Pérou: Le défi de la conservation de l’agrobiodiversité
Publié le 14 Octobre 2024
Publié : 10/10/2024
Le leader local Don Clementino Alanya et César Sotomayor Calderón dans la zone d'agrobiodiversité de Sunipampa Source de l'image : Privé
Par Josué Sprenger
Servindi, 10 octobre 2024.- En octobre, l'agrobiodiversité sera un sujet très important. Vient d’abord la Journée de l’agrobiodiversité, le 16 octobre, puis la COP16 sur la diversité biologique, à Cali (Colombie).
Nous avons récemment publié deux actualités sur le concept de « Zones d'agrobioversité » et comment les enregistrer . Nous souhaitons maintenant approfondir un peu ce sujet.
Nous avons discuté avec César Sotomayor Calderón, expert en agrobiodiversité. Il a été coordinateur national du projet de récupération de l'agrobiodiversité et de gestion des écosystèmes dans les zones des hautes Andes pour le ministère de l'Environnement et Profonanpe, un fonds environnemental.
À ce poste, il a mis en place des banques de semences familiales et collectives pour la protection, la récupération et la régénération des semences.
Ci-dessous, nous présentons notre entretien avec César Sotomayor Calderón, où nous parlons du conflit entre le marché et l'agrobiodiversité, du rôle de l'État dans ce conflit et de l'importance des organisations sociales.
- Pourquoi l'agrobiodiversité continue-t-elle à décliner ?
Parce que la force du marché pousse les producteurs à se spécialiser dans quelques produits à tendance monoculture, en essayant de produire ces produits de pain à emporter qui génèrent une plus grande rentabilité. En conséquence, de nombreux autres produits, qui ne génèrent pas la même rentabilité, ne retiennent plus l’attention des producteurs.
Nous en voyons un exemple clair dans les pommes de terre : dans les supermarchés, il n'y a que deux ou trois variétés, et toutes de même taille. Cependant, nous avons travaillé avec des producteurs qui conservent jusqu'à 300 variétés de pommes de terre indigènes, même si beaucoup ne répondent pas aux exigences du marché moderne. L'agrobiodiversité se caractérise par une grande variété de couleurs, de saveurs et de tailles.
-Est-ce que cela n'arrive qu'au Pérou ou aussi dans d'autres parties du monde ?
L'agrobiodiversité dans le monde et dans les pays qui ont réussi ce développement de leurs marchés, comme l'Europe, est également confrontée au problème de la réduction. Malheureusement, cette question reste quasiment invisible dans les politiques publiques de nombreux pays d’Amérique latine.
- Quel rôle joue l'État dans ce conflit ?
Pour l’instant, il n’a pas d’action contraignante très claire. Il a des programmes comme ceux menés par le ministère de l'Environnement, comme ceux qu'il a développés avec le projet d'agrobiodiversité, mais ce sont des programmes spécifiques qui doivent s'étendre jusqu'aux politiques publiques.
Nous disposons actuellement de 11 zones d'agrobiodiversité au Pérou, ce qui fait de nous le pays avec les zones les plus reconnues dans ce domaine. Mais ces zones d’agrobiodiversité ont besoin de la mise en œuvre d’instruments tels que des plans, des budgets, des prestations de services et une assistance technique.
- Comment jugez-vous le succès de ces domaines ?
Il en manque pas mal. Il manque, comme je le dis, d’instruments pour valoriser ces espaces d’agrobiodiversité. Nous disposons déjà d’une reconnaissance officielle, mais ce rôle de reconnaissance doit se traduire par des instruments concrets. Par exemple, une assistance technique spécialisée à ces producteurs d’agrobiodiversité.
La fourniture d'équipements et d'installations est également nécessaire pour la construction et l'entretien des banques de semences. Par exemple, nous avons réussi, à travers le MINAM, PROFONAMPE et d'autres projets, à créer 40 banques de semences familiales et 4 banques de semences communautaires, qui sont entretenues avec toutes leurs qualités et bénéfices pour la communauté.
- Les banques de semences sont des banques traditionnelles où les producteurs de conservation stockent leurs semences. Quels sont les avantages de ces banques de semences ?
Nous avons des témoignages de producteurs qui n'avaient pas assez à planter dans une campagne. Dans ces cas-là, ils se rendaient à la banque communautaire, où ils empruntaient les semences nécessaires et, après la récolte, rendaient le double, voire le triple, de ce qu'ils avaient reçu.
Ce mécanisme a été maintenu naturellement, sans être subventionné par l'Etat. Bien que le Minam, Profonampe et le projet aient contribué à sa création, il fonctionne actuellement de manière autonome.
