18 mars 1871 : Début de la commune de Paris
Publié le 17 Mars 2012
Le 18 mars 1871, une émeute éclate à Paris, sur la butte Montmartre. Adolphe Thiers (73 ans), chef du gouvernement provisoire de la République, renonce à la réprimer et s'enfuit à Versailles avec tous les corps constitués.
C'est l'amorce de la «Commune». Maîtres malgré eux de la capitale, les révolutionnaires et militants socialistes vont offrir à la bourgeoisie républicaine l'occasion de se débarrasser une fois pour toutes de la «question sociale». Il en coûtera 20.000 victimes.
Provocations
À l'automne précédent, après avoir capturé l'empereur Napoléon III et son armée à Sedan, les Prussiens ont assiégé la capitale et le gouvernement de la Défense nationale, qui s'est entre-temps réfugié à Bordeaux, s'est résigné à signer un armistice.
Les vainqueurs se voient accorder le droit de défiler le 1er mars 1871 à Paris, dans une capitale en deuil, devant des statues recouvertes d'un voile noir. Les Parisiens ruminent leur humiliation. Après avoir soutenu un siège très pénible, ils se sentent trahis par leurs gouvernants.
L'Assemblée nouvellement élue et où dominent les monarchistes attise les tensions. Après l'arrêt des combats contre les Prussiens, elle renonce à revenir à Paris et quitte Bordeaux pour... Versailles, la ville royale !
Dès le lendemain, parmi ses premières mesures, le gouvernement lève sans préavis le moratoire sur le remboursement des effets de commerce et des loyers qui avait été instauré au début de la guerre. Il supprime aussi l'indemnité due à la garde nationale (30 sous par jour). Or, à Paris, la garde nationale rassemble pas moins de 180.000 hommes issus de la petite bourgeoisie et du monde ouvrier qui se sont portés volontaires pour défendre la capitale contre l'ennemi et se sont habitués à vivre sous les armes.
Une barricade près de Charonne le 18 mars 1871 (photographie de la bibilothèque historique de la ville de Paris)
Massacre
L'atmosphère s'échauffe. Thiers décide de récupérer 227 canons financés par les Parisiens en vue de la défense de la capitale. La garde nationale les a disposés sur les buttes de Montmartre et de Belleville pour les mettre hors d'atteinte des Prussiens lors de leur entrée dans la capitale.
Le samedi 18 mars, Thiers envoie une colonne de 4.000 soldats avec l'ordre de les récupérer. On sonne le tocsin. La foule s'assemble. Les soldats se débandent ou se rallient au petit peuple.
Le général Lecomte, qui commande l'une des brigades, est fait prisonnier. Un autre général, Clément-Thomas, qui se promène sur les boulevards, est arrêté à son tour par les émeutiers ; on lui reproche d'avoir participé à la répression de juin 1848. À 17 heures, les deux hommes sont exécutés par la foule.
Des émeutes se produisent au même moment en d'autres quartiers de Paris. Adolphe Thiers renonce à les réprimer. Peut-être juge-t-il l'entreprise trop risquée avec 30.000 soldats à la fidélité incertaine face aux 150.000 hommes de la garde nationale ? Il ordonne donc à l'armée et aux corps constitués d'évacuer sur le champ la capitale. L'évacuation commence avant même le meurtre des généraux Lecomte et Clément-Thomas. Elle est achevée le soir même.
Confusion
Abandonné par la République, Paris s'en remet à des militants jacobins nostalgiques de la Grande Révolution (celle de 1789), à des anarchistes, des socialistes et des utopistes. Pris de court par le vide du pouvoir, ces militants au nombre d'une trentaine se réunissent dans la plus grande confusion à l'Hôtel de ville.
Ils organisent des élections municipales le 26 mars mais la majorité des Parisiens s'en désintéressent (229.000 votants sur 485000 inscrits). Il est vrai que beaucoup de bourgeois n'ont pas attendu pour fuir la capitale.
La Commune est néanmoins proclamée dans la foulée des élections le 28 mars 1871. Elle est représentée par une assemblée de 79 élus et son nom fait référence à la Commune insurrectionnelle qui mit bas la royauté le 10 août 1792.
La capitale doit dès lors supporter un deuxième siège, non par les Prussiens mais par l'armée française. Il s'achèvera dans la tragédie, avec la Semaine Sanglante, deux mois plus tard. La blessure, jamais cicatrisée, continue de séparer en France la gauche de la droite.
Les canons du 18 mars
Louise Michel sur Cocomagnanville
SUR UNE BARRICADE
Victor Hugo
Sur une barricade, au milieu des pavés
Souillés d´un sang coupable et d´un sang pur lavés,
Un enfant de douze ans est pris avec des hommes.
- Es-tu de ceux-là, toi ?- L´enfant dit : Nous en
sommes.
- C´est bon dit l´officier, on va te fusiller.
Attends ton tour. – L´enfant voit des éclairs briller,
Et tous ses compagnons tomber sous la muraille.
Il dit à l´officier : Permettez-vous que j´aille
Rapporter cette montre à ma mère chez nous ?
- Tu veux t´enfuir ?- Je vais revenir. – Ces
voyous
Ont peur ! Où loges-tu ? – Là près de la fontaine.
Et je vais revenir, monsieur le capitaine.
- Va-t-en, drôle ! – L´enfant s´en va. – Piège
grossier !
Et les soldats riaient avec leurs officiers,
Et les mourants mêlaient à ce rire leur râle ;
Mais le rire cessa car soudain l´enfant pâle,
Brusquement reparu, fier comme Viala,
Vint s´adosser au mur et leur dit : Me voilà.
La mort stupide eut honte, et l´officier fit grâce.
Enfant, je ne sais point, dans l´ouragan qui passe
Et confond tout, le bien, le mal, héros, bandits,
Ce qui dans ce combat te poussait, mais je dis
Que ton âme ignorante est une âme sublime.
Bon et brave, tu fais, dans le fond de l´abîme,
Deux pax, l´un vers ta mère et l´autre vers la mort ;
L´enfant a la candeur et l´homme a le remords,
Et tu ne réponds point de ce qu´ on te fit faire ;
Mais l´enfant est superbe et vaillant qui préfère
À la fuite, à la vie, á l´aube, aux jeux permis,
Au printemps, le mur sombre où sont morts ses amis.
La gloire au front te baise, ô toi si jeune encore !
Doux ami, dans la Grèce antique, Stésichore
T´eût chargé de défendre une porte d´Argos ;
Cinégyre t´eût dit : nous sommes deux égaux !
Et tu serais admis au rang des purs éphèbes
Par Tyrtée à Messène et par Eschyle à Thèbes.
On graverait ton nom sur des disques d´airain ;
Et tu serais de ceux qui sous le ciel serein,
S´ils passent près du puits ombragés par le saule,
Font que la jeune fille ayant sur son épaule
L´urne où s´abreuveront les buffles haletants,
Pensive, se retourne et regarde longtemps.
La Légende des siècles, 1re série, XIII, 1
Sources : hérodote.net, victor hugopasaia