Indonésie : Le peuple Hongana Manyawa
Publié le 20 Novembre 2023
Groupe nomade de Hongana Manyawa dans la forêt tropicale d'Halmahera. Les Hongana Manyawa tirent tout ce dont ils ont besoin de la forêt dans laquelle ils vivent depuis des milliers d'années. © AMAN
C’est l’un des 5 derniers peuples nomades chasseurs/cueilleurs en Indonésie.
Les Hongana Manyawa sont des Tobelo des forêts, également appelés Togutil. Ils vivent dans l'intérieur de Halmahera et sont installés près des vallées fluviales.
Le nom tobelo dalam implique un dilemme anthropologique provoqué par une tentative de distinguer les peuples de la forêt des groupes d’habitants côtiers qui se font appeler Tobelo. C’est pourquoi des Tobelo dalam s’autodésignent O Hangana Manyawa, peuple de la forêt. Selon l’Alliance des peuples autochtones de l’archipel (AMAN), la principale organisation représentant les peuples autochtones d’Indonésie, les O Hangana Manyawa sont l’un des 5 derniers groupes nomades restants en Indonésie et sont considérés en voie de disparition (Globe). Le gouvernement a utilisé « Tugutil » pour désigner toute tribu isolée ou communauté traditionnelle isolée sur l’île d’Halmahera. Cette appellation est considérée comme désobligeante car basée sur une vision discriminatoire selon laquelle les communautés autochtones sont des barbares non civilisés et incultes. Utiliser ce mot est considéré comme une forme de colonialisme.
Le nom
Autodésignation : Hongana manyawa = peuple de la forêt
Population : 300 à 500 personnes
Langue : tobelo famille des langues papoues occidentales parlées dans l’île d’Halmahéra et dans les iles des Moluques en Indonésie. Branche Halmahera nord.
Peuple-racine
Les Hongana Manyawa sont enracinés dans la forêt qui représente tout pour eux car elle les fait vivre et nourrit leur culture immatérielle. Ils la respectent, lui font des offrandes pour la remercier des dons qu’elle leur offre ; ils pensent que les arbres ont une âme tout comme les humains ainsi que des sentiments. Quand un enfant naît, ils plantent un arbre en remerciement et enterrent le cordon ombilical à son pied ainsi l’arbre grandit en même temps que l’enfant. Quand ils décèdent, leurs corps sont placés dans les arbres dans une zone spéciale de la forêt réservée aux esprits.
L'île d'Halmahéra
Par Sadalmelik — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2912980
ile d'Halmahéra Par Eustaquio — Flickr, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=10658893
Halmahera est une île du nord-est de l’Indonésie, située dans l’archipel des Moluques dont c’est la plus grande île (superficie 17.780 km2). Il y a 180.000 habitants.
Halmahera est d’ailleurs située sur la ligne de Wallace : une ligne imaginaire, dont le nom vient du célèbre naturaliste du XIXème siècle, et qui regroupe un chapelet d’îles dont la biodiversité exceptionnelle s’expliquerait par un effet d’interface entre la faune et la flore d’Océanie et d’Asie. Un phénomène accentué par l’isolement qui favorise la spéciation ou création d’espèces nouvelles et uniques.
Cette île volcanique est couverte de forêts. Les habitants y cultivent sur la côte du riz, du cacao, du café, de la canne à sucre, du coprah, des épices, produits qui sont exportés par les ports de Gilolo et Ternate.
L’industrie minière est importante dans cette île car on y trouve des gisements de nickel, de cuivre, d’or et du charbon. Ces minerais sont exploités au détriment de l’environnement et des personnes y compris des peuples qui sont encore non contactés comme les Hongana Manyawa.
prospection minière en forêt Par Muhammad ECTOR Prasetyo from Pamiers, Toulouse, France — Rig Crew, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1924080
Mode de vie
Un aîné hongana manyawa contacté dans la forêt tropicale d'Halmahera. Les Hongana Manyawa sont déterminés à défendre leur forêt. © Nanang Sujana
Les Hongana Manyawa sont des chasseurs cueilleurs se déplaçant à la recherche de nourriture pour laisser la forêt se régénérer après leur passage.
