19 mars 1962 : Le cessez-le feu de la guerre d'Algérie a 50 ans

Publié le 17 Mars 2012

220px-Fete_Huma_2008_017.jpg                                                                    Henri Alleg à la fête de l'huma 2008

 

 

 

 

J'ai choisi pour commémorer cet anniversaire un reportage d'Henri Alleg réalisé par le journal l'Humanité.

Henri Alleg est un camarade que je respecte beaucoup, son témoignage dans son livre "La question" a permis de mettre en avant la question justement de la torture en Algérie.

Dans cette guerre d'Algérie, deux camps s'affrontent, les colonialistes et les anticolonialistes dont je fais partie comme Henri Alleg. Je suis choquée de l'omerta qui est faite dans notre pays sur tout ce qui touche cette guerre. Je me dit dans mon for intérieur, tant que des acteurs français qui ont participé à ses horreurs sont encore en vie, l'histoire ne pourra pas se révéler dans toute sa vérité.


Cela fait 50 ans, merde, il serait tant que les bouches s'ouvrent, vous ne croyez pas ?


Comment se fait-il que la France autorise dans le sud des monuments à la gloire de l'OAS ?


Comment se fait-il que les troubles mentaux et physiques consécutifs à cette guerre ne soient pas pris en compte ?


Comment se fait-il que certaines associations et autres viennent mettre leur véto à la reconnaissance de cette date du 19 mars 1962 comme arrêt des combats en Algérie ?


Je lis des choses horribles sur les communistes et ceux qui ont soutenu le front de libération nationale d'Algérie, cela me fait bondir, car bien sûr, les communistes, en tant qu'anticolonialistes ont participé à cette guerre aux côtés de leurs frères algériens qui voulaient l'indépendance.....encore heureux !!

Et nos camarades communistes enrôlés de force dans cette sale guerre sont méritants car leur étiquette leur a valu les pires brimades que l'on puisse souhaiter à des soldats.

 

Aujourd'hui, l'Algérie a des petites soeurs......elles s'appellent Irak, Afghanistan, Libye, Syrie à présent.

Ses petites soeurs ont toutes le même lien dans leur horreur : elles sont des guerres impérialistes et coloniales.

Nous devons combattre encore et toujours contre le colonialisme qui enchaîne les peuples.

 

Même si sur ce blog, vous ne trouvez pas beaucoup d'infos  concernant les petites soeurs de l'Algérie, il faut savoir que je soutiens le combat pour la liberté des peuples, simplement, je ne maîtrise pas le sujet et ne veux pas faire n'importe quoi, et je m'en excuse ici ce jour.

 

Vous trouverez si vous le souhaitez des infos régulières à propos de la Syrie sur le blog de mon camarade Lucien Pons qui fait ça mieux que moi.

 

Je vous remercie de votre attention et vous envoie toutes mes amitiés anticolonialistes.

 

Caroleone


 


Henri Alleg. «L’idée internationaliste était primordiale dans notre engagement»

 


L'Humanité publie Algérie, 50 ans d'indépendance, un hors-série dédié au cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie, couplé avec le documentaire "Le Peuple en marche" de René Vautier, en DVD. Nous dévoilons en extrait l'entretien avec le communiste Henri Alleg, grande figure du combat anticolonialiste, qui continue de plaider 
pour que la torture et les crimes 
de guerre commis pendant 
la guerre d’Algérie soient reconnus officiellement.

 


Découvrez le hors-série ici

 


 


Un demi-siècle après l’indépendance de l’Algérie, pour laquelle vous avez combattu, que représente, pour vous, ce pays ?

 


Henri Alleg. Cela va sans dire : je suis très heureux que l’Algérie soit indépendante (rires). Je suis heureux et fier d’avoir pris part au combat pour l’indépendance. Bien sûr, j’aurais souhaité que les aspects sociaux pour lesquels nous avons combattu prennent plus d’importance. Je regrette que les batailles que nous avons menées pour l’avenir, pour le socialisme, n’aient pas pris plus de place. Mais je suis heureux que l’Algérie soit aujourd’hui ce qu’elle est, avec toutes les possibilités qui s’offrent à ce pays. Quand je pense au passé, je crois que notre combat a marqué la lutte du peuple algérien. C’est en ce sens que l’Algérie reste pour mois une référence du combat des communistes.

