Guatemala : Parutz' ou fleur des morts, l'héritage de la famille Cun Cúmez à San Juan Comalapa
Publié le 3 Novembre 2024
Prensa comunitaria
1 novembre 2024
16h47
Crédits : Joël Solano
Temps de lecture : 6 minutes
La fleur des morts, connue sous le nom de Parutz' en langue Kaqchikel, est une tradition transmise de génération en génération pour la famille Cun Cúmez de San Juan Comalapa, Chimaltenango. Pour cette famille, cultiver la fleur n'est pas seulement un métier, mais une manière de préserver une pratique ancestrale qui relie la population à ses racines et à ses souvenirs.
Le Parutz' symbolise la vie et la mort, honorant la mémoire des proches à travers un hommage naturel coloré. Ainsi, ce qui a commencé comme une petite tradition familiale a pris une grande importance dans toute la commune, permettant à l'histoire et aux valeurs de cette famille de rester vivantes chaque année.
Par Joël Solano et Nathalie Quan
Photos de Joël Solano
Chaque année, à mesure que le mois d'octobre avance et que l'air devient plus frais à San Juan Comalapa, Chimaltenango, les champs de la famille Cun Cúmez se remplissent de teintes vibrantes, rappel vivant de la tradition ancestrale qui, de génération en génération, a prospéré dans cette municipalité Kaqchikel. C'est le Parutz' , la fleur des morts, et ces jours-ci, ses tons orange et jaune transforment le paysage, en souvenir de tous ceux qui ne sont plus là.
L'histoire de cette culture et sa renaissance dans la famille Cun Cúmez ont commencé il y a environ 40 ans, lorsque Lolo Cúmez, un homme attaché aux traditions de son peuple, a décidé de remettre le Parutz' à sa place dans les cérémonies du jour de tous les saints et des morts, commémoré tous les 1er et 2 novembre.
"Mon beau-père a toujours dit que la fleur des morts était un élément vital de notre culture, quelque chose qui nous liait à nos ancêtres", explique Marvin Cun, actuel héritier de cette mission et époux d'une des filles de Lolo. « Pour lui, c’était plus qu’une récolte ; c’était pour se souvenir de ceux qui ne sont plus là », a-t-il ajouté.
Marvin Cun, 39 ans, a suivi l'héritage de son beau-père, décédé il y a huit ans.
Les histoires racontées entre la famille et les voisins de San Juan Comalapa parlent de l'époque où les Parutz décoraient les autels et les tombeaux de chaque maison. Au fil des années, cette fleur a cessé d’être cultivée et les familles ont commencé à chercher d’autres moyens d’honorer leurs proches. Lolo, conscient qu'une partie de l'histoire de sa commune était en train de se perdre, a commencé à planter quelques sillons, juste assez pour ressentir à nouveau ce lien avec ses ancêtres. « Il n’en a planté que quelques-uns, au début, quatre rangs lui suffisaient amplement », raconte Marvin.
La réponse du peuple maya Kaqchikel de San Juan Comalapa a été immédiate et émouvante. Des familles entières venaient acheter des Parutz' et décoraient leurs autels avec fierté. Ainsi, la demande a augmenté et avec elle l'engagement de Lolo, qui chaque année a augmenté le nombre de sillons jusqu'à devenir un champ complet. À cette époque, dit Marvin, « toute la municipalité s’est à nouveau souvenue de la valeur de cette tradition ». Les efforts de Lolo avaient sauvé quelque chose qui était sur le point de disparaître.
Expansion et tradition : de San Juan Comalapa à Patzún
L'expansion des cultures de Parutz ne s'est pas limitée à San Juan Comalapa. Au fil du temps, la fleur a également commencé à atteindre la municipalité voisine de Patzún, où les habitants n'avaient pas accès à cette variété de fleur. Aujourd'hui, chaque année, la famille Cun Cúmez apporte environ 100 grappes à Patzún, contribuant ainsi à maintenir cette tradition vivante dans cette municipalité également. «C'est une joie de voir que même d'autres endroits apprécient cette fleur», déclare Marvin.
Aujourd'hui, la culture s'est tellement développée que cette famille est devenue le principal fournisseur de cette fleur. Tous les 30 et 31 octobre, ils installent des points de vente dans des lieux comme l'école Mariano Arellano et la municipalité de San Juan Comalapa, des lieux où se forment de longues files de familles désireuses d'apporter leur bouquet de fleur des morts. « Cette année, nous avons des commandes de toute la commune. Parfois, les gens nous disent que ce n’est pas seulement à cause de la fleur, mais à cause de ce qu’elle représente. C'est comme ramener un petit morceau de tradition à la maison.
