Une étude indique que 40 % de la région amazonienne fait l’objet d’une certaine gestion de conservation

Publié le 3 Août 2024

par Liz Kimbrough le 31 juillet 2024 | Traduit par Éloïse de Vylder

  • Une nouvelle étude révèle que plus de 40 % des terres de la région panamazonienne, qui s'étend sur neuf pays, sont soumises à une certaine forme de gestion de conservation, un chiffre nettement supérieur aux 28 % indiqués dans les registres officiels.
  • La recherche souligne le rôle crucial que jouent les peuples autochtones et les communautés locales dans la conservation, puisque les territoires autochtones représentent 16 % de la superficie totale de la région amazonienne et que les zones de conservation gérées par les communautés locales représentent 3,5 % supplémentaires.
  • Malgré cela, l’Amazonie reste confrontée à de graves menaces liées à la déforestation, aux incendies et au changement climatique, ce qui amène certains experts à se demander si l’objectif mondial de conservation connu sous le nom de « 30x30 » (30 % des terres conservées d’ici 2030) reste adéquat.
  • Les auteurs de l'étude proposent une nouvelle approche de la planification de la conservation, en soulignant la nécessité de comprendre les efforts existants et les structures de gouvernance avant de créer de nouvelles zones protégées ou d'allouer des ressources.

 

Une équipe de chercheurs a découvert que plus de 40 % des terres de la Pan-Amazonie – une zone qui englobe neuf pays – sont soumises à une forme de gestion de conservation, un chiffre nettement supérieur aux 28 % indiqués dans les registres officiels. Ce nombre comprend tous les écosystèmes de la région. Dans la seule forêt amazonienne, 62,44 % des terres sont définies comme une sorte de zone de conservation.

Pour arriver à ce chiffre, les auteurs ont regardé au-delà des zones protégées traditionnelles, telles que les parcs nationaux et les réserves environnementales. Ils ont rassemblé des informations à partir d'articles scientifiques, de documents juridiques et de connaissances locales pour inclure les terres gérées par les peuples autochtones, les zones de gestion des ressources naturelles entretenues par les communautés locales, les régions couvertes par des programmes de paiement pour les services écosystémiques et même les zones de production forestière gérées de manière durable.

Les chercheurs affirment que cette méthode fournit une image plus complète des initiatives de conservation que les systèmes de suivi actuels et aidera d'autres acteurs à évaluer l'efficacité de différents types de systèmes de gouvernance de la conservation.

"Savoir qui gère ces zones et comment, ainsi que reconnaître leur position en matière de conservation, est la première étape vers la planification collective d'un avenir juste et viable pour notre planète", déclare Siyu Qin, auteur principal de l'étude.

La carte ci-dessus montre la zone couverte par l'étude et les types de gestion détectés. Image : Qin et al. 2024

L'étude met l'accent sur le rôle des peuples autochtones et des communautés locales dans la conservation. Les territoires autochtones représentent 16 % de la superficie totale de la Pan-Amazonie, tandis que les zones de conservation gérées par les communautés locales représentent 3,5 % supplémentaires. Les plus grands progrès en matière de conservation proviennent des réserves autochtones, en particulier là où les communautés ont acquis des droits fonciers consolidés.

Les réserves d'utilisation durable et les forêts gérées par les communautés occupent également des zones importantes de la région. Bien que toutes ces terres ne soient pas gérées strictement à des fins de conservation, les auteurs soulignent leur importance pour le maintien des services écosystémiques et des moyens de subsistance durables.

À l’échelle mondiale, l’étude estime que 45 % ou plus des terres appartiennent traditionnellement aux peuples autochtones et aux communautés locales, même si la totalité de ces terres n’est pas formellement reconnue ou n’a pas pour principal objectif la conservation.

Les territoires autochtones d’Amazonie sont confrontés à des menaces nombreuses et croissantes, notamment l’exploitation forestière illégale, l’exploitation minière et l’expansion agricole. De nombreuses communautés sont confrontées à un manque de reconnaissance juridique de leur droit à la terre, ce qui rend difficile la défense de leurs territoires contre les pressions extérieures.

Femmes de la Brigade indigène Sinangoe, en Amazonie équatorienne. Alexandra Narváez, troisième en partant de la gauche, a dirigé la création de la brigade en 2017. Sa communauté a remporté une victoire juridique majeure en arrêtant l'exploitation minière dans 52 concessions forestières. Image gracieuseté du Goldman Environmental Prize .

« Si la forêt est encore debout, c'est grâce à la présence des peuples autochtones. Et aujourd’hui, c’est la mission la plus importante de notre planète. C'est une mission qui garantit non seulement nos vies, mais aussi celles de tous les peuples », a déclaré l'activisteTxai Suruí, du peuple Paiter Suruí et coordinatrice du mouvement de jeunesse indigène du Rondônia.

Selon un rapport du Projet de surveillance de l'Amazonie Andine (MAAP) de 2023 , les territoires autochtones de la forêt amazonienne ont subi une perte de forêt primaire représentant seulement un tiers de la perte de forêt primaire que les zones non protégées.