 


Lorsque vous avez écrit  La Question, pensiez-vous que votre témoignage sur la torture puisse avoir un tel impact ?

 


Henri Alleg. Ce n’était pas seulement un livre que j’écrivais. Il fallait faire connaître ce qu’était la guerre en Algérie. Il fallait témoigner des pratiques des colonialistes français, du sort atroce réservé au peuple algérien, de la réalité de cette guerre coloniale. Je dois dire que j’ai été surpris de l’écho rencontré par ce texte, lorsqu’il est devenu un livre. Un demi-siècle plus tard, ce témoignage reste utile. Lorsque je suis invité pour des conférences aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, je peux mesurer sa résonnance. Les atrocités commises par l’armée française pendant la guerre d’Algérie ne diffèrent pas des atrocités commises par l’armée américaine en Irak, en Afghanistan et ailleurs. Le combat continue. Rétrospectivement, je suis heureux d’avoir écrit ce livre, parce qu’il conserve un sens dans le monde d’aujourd’hui, même si le contexte a changé. La Question a par exemple circulé parmi les détenus dans des prisons turques où était pratiquée la torture.

 


Nous avions peur qu’ils nous passent à tabac.

 


Qui a trouvé ce titre percutant, « La Question » ?

 


Henri Alleg. On doit ce titre magnifique, excellent, à Jérôme Lindon, qui dirigeait les Editions de Minuit. En français, « La Question » revêt une signification qu’il n’a pas, à ma connaissance, dans d’autres langues. Depuis le moyen-âge, « mettre quelqu’un à la question », c’est le torturer. Dans les prisons mêmes, cette expression faisait sens. La parution du livre, en 1958, a déclenché la fureur des autorités françaises. D’où la décision de le saisir. À cette même période, des policiers et des CRS ont débarqué brusquement, au milieu de la nuit, à la prison de Barberousse. Ils ont commencé par une mise en demeure : « Tous à poil ! ». Il y avait dans la prison les salles, accueillant en général une centaine de détenus, et des cellules individuelles prévues pour une personne, mais où s’entassaient plusieurs détenus. Moi j’étais avec deux copains. Les policiers ont d’abord fait sortir les détenus incarcérés dans les salles. Les types sont sortis nus dans la cour, avec une couverture sur le dos. Quant aux autres détenus, ils les ont alignés sur l’allée qui bordait les cellules, les mains en l’air, appuyés contre les murs. Moi aussi, j’étais comme ça, les mains en l’air. Pendant ce temps, des équipes spéciales de CRS, en uniformes noirs, mitraillettes en bandoulière, vidaient les cellules. Ils étaient à la recherche de papiers. Chacun d’entre nous avait des lettres, adressées aux familles ou aux avocats. Ils ont tout embarqué. Nous avions peur qu’ils nous passent à tabac. Derrière moi, j’ai entendu un Algérien, qui, à mi-voix, s’interrogeait sur cette descente. Je lui ai dit qu’ils saisissaient les papiers. Il m’a répondu, en riant discrètement : « Peut-être qu’ils cherchent une deuxième Question ». Il ne savait pas qui j’étais. Cela m’a éclairé. Il avait du apprendre, par son avocat, que ce témoignage faisait un raffut du diable à l’extérieur.

 


Malgré la censure, les saisies, ce livre a circulé sous le manteau. Cette diffusion était-elle organisée par des militants, ou le livre est-il passé spontanément de mains en mains ?

 


Henri Alleg. La seule chose que je sais, c’est qu’à Alger, personne ne l’avait eu, personne ne le connaissait au moment de la parution. C’est en France que La Question a eu une répercussion immédiate et formidable. Cet élan doit sans doute beaucoup à la stupidité du gouvernement français et à sa décision de saisir le livre. Très vite, Nils Andersson, un éditeur basé en Suisse, a pris contact avec Lindon pour lui demander l’autorisation de le publier. Lindon a accepté. Le livre était minuscule, des valises passaient clandestinement la frontière. Immédiatement après sa saisie, La Question a été traduite en anglais et publiée à Londres, puis aux Etats-Unis, ce qui lui a donné un écho international.

