sont arrivés en France par Patrice de Maistre, de montant très important [...] Ils correspondent aux dates que François-Marie Banier avait indiquées comme remise d'espèces à Nicolas Sarközy ».
L'ex-magistrate poursuit en plus loin en soutenant les propos de Jean-Louis Nandal : « Le scandale, c'est qu'il y a une enquête ouverte sur l'affaire Bettencourt mais qui ne couvre pas le financement illicite de la campagne de Nicolas Sarkozy 2007. Le test de notre démocratie, c'est de savoir si on va donner les moyens de travailler au juge Gentil. Est-ce que le procureur de Bordeaux va donner les supplétifs pour continuer l'enquête alors que nous avons cette indication de financement illégal ? ». Selon la candidate EELV, « il n'y a pas que Bettencourt, il y a aussi la suspicion Kadhafi ». L'ex-juge d'instruction propose alors que l'immunité ne concerne que les actes commis dans l’exercice de la fonction présidentielle.
Une révision également réclamée aussi à droite. En 2011, Jean-Louis Borloo et l'UMP Patrick Devedjian se prononcent en faveur
d'une révision de l'immunité présidentielle, disposition introduite dans la Constitution en 2007. Cette règle veut que le chef de l'Etat en exercice ne peut ni être mis en examen, ni même
interrogé comme témoin dans aucune affaire lorsqu'il est en fonction. Elle paralyse donc l'action judiciaire et ouvre la voie à des procès tardifs.
Le candidat socialiste François Hollande a inscrit dans son programme la fin de l'immunité présidentielle ainsi que "la Suppression de la Cour
de justice de la République dont la seule composition crée un doute sur son impartialité et peut laisser croire à l’impunité. Les ministres doivent être des citoyens".
Financement des
campagnes et
prévention des conflits d'intérêt
Selon la loi, "les dons
des personnes privées sont limités à 4.600 euros, et tout don égal ou supérieur à 150 euros ne peut être effectué en espèces. En 1995, les dons des entreprises privées ont été interdits."
Seulement, les premiers témoignages font état de dons du couple Bettencourt bien plus importants pour Sarközy, et non déclarés. Mi-janvier, la justice a donc décidé de réquisitionner les comptes
de campagne pour l'élection présidentielle de 2007 du candidat UMP.
Reste un problème majeur dans le contrôle de ces comptes de campagne : il intervient systématiquement a posteriori. Les sénateurs de gauche ont d'ailleurs proposé
en janvier deux amendements pour renforcer le contrôle pendant et non après la campagne. L'un pour contraindre les candidats à la présidentielle à intégrer l'ensemble des dépenses à leurs comptes
de campagne. Le second pour autoriser tous les candidats à contester les comptes d'un adversaire, dès l'ouverture officielle de la campagne. Les deux amendements ont été rejetés par le
gouvernement au motif que l'élection était trop proche pour en changer les règles.
Au-delà du contrôle des comptes, l'affaire soulève également la question de conflit d'intérêts. En 2007, Eric Woerth cumule les fonctions de ministre du
Budget et de trésorier de l'UMP, tandis que sa femme travaille au service du gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre. Le ministre en profite
pour décorer Patrice de Maistre de la légion d'honneur en janvier 2008, ce qui lui vaut une mise en examen pour trafic d’influence.
Le 10 septembre 2010, après les premières révélations, le monarque met en place une commission chargée de réfléchir aux moyens de prévenir les conflits d'intérêts.
Dans une lettre, François Fillon demande alors aux membres du gouvernement de publier une déclaration d'intérêts. Des documents qui restent le plus souvent relativement vides...
Une dizaine de procédures instruites au tribunal de grande instance de Bordeaux
Depuis son dépaysement au tribunal de Bordeaux, en novembre 2010, l'affaire Bettencourt a été scindée en une dizaine de procédures, toutes supervisées par le juge Jean-Michel Gentil. Trois informations judiciaires concentrent toutefois les aspects les plus sensibles du dossier.
Une autre instruction vise des faits d'"abus de confiance, abus de biens sociaux, escroqueries, blanchiment et abus de faiblesse". Autant de délits qui auraient été commis au préjudice de Liliane Bettencourt. Sont notamment poursuivis dans ce volet l'artiste François-Marie Banier, son compagnon Martin d'Orgeval, et l'ex-gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt, Patrice de Maistre.
Une autre enquête, ouverte pour "atteinte à l'intimité de la vie privée", porte sur les conditions dans lesquelles ont été recueillis puis diffusés les enregistrements clandestins de conversations entre Liliane Bettencourt et son entourage. Les journalistes de Mediapart et du Point, à l'origine de leur publication en juin 2010 sont convoqués à Bordeaux dans les jours qui viennent aux fins de mise en examen. |
Sources : Mediapart, Libération.fr, LeMonde.fr, tempsreel.nouvelobs.com
Sarko sur ce coup-là ne se releva pas.....cette énième casserole tinta comme le glas de son règne.....et la cour de pleurer la fin de la monarchie dans son home doré aux sacrifices du peuple.
Il ne vécut pas longtemps et n'eut plus jamais d'enfants .....non, qu'il ne put plus mais son aura terni fit alors fuir les élues à l'engrossement royal.
Caroleone Andersen