Costa-Rica : Les Afro-costariciens
Publié le 15 Décembre 2023
« L’héritage de l’esclavage se répercute à travers les siècles. Le monde n’a pas encore vaincu le racisme. L’égalité et la justice pour tous nous échappent encore. Des millions d’afro-descendants continuent de souffrir de discrimination systématique qui perpétue les inégalités, l’oppression et la marginalisation. » Secrétaire générale adjointe de l’ONU, Amina Mohammad
Les afro-costariciens sont la population indigène du Costa-Rica qui descend des personnes venues d’Afrique noire dans le cadre du système colonial de l’esclavage.
Ils représentent environ 8% de la population (environ 400.000 personnes) ; c’est l’un des groupes ethniques les plus important du pays en termes de leurs contributions économiques, sociales, environnementales, culturelles et politiques.
Langues
Espagnol, costaricain, anglais, anglais créole.
L’anglais créole (parlé dans la province de Limón, dit limón créole ou makatelyu) est une langue créole dont le nom est une translitération de l’expression « laissez-moi vous dire quelque chose » basé sur l’anglai caribéen et le créole jamaïcain, avec des mots espagnols et africains. Il est né de la nécessité de communiquer après l’arrivée des jamaïcains au Costa-Rica.
Des mots d’origine africaine font partie de la langue costa-ricienne : tripe (poitrine de bœuf), candanga (le diable), panga (bateau), igname, pois d’Angole par exemple.
Religion
Anglicanisme et protestantisme
Minorités
Le Costa-Rica compte 4 petits groupes minoritaires, les mulâtres ; les noirs ; les autochtones et les asiatiques (Chinois, Asiatiques de l’est) les Afro-costariciens représentent le plus grand groupe de jamaïcains vivant en dehors de la diaspora jamaïcaine dominée par les anglophones.
Une date
31 août Journée de la personne noire et de la culture afro-costaricienne
La date a été choisie en référence au 31 août 1920, jour où se tenait au Madison Square Garden à New York, le congrès panafricain de l’Universal Negro Improvement Association (UNIA) qui a abouti à la déclaration sur les droits des Noirs.
Histoire
- Au cours du XVIIe et du XVIIIe siècle arrivent les premiers habitants noirs dans le sud des Caraïbes du Costa-Rica. Les membres de la première vague étaient situés dans le Pacifique et le Plateau Central du Costa-Rica, ils venaient pour la plupart d’Afrique occidentale et équatoriale : Mandingas de Gambie, Wolofes de Guinée, Ashanti du Ghana, Ilje du Bénin, Puras du Soudan, Bariba, Yoruba et Congolais de Côte d’Ivoire.
Dans une étude publiée par la Revista del Pensamiento Centroamericano en 1976, préparée par les professeurs John N. Riismanole et James H. Levitt de l'Université de Potsdam en Allemagne, il semble important de mentionner des informations sur les esclaves au Costa Rica. Dans ce document intitulé Une étude quantitative de certains aspects de l'esclavage au Costa Rica à l'époque coloniale, il est souligné que de 1607 à 1824 il y avait environ 2 480 esclaves noirs au Costa Rica, répartis comme suit : Cartago (qui était alors la capitale) en comptait 2226, Alajuela 6, Guanacaste 26, Heredia 126 et San José 60.( https://semanariouniversidad.com/opinion/la-esclavitud-en-costa-rica/)
Les hommes avaient une valeur de 250 pesos et les femmes de 350 pesos car elles étaient généralement accompagnées d’un ou deux enfants : elles étaient semble-t-il « préférées la nuit aux filles anglaises, car plus passionnées et plus accessibles » (Daniel P.Mannix et M.Cowley dans L’histoire de la traite négrière). L’achat d’un bébé noir quand à lui coûtait 50 pesos en 1752.
Ils servaient comme esclaves dans les ranchs de bétail de Guanacaste, dans les plantations de cacao de Matina. Ils étaient forcés de se mêler aux propriétaires blancs qui prenaient souvent des femmes noires esclaves comme concubines. La plupart des enfants mulâtres issus de ces unions furent libérés, ce qui entraîna une diminution progressive du nombre d’esclaves.