 


La bataille pour la vérité continue

Un demi-siècle après son enlèvement par des militaires français, on ne sait toujours pas dans quelles conditions a été assassiné votre ami et camarade Maurice Audin…

 


Henri Alleg. Cette bataille pour la vérité continue. Maurice Audin a été arrêté dans les mêmes conditions que moi. Très peu de temps après son enlèvement par les paras, on a annoncé à sa femme qu’il avait « disparu ». Il est invraisemblable que les autorités françaises, que les parachutistes aient pu prétendre ne rien savoir du sort de Maurice. C’est certain : il a été assassiné par ces équipes de tortionnaires couverts et tenus en main par les autorités policières et militaires. Dans cette affaire, le  refus d’ouvrir une enquête, l’attachement des autorités françaises au mensonge est à la fois odieux et absurde.  À Alger, à Oran, dans les petites villes, lorsque les militaires annonçaient la « disparition » d’un prisonnier, personne n’ignorait qu’il était en fait question d’assassinat. Dire et répéter, jusqu’à ce jour, que Maurice Audin a été « mal gardé », qu’il s’est évadé et qu’il a « disparu », c’est abject. La vérité, c’est qu’il a été assassiné, comme des centaines, des milliers d’autres. Personne ne peut dire autre chose.

 

 


Que changerait la reconnaissance de la torture comme crime de guerre ?

 


Henri Alleg. La France, les autorités françaises prétendent incarner, aux yeux du monde entier, les droits de l’homme, les libertés, les grandes idées nées de la Révolution française. C'est une façon mensongère de présenter l'histoire. Pendant la guerre d’Algérie, les autorités françaises ont piétiné ces idées, ces principes. Comme ils sont encore piétinés aujourd’hui à Guantanamo et en Afghanistan. Le combat pour la vérité, qui est un combat d’aujourd’hui, doit se poursuivre sans relâche. On ne peut pas tout simplement parler de l'avenir sans respecter la vérité.

 


Vous avez souvent évoqué le racisme inhérent à la société coloniale. Cela vous a-t-il poussé à embrasser la cause de l'indépendance?

 


Henri Alleg. Il est difficile de reconstituer ce parcours qui conduit, depuis l’enfance, l'adolescence jusqu'à la prise de conscience politique. À l'école on nous apprenait que la France allait en Afrique ou en Asie, pour « le bien » des colonisés. Quand on arrivait en Algérie, on comprenait immédiatement avoir été trompé par ces fadaises. Dans les rues d’Alger, des gosses, des petits cireurs, se disputaient les chaussures de quelques passants pour gagner quelques misérables sous. Pourquoi ces gosses n’étaient-ils pas à l’école ? « Les petits Arabes », comme ils disaient, n'avaient pas leur place à l'école. Seule une toute petite minorité y avait accès. Cette réalité, les réflexions qu’elle suscitait en moi m’ont construit comme anticolonialiste.

 


L'arrogance des autorités françaises


Avez-vous été surpris, à l'automne 1954, par l'éclatement de l'insurrection?

 


Henri Alleg. Ceux qui disent qu'ils n'ont pas été surpris se jettent des fleurs qu'ils ne méritent probablement pas. À ce moment là, Algériens et Européens partageait la certitude que les choses ne pouvaient continuer telles qu'elles étaient, qu'il y aurait forcément des changements. De là à penser qu’une insurrection était sur le point d’éclater… Ceci dit, il nous paraissait clair que l’arrogance des autorités françaises, sûres, alors de pouvoir conserver la haute main sur tout ce qui se passait en Algérie, était trompeuse.

 


Vous communistes, ressentiez de la méfiance à l'égard de ces jeunes nationalistes prônant l'insurrection armée...

 


Henri Alleg. Cela a soulevé chez nous une certaine interrogation. Ce qui ne signifie pas que l’option de la lutte armée était absente de l’imaginaire des communistes algériens. Je me souviens que deux ou trois ans auparavant, cette question avait été évoquée à huis clos, au bureau politique, comme une possibilité, sans que cela ne suscite de scandale. Ce n'était donc pas un sujet tabou pour nous. Je dois reconnaître, toutefois, que les communistes observaient une certaine réserve vis-à-vis de ceux qui voulaient prendre les armes. Il n’y avait pas d’un côté les courageux prêts à prendre les armes, et de l’autre, les timorés acceptant le statu quo. C'était un choix complexe, difficile, qui ne pouvait souffrir l'improvisation. Si lutte armée il devait y avoir, il fallait savoir comment s'y prendre et vers où aller. Toutes ces questions se posaient. 