Les sangliers, les cerfs et d’autres animaux sont leurs proies favorites.
Ils nouent une relation étroite avec le palmier sagoutier qui est de nos jours menacé après la déforestation pour l’exploitation minière. Le sagou est leur principale source d’hydrates de carbone.
Ils ont également de grandes connaissances en plantes médicinales et dans la guérison de maladies communes.
Menaces
Elon Musk, PDG de Tesla, et Joko Widodo, président indonésien, se rencontrent au Texas en 2022. Tesla a signé des accords pour acheter des milliards de dollars de nickel à l'Indonésie. © Merdeka.com
L’exploitation minière est une grande menace pour leurs terres et pour leur survie culturelle. Les gouvernements indonésiens ont déjà tenté de leur imposer des contacts pour pouvoir les expulser ensuite de leur forêt et l’exploiter. Le contact forcé expose ces peuples à la contamination bactérienne de maladies dont ils n’ont aucune protection. Cela a été le cas dans les années 70/90 quand les contacts ont provoqué des épidémies de maladies qu’ils nomment « peste » qui ont laissé de nombreuses victimes.
Deux hommes non contactés hongana manyawa signalent aux employés de l’entreprise forestière de ne pas s’approcher de leur territoire. © social media
Les Hongana Manyawa contactés sont quant à eux considérés comme des boucs émissaires par les policiers qui ont tendance à les accuser de nombreux crimes auxquels ils sont étrangers. Ils subissent le racisme, sont qualifués de « primitifs » par les autorités indonésiennes et les médias.
On comprend alors que cela n’encourage pas les Hongana Manyawa non contactés à se laisse tenter par l’expérience !
Certains des leurs l’ont d’ailleurs déjà faite et ont fini par retourner au fond de la forêt.
L’exploitation minière dite « verte » qui est promue pour la demande de voitures électriques entraine la destruction des terres et des forêts des peuples non contactés. L’Indonésie vise à devenir productrice majeure de batteries de voitures électriques dont le nickel est l’un des composants principaux. Un projet d’exploitation initié par l’entreprise Wede Bay Nickel (avec l’implication d’entreprises chinoises et allemandes ainsi que l’entreprise française ERAMET détenue à 27,13% par l’état français) a commencé à exploiter en 2019 une concession chevauchant le territoire des Hongana Manyawa non contactés. Une grande partie de la forêt de ce peuple a été détruite. Cette exploitation minière est contraire au droit international car ces peuples non contactés ne peuvent pas donner leur consentement libre, informé et préalable à l’exploitation de leurs terres comme cela doit être fait dans toute forme de développement selon la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Les peuples autochtones du monde ne sont en rien responsables du bouleversement climatique et de la destruction de la planète terre. Pourtant ce sont eux qui en payent les conséquences par le biais de « fausses solutions vertes » (l’agence internationale de l’énergie estime que 19 tonnes de CO2 sont émises pour chaque tonne de nickel fondu) censées réduire la pollution environnementale présente qui a produit ce même changement climatique.
L’exploitation des ressources naturelles à des fins lucratives et la surconsommation croissante poussée par les pays du nord sont la conséquence de ce changement climatique.
La photo ne montre qu'une petite partie des destructions causées par la mine de nickel de Weda Bay sur les terres des Hongana Manyawa à Halmahera, en Indonésie. © Weda Bay Nickel
Sources et liens
- Nous sommes les Hongana Manyawa, Survival
- Mines "vertes" en Indonésie, Survival
- Pétition Empêchez l’anéantissement du peuple non contacté hongana manyawa : demandez à Eramet de cesser ses activités sur leurs terres
Sources : campagne de SURVIVAL, GLOBE https://southeastasiaglobe.com/mining-greed-could-doom-indonesian-forest-people/? https://www.amisdelaterre.org/du-nickel-sous-la-foret-le-groupe-minier-francais-eramet-implique-dans-la/