« Donner du pouvoir aux communautés historiquement marginalisées et garantir leur rôle de protecteurs de la nature est fondamental dans les zones où les services publics font défaut », déclare Vilisa Morón Zambrano, biologiste à l'Université Simón Bolívar au Venezuela et co-autrice de l'étude. Elle explique que cela donne à ces communautés une chance de montrer leur importance dans la protection de la nature et des services environnementaux au-delà de leurs territoires.

Brooke Williams, chercheuse et membre de l'Université de technologie du Queensland en Australie, qui n'a pas participé à l'étude, a commenté l'importance d'identifier et de classer correctement les différents types d'efforts de conservation. Elle note que toutes les mesures de conservation par zone doivent apporter des avantages durables à la biodiversité afin de contribuer aux objectifs mondiaux.

Qin note que, dans plus de 30 % des zones faisant l'objet d'une certaine gestion de conservation, la forêt amazonienne reste exposée au risque de déforestation et d'incendies. Le changement climatique exacerbe ces problèmes, modifiant les régimes de précipitations et augmentant la fréquence des sécheresses et des incendies qui se propagent des zones agricoles aux forêts.

Les scientifiques préviennent que l’Amazonie approche d’un point de non-retour, à partir duquel elle commencerait à se transformer en une savane sèche et dégradée.

Plus de 3 000 autochtones d’une centaine de peuples différents ont défilé devant l’Esplanade des Ministères en 2018 pour demander au gouvernement fédéral de délimiter les terres autochtones. Photo : 350.org via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).

Face à ces menaces, Qin se demande si l'objectif mondial « 30x30 » (protéger 30 % des terres et des eaux de la planète d'ici 2030) est suffisant, en particulier pour des écosystèmes aussi importants que l'Amazonie. Certains experts réclament encore plus de protection pour la plus grande forêt tropicale du monde.

« En fait, 30 % des terres n'est pas un chiffre ambitieux, car si l'on ajoute les zones protégées déjà existantes et les territoires des peuples autochtones où la biodiversité est effectivement préservée et l'utilisation est durable, le chiffre global est déjà supérieur à 30 % » , déclare Avaaz, une organisation militante non gouvernementale.

En avril, des centaines d’organisations ont approuvé une déclaration visant à protéger 80 % de l’Amazonie d’ici 2050.

« Nos données montrent que protéger 80 % de l’Amazonie est nécessaire et possible, mais surtout urgent. Si la tendance actuelle à la déforestation se poursuit, l’Amazonie telle que nous la connaissons aujourd’hui n’atteindra pas 2025 », indique un rapport de 2022 basé sur l’analyse des données de déforestation de 1985 à 2020.

Les taux de déforestation illégale au Brésil ont diminué au cours de l'année écoulée depuis que le président Luiz Inácio Lula da Silva s'est engagé à freiner la perte croissante des forêts du Brésil. Mais les incendies se multiplient .

Bovins dans une partie de la forêt amazonienne. L’élevage est l’un des principaux moteurs de la déforestation en Amazonie. Photo : Rhett A. Butler/Mongabay

Clara L. Matallana-Tobón, co-auteure de l'étude, souligne que, bien qu'il existe plusieurs stratégies de conservation en Amazonie, nombre d'entre elles doivent être renforcées en termes de gouvernance, de suivi et de financement.

Pour renforcer les zones déjà affectées à la conservation, les experts suggèrent d'améliorer les structures de gouvernance, d'améliorer les systèmes de surveillance de la biodiversité, d'augmenter le financement et de fonder les décisions de gestion sur des recherches solides. L'accent est également mis sur l'augmentation de la participation des communautés locales aux efforts de conservation, car leur participation peut accroître considérablement leur efficacité.

L'argent destiné à protéger la nature devrait aller au-delà des parcs et des réserves, affirment les auteurs de l'étude. Eddy Mendoza, un chercheur qui travaille sur la conservation au Pérou, plaide pour davantage de financement pour différents types de zones de conservation, en particulier celles où les résidents locaux sont impliqués.

Chaque zone de conservation a ses propres défis et peut nécessiter des stratégies spécifiques pour la renforcer. L’objectif est de créer des zones protégées bien gérées, capables de mieux résister aux pressions environnementales et de préserver efficacement la biodiversité à long terme.

"Nous espérons que cet inventaire servira de point de départ à la planification des efforts de conservation", déclare Yifan He, l'un des principaux auteurs de l'étude, de l'Université de Californie à Santa Barbara (États-Unis). « Avant de décider où créer de nouvelles zones de conservation ou comment prioriser des ressources limitées, nous devons d’abord comprendre ce qui existe déjà et comment ces zones sont gérées. »

Image de bannière : Rivière Pipini, en Amazonie péruvienne. Photo : Rhett A. Butler/Mongabay

Ce reportage a été initialement publié par l'équipe Mongabay Global le 01/07/2024.

Article publié par 

traduction caro d'un reportage de Mongabay latam du 31 juillet 2024

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Amazonie, #Peuples originaires, #Conservation

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