 

 

Sur le plan idéologique, qu'est ce qui distinguait le Parti communiste algérien du FLN?

 


Henri Alleg. Ce qui nous différenciait, c’était peut-être l'importance que les communistes attachaient à la bataille politique. Les nationalistes portaient peu d’attention à l'idée d'unification des forces progressistes par delà leurs différences, pour rassembler les masses populaires, pour faire avancer les choses. Certaines de nos batailles, pour la liberté de la presse, pour l’augmentation des salaires, etc. apparaissaient secondaires aux yeux des nationalistes qui, pour ainsi dire, les méprisaient. Nous accordions au contraire beaucoup d’importance à ce type de batailles, pas seulement pour les changements concrets qu'elles apportaient. Pour nous ces luttes participaient à la prise de conscience des travailleurs et préparaient un combat futur plus vaste.

 


Nos militants étaient des ouvriers, desgens exploités

 


Le PCA était un creuset au sein duquel se retrouvaient des hommes et des femmes issus de toutes ces communautés qui vivaient séparément dans la société algérienne. On y retrouvait, ensemble,  des Européens, des juifs, des musulmans... Cela influençait-il votre vision du monde, votre projet de société?

 


Henri Alleg. Oui. Il est certain que l'idée internationaliste était primordiale dans l'engagement des communistes. Avant d'être Arabe, Kabyle, Européen, juif, musulman, nos militants étaient des ouvriers, des travailleurs, des gens exploités. C’était cela l'essentiel à nos yeux. Peut-être cette vision des choses a-t-elle conduit certains camarades à minimiser l’expérience concrète du colonialisme propre aux Algériens dits « indigènes ». Une personne née dans une famille « indigène » avait bien plus de raisons de se lever contre le colonialisme qu’une personne d'origine européenne jamais brimée et insultée comme l'étaient les Algériens.

 


Quelles étaient vos relations avec le PCF? Comment les communistes algériens ont-ils accueilli, par exemple, le vote des pouvoirs spéciaux à Guy Mollet?

 


Henri Alleg. A la vérité, sur le coup, nous ne nous en sommes pas beaucoup préoccupés.  Même dans les prisons, je n'ai pas le souvenir de controverses sur ce sujet. Pas plus chez des communistes que chez des nationalistes. Les plus politisés pouvaient conclure que c'était une erreur fondamentale. D’autres étaient en attente d’explications. Mais les réactions virulentes sont venues bien plus tard. À la vérité, sur le coup, nous ne nous en sommes pas beaucoup préoccupés.

 


Comment s’est constitué ce que l’on a appelé le « maquis rouge » ?

 


Henri Alleg. Le parti, au démarrage de la lutte armée, s’est posé la question de son action. L’idée était d’apporter notre appui partout où l’action armée prenait un caractère de masse, partout où des paysans avaient rejoint l’insurrection. Ensuite, nous avons pris la décision de déclencher nous-mêmes la lutte armée là où nos forces le permettaient, où nous avions des chances d’entraîner les gens avec nous. C’est ainsi que des communistes ont pris le maquis. Mais au vu de la faiblesse de nos effectifs, cela ne pouvait être un mot d’ordre général. D’où la décision de négocier l’intégration de nos groupes armés, les Combattants de la liberté, dans l’ALN. À ce moment là, nous nous sommes heurtés aux positions étroites de certains dirigeants du FLN, qui estimaient que les communistes n’avaient pas à poser leurs conditions. L’intégration à l’ALN s’est donc faite à titre individuel.

 


Pourquoi le FLN était-il hostile à l’entrée du  PCA dans le Front comme composante à part entière du mouvement de libération ?