La production bananière employait la main d'oeuvre afro-descendante De Matthew Fontaine Maury - https://archive.org/details/maurysgeographytext, Dominio público, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=27033948
La vague migratrice la plus connue s’est produite à la fin du XIXe siècle lors de la construction du chemin de fer de l’Atlantique où des centaines de travailleurs jamaïcains et antillais ont été importés des Caraïbes. Le premier bateau comprenait des travailleurs jamaïcains qui avaient émigré en raison de la crise économique du sucre en Jamaïque qui était alors une colonie anglaise. Le Lizzie arrive à Puerto Limón le 20 décembre 1870 transportant 123 personnes dont 3 femmes. En peu de temps il y aura des milliers de nouveaux émigrés jamaïcains dont certains se consacreront au travail dans les plantations de bananes quand il n’y aura pas de travail sur le chemin de fer. La plupart d’entre eux resteront dans la région de Limón et formeront leur propre identité conservant leurs coutumes, religion anglicane, nourriture, musique, folklore, langues….en raison de l’isolement qu’ils avaient par rapport au reste du pays (les plantations de bananes étaient gérées par des sociétés étrangères comme la United Fruit Company et elles étaient éloignées des autres régions du pays).
Après la révolution de 1948 menée par José Figueres Ferrer, la ségrégation raciale a été abolie et la majorité de la population afro-costaricienne a obtenu le droit de vote et le droit d’être élue.
L’esclavage est officiellement aboli en 1823 avec le reste de l’Amérique latine à l’exception de Cuba et de Porto-Rico.
La population noire est répartie dans tout le pays a raison de :
- 32% à San José
- 16% à Alajuela
- 15% à Limón
- 10% à Heredia
- 8% à Cartago
Une longue histoire de droits conquis
Le tournant de l'histoire nationale provoqué par la Constitution politique de 1949 nous permet de faire un bref tour d'horizon de la promulgation de réglementations visant à protéger les droits de la population afro-costaricienne depuis la seconde moitié du XXe siècle et jusqu'au 21e siècle. .
- Le 22 novembre 1960, le pays a promulgué la loi n° 2694 sur « l'interdiction de tout type de discrimination en matière de travail ».
- Le 21 novembre 1968, la loi n° 4230 contre la « discrimination (raciale) dans les espaces publics et privés » a été approuvée .
- Le 8 octobre 1980, le décret exécutif n° 11938-E a déclaré le 31 août « Journée noire », actuellement connue sous le nom de « Journée de la personne noire et de la culture afro-costaricienne », suite à la Loi n° 8938 de 2011. 27 avril 2011.
- Le 23 août 1994, la loi n° 7426 a changé le nom du 12 octobre de « Journée de la course » à « Journée des cultures ».
- Le 22 octobre 1997, la loi n° 7711 visait à « éliminer la discrimination ethnique et culturelle (raciale) à travers les programmes éducatifs et les médias ».
- Pour inaugurer le nouveau millénaire, le 2 décembre 2000, la loi n° 8054 sur la « Diversité ethnique et linguistique » a été promulguée.
- L'année suivante, le 13 décembre 2001, l'Assemblée législative a déclaré Alex Curling Delisser, le premier député afro-costaricien, Benemérito de la Patria par le biais de l'accord n° 6041 .
- Le 27 avril 2005, le décret exécutif n° 32338 a créé et réglementé la « Commission nationale d'études afro-costariciennes », afin de promouvoir les valeurs interculturelles et multiethniques à travers la mise en œuvre des programmes d'études au niveau national.
- Le 26 novembre 2013, le décret exécutif n° 38140-RE-PLAN a promulgué la « Politique nationale pour une société sans racisme, discrimination raciale et xénophobie 2014-2025 et son plan d'action ».
- Le 20 mars 2014, la loi n° 9223 a établi la « Reconnaissance des droits des habitants du sud des Caraïbes », dans la province de Limón.
- Enfin, le 14 septembre 2014, le décret exécutif n° 38629 « Déclare le lieu où se trouvait le village des pardos de la ville de Cartago comme lieu de mémoire de la présence afro-descendante ».
Peinture à l'huile intitulée « 31 août », en l'honneur de la journée de la personne noire et de la culture afro-costaricienne. Peinture : Honorio Cabraca
La contribution de ce peuple est perçue dans tous les aspects de la nation centraméricaine.
La première contribution apportée par les Noirs au Costa-Rica est le travail : construction du chemin de fer Atlantique, quai de Lincoln, plantations de café et de bananes).
