L'extractivisme est la mort des peuples autochtones

Publié le 2 Juillet 2023

Raúl Zibechi
1er juillet 2023 


Quarante pour cent des terres latino-américaines sont encore aux mains des peuples indigènes, des Noirs et des paysans. L'extractivisme avance sur eux. Retirer la terre à ces peuples revient à leur ôter la vie, c'est pourquoi ils la défendent avec tant de force. Jujuy en est un exemple brutal.

Aujourd'hui, c'est Jujuy, mais hier, c'était le Pérou, le Chili et le Brésil.  Et demain, ce sera partout où l'accumulation du capital par la dépossession des personnes et des terres est le principal mode de fonctionnement des multinationales. Un mode dans lequel seule la richesse du sous-sol compte, les êtres humains et non humains n'étant qu'un obstacle à l'enrichissement du capital financier.

Au Brésil, Lula est incapable de tenir sa promesse de campagne d'avancer dans la démarcation des terres indigènes, à laquelle tout gouvernement est tenu par la Constitution de 1988, mais qu'aucun, ni de droite ni de gauche, n'a pleinement respectée.

Au Pérou, la réactionnaire Dina Boluarte a lancé les forces armées et la police contre les peuples andins pour garantir la liberté des compagnies minières de s'emparer des richesses en ne laissant que des destructions environnementales et sociales. Les plus de cinquante personnes tuées par balles n'ont inquiété ni le gouvernement ni les organisations internationales qui, lorsque c'est dans leur intérêt, chantent les droits de l'homme.

Au Chili, le président soi-disant progressiste, Gabriel Boric, a militarisé le Wall Mapu, avec un déploiement militaire plus important que les gouvernements précédents, pour défendre les terres usurpées par les entreprises forestières aux communautés indigènes et paysannes. De la même main qui militarise les territoires mapuche, il gracie les carabiniers pour les plus de 400 yeux explosés lors de la révolte de 2019, avec pour résultat que l'institution étatique qui jouit du plus grand soutien populaire dans le pays n'a plus de raison d'être.

Sans parler du Chiapas, où sous le gouvernement progressiste de López Obrador, il y a eu 110 attaques armées contre des communautés appartenant à la région zapatiste de Moisés et Gandhi, du Caracol 10, au sein de la municipalité officielle d'Ocosingo. Des groupes paramilitaires soutenus par le gouvernement par l'intermédiaire du gouvernement de l'État du Chiapas.

À Jujuy, il s'agit de l'extraction du lithium, pour laquelle le gouvernement provincial a besoin de violer les peuples indigènes et leurs plus de 400 communautés qui s'opposent à être rendues invisibles par la nouvelle constitution provinciale. Le fait que le gouverneur Gerardo Morales soit un génocidaire et un écocidaire, prêt à éliminer n'importe qui pour satisfaire sa soif de pouvoir, ne doit pas nous cacher plusieurs faits importants.

Le premier est qu'il pourrait devenir le prochain vice-président de l'Argentine, par la grâce d'une classe moyenne qui considère les indigènes comme des personnes de seconde zone, c'est-à-dire qu'ils ne les considèrent pas comme des êtres humains comme eux.

La seconde est que Morales fait partie du système politique qui se préoccupe uniquement de l'administration du modèle et, en ce sens, il n'est pas très différent des autres politiciens des deux côtés de la ligne de partage. Le gouvernement national ne veut pas, bien qu'il le puisse, intervenir à Jujuy et mettre fin à la répression, parce qu'en fait, au-delà de ses déclarations, il a déjà militarisé une bonne partie des entreprises extractives, à commencer par Vaca Muerta.

Le reste n'est que déclarations pour gagner quelques voix. Ceux qui veulent croire qu'il existe des différences fondamentales entre les Macristes et les Kirchneristes devraient se demander pourquoi aucun des deux n'a la moindre intention de mettre fin à l'extractivisme, à l'exploitation minière et aux monocultures, à l'extraction de l'or et du lithium, au soja et à la fumigation.

Le seul différend sérieux entre les deux secteurs porte sur la manière d'affronter les secteurs populaires : les uns misent sur la domestication avec des plans et une bonne dose de répression ; les autres misent sur plus de répression et une bonne dose de plans. Comme on le voit, ce n'est qu'une question de proportions, car les deux côtés de la ligne de partage misent simultanément sur la répression et les plans.

Il n'y a pas d'autre choix que de résister. A l'un ou à l'autre. Au fil du temps, les peuples découvrent qu'il ne s'agit que des deux faces d'une même pièce. Celle de l'extractivisme, qui ne peut exister sans militarisation des territoires, de la pollution des terres et de l'anéantissement des peuples.

Le modèle n'a pas de limites. Les rapports annuels de l'Institut pour le développement rural en Amérique du Sud, auquel collabore le groupe d'études rurales de l'université de Buenos Aires, indiquent qu'environ 40 % des terres latino-américaines sont encore aux mains des indigènes, des Noirs et des paysans, ou sont des zones de conservation naturelle, inaliénables en vertu de la loi.

L'extractivisme progresse sur ces territoires dans toute la région. Prendre la terre aux peuples, c'est comme prendre leur vie, c'est pourquoi ils la défendent avec tant de force. Ils ne peuvent pas négocier. Ils ne le feront pas.

La seule chose à rappeler au système politique argentin est qu'il joue avec le feu. C'est la menace d'extinction des communautés mayas qui les a amenées à s'organiser en EZLN et à décider du soulèvement armé. Il se passe la même chose dans le sud du Chili et de la Colombie, ainsi que dans l'Amazonie brésilienne. Ils ne veulent pas la guerre, mais ils ne la craignent pas si leur existence en tant que peuple est en jeu.

Demain, ne dites pas que vous ne saviez pas.

Publié à l'origine dans Pelota de Trapo

traduction caro d'un texte paru sur Desinformémonos le 01/7/201/2023

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