 


Henri Alleg. Ils ne voulaient pas en entendre parler ! Ils voulaient rester les « patrons », imposer leurs conditions à tous ceux qui souhaitaient rejoindre l’ALN, communistes ou non. Ceci dit, nous ne nous faisions pas d’illusion. Ces nouveaux dirigeants se méfiaient particulièrement des communistes, vus comme des militants organisés, formés, capables d’exprimer leurs idées. Dès le départ, cette méfiance était bien enracinée chez certains dirigeants du FLN.

 


Cette méfiance vis-à-vis des communistes a-t-elle continué à prévaloir après l’indépendance ?

 


Henri Alleg. Dans d’autres conditions, oui. Je le pense. Parce que les choses avaient changé pendant la guerre. Dans la pratique, l’anticommunisme avait reculé, ce qui nous rendait d’autant plus dangereux aux yeux de certains.

 


Est-ce pour cette raison que Ben Bella a interdit le PCA en novembre 1962 ?

 


Henri Alleg. Il ne s’agissait pas seulement de Ben Bella. Le régime naissait ne voulait pas de communistes organisés.

 

Pourtant, cette interdiction n’a pas compromis la reparution d’Alger républicain à l’indépendance…

 


Henri Alleg. Nous nous sommes battus pour réussir à faire reparaître le journal. Au moment de la signature des accords d’Evian, j’étais à Prague. Je voulais repartir le plus vite possible à Alger, former une équipe de camarades qui sortaient de prison pour travailler à la reparution du journal. Les accords d’Evian prévoyaient le rétablissement de la liberté de la presse. Tous les journaux devaient donc pouvoir sortir librement. Mais « tous les journaux », dans l’esprit du gouvernement français, cela signifiait les journaux colonialistes. À Prague, nous avons organisé une conférence de presse, à laquelle ont assisté une soixantaine de correspondants de la presse internationale, pour annoncer notre intention de faire reparaître Alger Républicain. Peu de temps après cette conférence de presse, j’ai reçu la visite d’un émissaire, chargé de me faire part de la désapprobation des frères de Tunis, hostiles à la reparution du journal. Je lui ai répondu qu’il s’agissait d’une décision collective et qu’il était impensable d’entraver la reparution d’un journal interdit par les colonialistes depuis  1955. Les autorités françaises n’étaient pas en reste.

 

Par voie de communiqué, le préfet d’Alger a rappelé de façon mensongère qu’Alger républicain demeurait interdit. À la vérité, la décision venait d’en haut, du gouvernement français et sans doute du général De Gaulle lui-même. Cela n’a pas entamé notre détermination. Bien au contraire. Je suis rentré à Alger vers le 10 ou le 12  juillet. Nous n’aurions pas pu faire revivre  Alger républicain sans la solidarité et l'aide pratique de nos camarades, de nos amis de  La Marseillaise, dont le directeur était un pied-noir de Mostaganem, parti en France assez jeune. C'est là que nous avons fait la composition. Les ouvriers du livre nous en ont fait cadeau, en travaillant gracieusement. Un problème se posait pour l'envoi des flans à Alger, ou devait être tiré le plomb. Nous avons tirés quatre ou cinq flans. Nous en avons remis un à Air France, qui n’est jamais arrivé à destination. La même mésaventure s’est reproduite avec Air Algérie. Finalement, un copain qui sortait de prison et devait rentrer à Alger a caché un flan empaqueté dans sa valise. On se faisait un sang d'encre. Arrivé à Alger, au contrôle, il est passé.

 


C’était le premier journal anticolonialiste à reparaître ?

 


Henri Alleg. Oui. Dès sa reparution, le journal a reçu un accueil extraordinaire. Il y avait aussi El Moudjahid, qui arrivait de Tunis, mais ce n’était pas encore un quotidien. Echaab («  le Peuple »), est sorti trois mois après nous.

 


Qui se trouvait dans l’équipe au moment de cette reparution ?