La cuisine
C’est une contribution importante que l’on retrouve dans les plats comme le rice’n beans, un mélange de riz et de haricots préparé avec du lait de coco, du sel, de l’ail, des oignons, du thym, du poivre, du piment panaméen.
pati De Rodtico21 - Trabajo propio, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=16676991
- Le patí : gâteau pâtissier fourré à la viande, aux épices, au piment panaméen.
- Le pan bon : petit pain noir dérivé du pain d’épices anglais, avec de la noix de coco séchée, des épices et des fruits de saison.
- Le rondón : soupe de fruits de mer et de poisson avec des bananes verts, du lait de coco, des légumes, des tubercules, des piments doux et panaméen, des épices.
La musique
La musique afro-costaricaine
La musique calypso des Caraïbes américaines connaît ses débuts avec le calypso de l’île de Trinidad, le pays dans lequel ce genre musical a ses origines. Plus tard arrive le caplypso du nouveau continent qui évoluera avec les influences du son cubain, du reggae, du ska jamaïcain et de la salsa portoricaine (Ferguson, W.2004).
Ce rythme est né parmi les esclaves africains sous forme d’actualités chantées comme seule forme de communication en raison de l’interdiction qu’ils avaient de parler entre eux pendant l’oppression colonialiste. A la tombée de la nuit sur les plantations, les chantuelles, sorte de troubadours chantaient tout ce qui s’était passé dans la journée, le bon et le mauvais, le juste et l’injuste et se transmettaient les messages, des recettes, des messages d’amour et des nouvelles des proches.
On entend le calypso au Costa-Rica à partir de 1870 avec l’arrivée des Jamaïcains.
La communauté de Linca est chargée de créer de la musique calypso en y ajoutant ses propres caractéristiques qui la différencient des autres calypso de la région.
Les auteurs-compositeurs de Limón sont connus sous le nom de calipsonians, ils utilisent des instruments comme la marimba (qui était fabriqué au Costa-Rica par des esclaves africains amenés d’Amérique centrale), des banjos, des tambours.
Les instruments de musique
Dans la province de Limón, ils utilisent les instruments de musique typiques de la culture afro-descendants qui participent à la musique du calypso :
Basse cajón ou quijongo limonense, un instrument à cordes utilisé comme contrebasse, fabriqué en bois, très similaire au vrai quijongo (arc musical des indigènes américains), cette basse cajón est un héritage africain et l’instrument clé du calypso.
Le banjo, instrument à cordes au son caractéristique et le plus incomparable qui existe. Il se développe au XIXe siècle aux EU où les musiciens noirs exploitaient ses possibilités rythmiques
Le roi du calypso est Walter Ferguson Byfield né en 1919 qui a aidé à contribuer au genre musical.
Le forum des peuples tribaux afro-descendants
Le forum est une entité dirigée par des dirigeants de la province de Limón dont l’objectif est de garantir les droits des afro-descendants. Il s’est formé dans le cadre de la Convention 169 des peuples indigènes et tribaux de l’OIT, protégé par décret présidentiel du 6 mai 2022. La confirmation de l’auto-reconnaissance des peuples tribaux afro-descendants du Costa-Rica a été promu par l’ancienne vice-présidente de la république Epsy Campbell Barr.
« Aujourd’hui se réalise ce que nos ancêtres pensaient à un moment donné, ce dont nous rêvions depuis des années et qui est le désir de nos enfants et petits-enfants : vivre dans un Costa-Rica où les droits sont reconnus et respectés, sans discrimination ». Enrique Joseph Jackson, leader de la communauté de Cahuita
Source : costarica.ufpa.org
Le défilé à Limón lors de la journée de la culture afro-descendante
Ce défilé se fait au milieu de danses, de costumes typiques, de musique traditionnelle avec une atmosphère pleine de joie.
Il y a également la Wolaba parade à Puerto Viejo, le Sikiparade à Sinquirres et le défilé de Cahuita.
wolaba parade
Sources : wikipedia, afrocostaricense, periodicoenlace.com
Articles complémentaires
- Le Costa Rica dans la décennie des afro-descendants
- Anancy en Limón, cuentos afro-cosatarricences
- El Hermano Anancy et la fortune (conte afro-costaricien)
- Une vieille araignée