Colombie : Risque imminent d'expulsion illégale et de déplacement forcé de 37 communautés Wayuu de Riohacha
Publié le 4 Mai 2023
Le Conseil des droits des peuples autochtones, des droits de l'homme et de la paix de l'ONIC adresse cette dénonciation et cette demande d'action urgente au gouvernement national, au ministère public, aux commissions pour la paix et les droits de l'homme de la Chambre et du Sénat et aux organisations internationales ayant un mandat en Colombie, en raison du risque imminent d'expulsion et de déplacement forcé de plus d'un millier de familles de 37 communautés wayuu de Riohacha, aux mains de la mairie, des forces de sécurité et d'acteurs armés illégaux, pour céder leurs territoires à des particuliers possédant des terres privées illégalement enregistrées sur ces mêmes terres. À ce jour, plus de 100 familles ont été expulsées et déplacées !
1. Aujourd'hui, le 2 mai 2023, ce Conseil pour les droits des peuples autochtones, les droits de l'homme et la paix de l'ONIC, s'est réuni à Bogota avec une commission de 10 délégués de 37 communautés Wayuu de Riohacha - La Guajira, revictimisées par une stratégie de dépossession massive des territoires ancestraux pour le développement de projets commerciaux et privés, qui, au cours de l'année écoulée, a laissé plus de cent familles Wayuu déplacées et sans relogement, assistance humanitaire, réparation ou enquête (communautés Santa Clara, Wayukaiso et Cachakamejia, expulsées en présence de la Personería, du bureau du maire et du bureau du médiateur).
2) Il y a plus de mille familles Wayuu, principalement des femmes, des mineurs et des personnes âgées, qui habitent ancestralement toutes ces communautés, sur quelque trois cents hectares à Riohacha, reliés au système de sites sacrés connu sous le nom de Línea Negra - Seshiza, reconnu par le décret présidentiel 1500 de 2018.
3) Par le biais d'ordonnances policières, de harcèlements policiers sans décision de justice, de plaintes pénales, de menaces de groupes armés illégaux et d'agressions de l'ESMAD de la police, environ 37 communautés Wayuu de Riohacha (plus la communauté Tuctu de Maicao) ont été contraintes d'abandonner immédiatement et définitivement leur territoire, où se trouvent depuis toujours leurs maisons, leurs sites sacrés, leurs zones de pâturage, leurs cultures et/ou leurs sources d'eau.
4. Ces dernières années, des centaines de propriétés privées enregistrées sur les territoires ancestraux (qui sont constitutionnellement insaisissables, inaliénables et incessibles) sont apparues au nom d'entreprises, de familles et d'autres personnes, sans aucun contrôle ni surveillance, tandis que des ouvrages publics sont construits sans consultation préalable, comme la prison de Riohacha et le siège de PROMIGAS dans la communauté de Gualinai (km 2 de la route Riohacha - Santamarta).
5. Les communautés revictimisées sont les suivantes Wayucaiso, Cachakamejia, Sumaiwayuu, Galilea, Gualinai, Lamacoya, Potrerito 1 et 2, Betania, Montesinai, Berlin, Rumumana, Rorolomashi, Unaalumana, kaijoluumana, Los Olivos, Santa Rosa, Lagunita, Cuatro Bocas, Campo Alegre, Jirawaikat, Jamaikat, Cari Cari 2, Apunimana 1 et 2, El Propio Patròn, Villa Fátima, San Rafael, Refugio, Jarijiramana, Walapaijamana, Juan de Aragòn, Sirnapumana, Apalashimana, Carmito, Espinal et Tuctu, ce dernier dans la commune de Maicao.
6. Le peuple de la nation Wayuu de La Guajira a été déclaré victime historique et collective de multiples violences et omissions de l'État, et en danger d'extinction physique et culturelle par diverses dispositions judiciaires telles que l'ordonnance 004 de 2009 de la Cour constitutionnelle, qui a insisté pendant des années pour que sa protection et l'attention de l'État soient une question urgente et prioritaire, mais en vain.
7. Malgré la signature du Chapitre ethnique des Accords de paix il y a sept ans, la violence et la revictimisation contre les peuples autochtones tels que le peuple Wayuu de La Guajira persistent, aux mains des forces de sécurité, des groupes illégaux, des organismes gouvernementaux et des particuliers (environ 4 688 violations entre 2017 et 2022, selon l'Observatoire de l'ONIC).
8. La Guajira est l'un des départements les plus en pointe en termes d'inégalité, de violence et de corruption en Colombie, selon le Département administratif national des statistiques - DANE.
DEMANDE
De la part du Conseil des droits des peuples indigènes, des droits de l'homme et de la paix de l'Organisation nationale indigène de Colombie (ONIC) et en réponse aux faits mentionnés ci-dessus, nous demandons :
1. à l'inspection de la police et à la mairie de Riohacha : la suspension immédiate des ordres et des procédures d'expulsion des familles Wayuu appartenant aux communautés affectées, jusqu'à ce que leur légalité et leurs procédures soient examinées, avec le gouvernement et le ministère public au niveau national.
2. À la Personería Municipal de Riohacha : suspendre son soutien aux actions de dépossession des communautés Wayuu de leurs territoires ancestraux jusqu'à ce que le ministère public et le gouvernement national enquêtent de manière approfondie sur la légalité de ces actions.
3. Au ministère de l'Intérieur, de la Prospérité sociale et à l'Unité de gestion des risques : coordonner immédiatement les actions interinstitutionnelles nécessaires pour protéger les communautés qui risquent d'être déplacées en raison d'expulsions et d'agressions, ainsi que l'assistance humanitaire et le retour des communautés déjà expulsées et déplacées.
4. Au bureau du médiateur au niveau national : émettre des alertes précoces et des conseils pour protéger les communautés qui risquent d'être dépossédées et déplacées et pour fournir une assistance humanitaire aux personnes qui ont été déplacées.
5. Au ministère de la défense, au bureau du procureur général, à la police nationale et au bureau du procureur général : Suivre et enquêter sur les entités et les fonctionnaires impliqués dans les processus illégaux de dépossession de la population indigène. Ordonner la suspension de ce type d'activités par des tiers dans les territoires ancestraux et enquêter sur la manière dont les terres indigènes sont privatisées à des fins privées par des tiers à Riohacha.
6. Au ministère de l'Agriculture, à l'IGAC et à l'Agence nationale des terres : suspendre tout enregistrement de terres privées sur des territoires ancestraux (insaisissables, inaliénables et incessibles) et enquêter sur les cas de superposition illégale de terres dans les communautés susmentionnées, afin de procéder aux révocations administratives nécessaires.
7. Au Conseil supérieur des droits de l'homme de la Présidence de la République : l'adoption de mesures urgentes en coordination avec les autres entités décrites ci-dessus, pour éviter les actes de dépossession et d'agression par les forces de sécurité dans les territoires ancestraux et contre les familles qui les habitent, conformément aux recommandations et aux instruments internationaux en la matière.
8. Aux commissions de la paix et des droits de l'homme de la Chambre et du Sénat : programmer un débat politique sur le cartel et la stratégie de dépossession des terres indigènes de La Guajira.
9. Aux organisations internationales du système universel et interaméricain des droits de l'homme : suivre les actions de l'État en réponse aux dénonciations, lancer les appels conventionnels nécessaires, inclure la dénonciation dans leurs rapports internationaux sur la Colombie et fournir le soutien humanitaire convenu dans les mandats de leurs bureaux en Colombie.
traduction caro d'un communiqué de l'ONIC du 02/05/2023