 


Henri Alleg. Il y avait quelques camarades revenus de France. Comme Nicolas Zannettacci, surnommé Zanett, l’ex-maire communiste d’Oran. Il avait été arrêté, expulsé pendant la guerre. Dès qu’on a lancé un appel aux anciens, il est revenu. Abdelhamid Benzine sortait des camps. Il y avait encore Marylise Benaïm qui sortait de la clandestinité. Elle avait servi d’agent de liaison entre la direction du parti et le maquis de Maillot. Le journal, c'est un grand mot. Nous avions deux pages, un simple recto verso. Pour les informations internationales, les seules sources étaient United Press et France-Presse. Ces agences ne partageaient pas nos idées, loin de là, mais d'un point de vue confraternel, ils étaient heureux de voir reparaître le journal. Ils admiraient notre engagement. À l'époque, il n'y avait que les télex, nous nous rendions dans leurs bureaux pour prendre les doubles des dépêches. Ils faisaient semblant de ne pas s'en apercevoir. On les ramenait à l'Hôtel Albert Ier, où nous étions installés. Marylise était une militante courageuse, une jeune femme pleine de vie. En pleine nuit, dans Alger livrée à l'insécurité, elle allait  chercher les dépêches. Un soir, des types, voyant cette jeune femme de type européen, se sont mis à hurler, l'accusant d'appartenir à l'OAS. Ils se sont précipités sur elle, l’ont à moitié étranglée. Elle a protesté: « je suis d'Alger Républicain ! ». Entendant cela, ses agresseurs se sont excusés, l'ont escortée jusqu'à l'hôtel et lui ont même proposé de l'accompagner chaque fois que nécessaire.

 


Pourquoi n’avez-vous pas réinvesti les locaux du journal, de l’autre côté de l’avenue  Pasteur ?

 


Henri Alleg. Nos locaux avaient été confisqués pendant la guerre par  Le Bled, le journal des paras. Lorsque nous avions voulu nous y réinstaller, un type installé là, se disant envoyé par Tunis, nous a signifié  avec un grand sourire que les lieux ne nous appartenaient plus, qu'ils étaient désormais réservés au FLN. C'était incroyable. La guerre venait de se terminer, ils n'étaient pas encore en Algérie et leur première idée, c'était d'occuper les locaux d'Alger républicain pour qu'on ne puisse pas s'y installer.

A la vérité, Je craignais beaucoup qu'on ne nous joue un mauvais tour. Lorsque j'avais annoncé le projet de reparution du journal, l'émissaire de Tunis m'avait dit : « Tu sais, Henri, on t'aime bien, alors il faut que tu saches que pendant la guerre, il y a eu beaucoup d'exécutions pour raison d'Etat et  malheureusement, ça va continuer encore un peu après l'indépendance ». La menace était claire, directe. Si nous nous entêtions, ils n’excluaient pas de nous liquider. J’en étais plus conscient, me semble-t-il, qu’Abdelhamid (1). Dans un premier temps, nous étions allés, tous les deux, dormir dans un appartement appartenant à des amis. Moi, je ne m’y sentais vraiment pas à l’aise. Je n'ai pas voulu y rester, donc nous sommes allés à l'hôtel, en plein centre-ville.

 

Là, s'il se passait quoi que ce soit, il y avait des témoins. Nous avons pris la bonne décision : le lendemain de notre départ, des types en uniforme ont enfoncé la porte et mis l’appartement sans dessus dessous. Impossible de savoir s'il s'agissait de Français ou d'Algériens. En tous cas, ils étaient venus chercher quelqu’un. Lorsque nous nous sommes installés à l’hôtel, des rafales de mitraillette ont visé nos fenêtres à plusieurs reprises. Sur le plan administratif aussi, il y a eu des entraves. Le patron de la SNEP, l’imprimerie, Bouchara, un pied noir aux ordres de Paris, un beau salaud, exigeait un papier officiel, une autorisation de reparution, alors que l’administration était complètement désorganisée. Je suis allé à la préfecture. Je suis entré dans le bureau du préfet, auquel j’ai fait signer une autorisation que j'avais moi-même écrite.

Finalement, sans en chasser le type posté là, nous nous sommes réinstallés dans nos locaux pour pouvoir faire notre journal sans avoir à traverser l'avenue Pasteur, très dangereuse. Nous restions dans le couloir, pour ne pas être exposés aux balles. C'était drôle, cette rédaction ! Nous n’avions pas de chaises, nous faisions nos réunions assis  par terre en tailleur. A l’heure des repas, un des copains allait jusqu'à la rue de Tanger et revenait avec une casserole de loubia (2). Malgré cette précarité, malgré les difficultés et le danger, nous avons réussi à faire renaître le journal, qui a rencontré un écho incroyable. Nous tirions 80 à 90 000 exemplaires, ce qui rendait délicate la tâche de ceux qui espéraient nous faire taire. Mais nous avons connu bien des mésaventures, comme l'assassinat d'un chauffeur qui transportait le journal.