La préparation minutieuse du sol et le cycle du Parutz
Le processus de culture du Parutz' est une tâche qui demande de la patience et de la précision, ce que Marvin Cun et sa famille considèrent comme un rituel en soi. La préparation des terres commence en avril, bien avant l'arrivée des pluies. Soigneusement, les membres de la famille se répartissent les tâches : d'abord, ils grattent le sol pour l'ameublir et s'assurer que l'eau pénètre bien lorsque la saison des pluies arrive. Ensuite, ils appliquent un engrais organique, un mélange de nutriments soigneusement sélectionné qui aidera la fleur à devenir forte.
"C'est presque comme une cérémonie", explique Cun, décrivant comment le sol doit être "prêt à recevoir la vie". Une fois le sol préparé, ils le laissent reposer au soleil, permettant au sol de s'oxygéner et d'absorber l'énergie nécessaire à la culture. Au cours des mois précédents, Marvin Cun prépare une « pilonera » où germent les pousses de Parutz, en attendant les premières pluies pour déplacer les plants dans le champ.
Lorsque le mois de mai arrive enfin et que les pluies commencent à mouiller le sol, Marvin et son équipe amènent les plants de 'parutz et les plantent un à un. C'est un processus qui demande du savoir-faire, car chaque plant doit être placé à la bonne distance pour que les fleurs puissent pousser avec suffisamment d'espace. «C'est comme voir quelque chose de nouveau naître chaque année», explique Marvin. Pendant six mois, les plantes sont soignées, en les arrosant et en ouvrant un espace entre elles pour qu'elles puissent respirer et se développer.
Coûts et profits : l’économie d’une tradition
Cultiver le Parutz' n'est pas une activité à forte marge. Chaque grappe étant vendue entre le 8ème et le 15ème trimestre, selon la taille, les bénéfices sont modestes. Cependant, Marvin et sa famille y voient davantage une activité culturelle qu’une principale source de revenus. « Ce que nous gagnons nous aide à couvrir les dépenses familiales, mais le but a toujours été de préserver l'héritage de mon beau-père », explique Marvin.
Vendre la fleur permet également à la famille de proposer du travail temporaire aux voisins qui aident à la récolte. « Pour nous, il est important de partager cette opportunité avec les autres, même si c'est quelque chose de petit », dit-il. Les jeunes qui participent aux récoltes découvrent la tradition et, en même temps, gagnent un revenu supplémentaire, ce qui fait que l'activité a un impact sur la population.
Le climat : allié et ennemi
Le climat est un facteur déterminant dans la réussite des récoltes. Cette année, les cultures de la famille Cun Cúmez ont été confrontées à des conditions difficiles : d'abord, la chaleur extrême et la sécheresse prolongée de janvier à mai ont affecté le développement précoce des fleurs, puis, lorsque les pluies sont enfin arrivées, elles l'ont fait en excès. « La pluie est une bénédiction, mais ces derniers jours elle a été trop forte et certaines fleurs ont commencé à pourrir », commente Marvin avec un mélange de résignation et de gratitude.
Malgré les difficultés, la famille reste optimiste. « Nous ne pouvons pas nous plaindre de la pluie ; après tout, c’est ce que nous demandons à Dieu en mai et juin, et ce qu’il nous donne est toujours une bénédiction », ajoute Marvin. Pour eux, le fait que le Parutz' ait survécu face à cette crise climatique est la preuve que la tradition doit perdurer.
Un héritage vivant qui traverse les générations
Au-delà de l’activité économique et des défis, Marvin Cun est clair sur le fait que la véritable valeur de cette tradition réside dans son pouvoir de relier les générations. Avec ses enfants, encore jeunes, il participe chaque année aux récoltes, en s'assurant qu'ils comprennent eux aussi la valeur de ce qu'ils sèment. « Je leur montre ce que mon beau-père m'a appris, pour qu'ils sachent que cette fleur n'est pas qu'une plante. C'est un lien avec nos ancêtres et avec notre culture », a-t-il ajouté.
Les jours précédant les 1er et 2 novembre, la famille Cun Cúmez consacre des heures intenses à la récolte et à la vente du Parutz', garantissant que chaque famille de San Juan Comalapa et au-delà puisse emporter chez elle un petit morceau de cette tradition. Pour Marvin, voir chaque année des jeunes se manifester et acheter son bouquet de fleur des morts est le signe que l'héritage ne sera pas perdu. « Il est important d’inculquer ces valeurs à nos fils et filles, afin qu’ils comprennent ce que cela signifie pour nous en tant que peuple Kaqchikel », a-t-il conclu.
Nathalie Quan
Diplômée en Communication, passionnée par le domaine culturel et la mémoire historique. Ma mission est d'amplifier les voix et de rendre les histoires visibles à travers le journalisme.
traduction caro d'un reportage de Prensa comunitaria du 01/11/2024
Parutz' o flor de muerto, el legado de la familia Cun Cúmez en San Juan Comalapa
La flor de muerto, conocida como Parutz' en el idioma Kaqchikel, es una tradición transmitida de generación en generación para la familia Cun Cúmez en San Juan Comalapa, Chimaltenango. Para est...