- Existe-t-il encore une certaine forme de coopération entre les banques de semences et les zones d'agrobiodiversité ?
Cela n'existe pas.
- Pourquoi ?
Précisément parce que l’État, à travers ses entités, ne dispose toujours pas du budget ni des activités identifiées pour le faire.
- Quel serait l'intérêt de cette coopération, par exemple ?
L’avantage devrait être qu’il s’agit de programmes permanents financés sur les ressources publiques. La coopération internationale joue un rôle fondamental pour rendre visibles ces expériences et les soutenir, en démontrant qu’elles sont possibles et durables. Il est toutefois crucial que la coopération ne soit pas dépendante indéfiniment ; c'est l'État qui doit assumer ses responsabilités et garantir la continuité de ces programmes à travers son budget.
C'est l'effort que nous avons fait et nous espérons qu'il pourra se poursuivre dans les programmes budgétaires des institutions publiques qui promeuvent les zones d'agrobiodiversité.
- Quelle est l'importance des organisations sociales dans l'effort de conservation de l'agrobiodiversité ?
Dans mes administrations précédentes, nous avons réussi à créer la Commission multisectorielle de l'agriculture familiale, à laquelle participent dix secteurs de l'État, ainsi que des organisations de la société civile, des ONG et une partie de la coopération internationale. Cette commission a su se maintenir au fil des années dans un environnement d'inter-apprentissage et de collaboration.
Sur la base de ces éléments de preuve, je peux dire qu'un programme étatique doit avoir l'obligation d'apprendre de la société civile. Ce sont des expériences qui durent depuis des années et ont une certaine continuité, et qui agissent directement sur le territoire et avec la participation de la population.
Nous pensons qu'au fil du temps, l'État devrait générer un ensemble d'institutions similaires à la Commission multisectorielle pour l'agriculture familiale pour générer une commission multisectorielle pour la valorisation de l'agrobiodiversité, réunissant à la fois les institutions étatiques et la société civile.
- Jusqu'à présent, il n'existe que des zones d'agrobioversité dans les Andes. Pourquoi n’y a-t-il toujours pas de zones d’agrobioversité en Amazonie ?
Les politiques et préoccupations de l’État, ainsi que la coopération internationale, sont principalement orientées vers la conservation des forêts, alors que très peu d’attention est accordée à la conservation et à la récupération de l’agrobiodiversité comme soutien à la sécurité alimentaire des populations autochtones. Il s’agit d’une question qui reste à l’ordre du jour pour l’Amazonie, en particulier pour les communautés amazoniennes et autochtones.
Dans les hautes Andes, il existe des produits clairement identifiés qui contribuent à la sécurité alimentaire, comme la pomme de terre, le maïs, le quinoa et le cañihua (chénopode pallidicaule), cultivés de manière ancestrale.
Il nous faut un inventaire similaire en Amazonie : quels sont les produits qui constituent la base de la sécurité alimentaire des populations autochtones amazoniennes ? Lesquels d’entre eux risquent de se perdre ? Il est crucial d'établir des programmes pour la conservation et la récupération de cette agrobiodiversité et, par ailleurs, sa valorisation.
Le souci de conservation des forêts en Amazonie est valable, mais il est également essentiel de considérer l’importance de l’agrobiodiversité dans le cadre de la sécurité alimentaire des populations amazoniennes.
- La COP16 débute le 21 octobre à Cali (Colombie). C'est le sommet de l'ONU sur la biodiversité. Quelle influence la COP16 peut-elle avoir sur une meilleure protection de l’agrobiodiversité au Pérou ?
Nous espérons que grâce aux présentations que nous ferons, des accords seront conclus. Ces accords devraient se traduire par des engagements que les pays assument aux niveaux international et national.
Il est essentiel que ces accords soient intégrés dans les réglementations et programmes des différents secteurs de chaque pays. Nous sommes convaincus que ces dialogues se transformeront en engagements concrets pour la restauration mondiale de l’agrobiodiversité, qui se traduiront ensuite par des tâches et obligations spécifiques pour chaque pays.
- Pensez-vous que le sommet peut atteindre son objectif ?
C'est une question difficile. Je pourrai simplement répondre à cette question lorsque la COP sera terminée et quand je verrai ce qu'il s'y est traduit.
- Merci beaucoup pour l'interview
traduction caro d'une interview de Servindi.org du 10/10/2024
El reto de conservar la agrobiodiversidad
Conversamos con César Sotomayor Calderón, experto en agrobiodiversidad. Fue Coordinador Nacional del Proyecto de Recuperación de la Agrobiodiversidad y Manejo de Ecosistemas en Zonas Altoandinas...