 

Quel était le climat à Alger ?

 


Henri Alleg. L’inquiétude dominait. Des rivalités de pouvoir opposaient des clans, des wilaya, avec un vrai risque de basculement dans la guerre civile. De notre côté, nous disions: "Assez de bagarres entre patriotes, d'abord la paix et la mise en marche du pays". Nous refusions de voir les divergences internes dégénérer en violence armée.

Lorsque ceux de la wilaya 4, militairement plus forte que la zone autonome d’Alger, ont commencé à jouer du coup de feu dans la Casbah, il s'est passé quelque chose d'extraordinaire. Les femmes sont descendues dans la rue Randon. « Tirez sur nous si vous voulez, mais cessez de vous tirer dessus ! Arrêtez le massacre ! Sept ans, barakat, ça suffit ! », criaient-elles. Ces femmes avaient un sentiment politique bien plus élevé que ceux qu’elles interpellaient.

 


De nombreux Algériens estiment, cinquante ans après, que les promesses de l’indépendance se sont envolées. Partagez-vous cet avis ?

 


Henri Alleg. Je crois qu’il est dangereux de penser ainsi. C’est le refus total de voir ce que l’indépendance a apporté à l’Algérie. On ne peut pas dire que les choses n’ont pas changé. On ne peut pas dire que l’indépendance n’a rien apporté aux Algériens. Bien sûr, la jeunesse rencontre de graves difficultés, des choses doivent êtres changées, des luttes devront encore être menées. Mais l’indépendance reste pour l’Algérie une conquête historique inestimable.

 

  • A lire:

Algérie, 50 ans d'indépendance avec Berbère TV


Découvrez le sommaire du hors-série ici

 

 

 

(1) Abdelhamid Benzine.

(2) ragoût de haricots


Entretien réalisé par Rosa Moussaoui pour l'Humanité

 

 

 

 

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                                                                 La question, éditions de minuit, 1958

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A propos de la chanson "Le déserteur" de Boris Vian


 

A l'origine, cette chanson est un poème. La première interprétation a été diffusée en mai 1954 créée par Mouloudji. Cette chanson a été interprétée par, entre autres, Boris Vian lui-même, puis après 1960, par Serge Reggiani, Juliette Gréco, Richard Anthony, Johnny Hallyday, Dan Bigras, Maxime Le Forestier, Leny Escudero, Dédé Fortin, Joan Baez, Hugues Aufray, Marc Lavoine et Peter, Paul and Mary ainsi que les Sunlights. En 1983, Renaud en fait une adaptation, sous le titre Déserteur. Mais c'est Mouloudji qui fut le premier à la chanter, tous les artistes sollicités s'étant désistés. Mouloudji demande à Boris Vian de modifier certaines paroles, parce qu'il souhaitait un propos plus large.

 

Ainsi, « Monsieur le Président » est remplacé par « Messieurs qu'on nomme grands » ; « ma décision est prise, je m'en vais déserter » est remplacé par « les guerres sont des bêtises, le monde en a assez » etc. De plus, étant non violent, il veut modifier la fin car, il n'imagine pas avoir un fusil, et de plus tirer sur des gendarmes.

 

Et Boris Vian lui aurait répondu « tu fais comme tu veux Moulou, c'est toi qui chantes ». La chanson, enregistrée le jour même de la défaite de Dien-Bien-Phu, par pur hasard, sera immédiatement interdite de diffusion radio, et interdite de vente. Boris Vian enregistrera plus tard la version « armée » mais c'est la version Mouloudji qui sera apprise par tous les jeunes entre 1954 et 1960-62, transmise par les associations militantes, syndicales, par les spectacles de soutien dont Mouloudji n'était pas avare. Ensuite, Peter, Paul and Mary la chanteront, aux États-Unis, au début de la guerre du Viet-Nam. Chanter Le Déserteur en France, en 1963-64 était beaucoup moins problématique qu'en 1954 (voir à ce sujet la chanson Pauvre Boris de Jean Ferrat)

 

Source : wikipédia

 

 

 

 


 

 

 

 

Rédigé par caroleone

Publié dans #Devoir de mémoire

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S
<br /> Bonjour Caro et Fanfan,<br /> <br /> <br /> J'ai en commun avec Fanfan que "Ceux de Chateaubriant" fut déterminant dans mon engagement politique. C'est en effet en revenant d'une commémoration avec les "Vaillants" dans la clairière de<br /> Chateaubriant que j'ai décidé d'adhérer au PCF, j'avais 15 ans et demi.<br /> <br /> <br /> J'étais un peu trop jeune à la fin de la guerre d'Algérie (13 ans), et j'avais lu "La question" (lisant les livres de mon grand frère, membre de la direction de la JC) sans que j'en mesure tout<br /> de suite toute la portée. <br /> <br /> <br /> Concernant la chanson "le déserteur", j'ai entendu Mouloudji expliquer, lors d'une interview, qu'il avait proposé les modifications à B. Vian, non pas parce qu'elles lui posaient un problème,<br /> mais parce qu'il savait que la censure ne laisserait pas passer la chanson ....<br /> <br /> <br /> B. Vian en a tenu compte, puisque quand il l'a enregistrée il a modifié le texte initial de sa chanson qui se terminait par : "que je possède une arme et que je sais tirer".  <br /> <br /> <br /> Je voudrais aussi signaler qu'il manque maintenant dans la liste des interprètes, un grand monsieur qui vient de nous quitter : Claude VINCI, militant communiste, qui fut un des rares, au moment<br /> de la guerre d'Algérie à déserter l'armée française pour aller se battre aux côtés du FLN.  Resté fidèle à ses convictions jusqu'au bout, on comprend que sa disparition soit totalement<br /> passée sous silence dans les médias aux ordres.<br /> <br /> <br /> Amitiés à vous deux<br />
C
<br /> <br /> Merci Serge pour toutes ses explications fort intéressantes sur ce qui a motivé tes engagements ainsi que sur le texte du déserteur.<br /> <br /> <br /> En effet, je ne connais pas Claude Vinci et tu vois, par ton commentaire, tu lui rends hommage et c'est bien.<br /> <br /> <br /> Que de choses à découvrir au contact de personnes riches de culture, d'histoire et d'humanisme.<br /> <br /> <br /> Je me régale avec vous tous et remercie au passage tous mes visiteurs et amis.<br /> <br /> <br /> Bises<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> caro<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> "Le déserteur" reste aussi pour moi une référence... enfin bref j'aime tous ces hommes qui résistent selon leurs moyens et leurs compétences.. celui qui écrit, celui qui chante, celui qui crie,<br /> celui qui hurle.. celui qui dénonce.. celui qui refuse.. etc...<br />
C
<br /> <br /> Oui, je partage avec toi cette idée, j'aime beaucoup lorsque des personnalités mettent leur notoriété en avant pour faire avancer les choses, en toute simplicité. Ce serait pour moi, un devoir de<br /> le faire !<br /> <br /> <br /> Nous avons eu notre lot d'auteurs, chanteurs cocos engagés, il y a encore de nos jours des jeunes supers qui s'investissent et chaque fois ils me font plaisir.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bises<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> caroleone<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> J'ai lu "La Question" .. j'avais 17 ans .. concommittamment avec celui de "Ceux de Chateaubriant".. ce fut déterminant pour mon premier engagement politique.. Respect pour ce grand Monsieur..<br /> Merci à toi de l'évoquer ici.. <br /> <br /> <br /> Bisous<br />
C
<br /> <br /> Bonjour Fanfan,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ce témoignage est très fort, je comprends comme il a pu être le détonateur d'un engagement politique. Comme quoi, il faut témoigner, dénoncer, interpeller, comment faire bouger les lignes en se<br /> taisant ?<br /> <br /> <br /> Je n'y crois pas pour ma part , que les bouches s'ouvrent, c'est la devise que je me suis appropriée.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bises et merci de tes visites.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> caroleone<br /> <br /> <br /> <br />