Le Soulèvement de la Terre en France (qu'il faudrait imiter)
Publié le 7 Avril 2023
Fernando Llorente Arrebola
5 avril 2023
Photo : Manifestation contre la méga bassine d'irrigation en construction à Sainte-Soline. (lessoulevementsdelaterre.org)
Le 25 mars débutait la cinquième édition des Soulèvements de la Terre, un ensemble de mobilisations et de protestations contre l'agriculture intensive et industrielle et ses impacts socio-écologiques, contre les infrastructures qui détruisent le territoire et isolent les écosystèmes tels que les autoroutes et les trains à grande vitesse, contre l'extractivisme, etc., qui durera jusqu'au 31 août. Dans cette cinquième édition, la devise est "Thésaurisation, agro-industrie, artificialisation... écartons-les de notre chemin".
A cette occasion, ils ont commencé par un grand campement et un rassemblement contre la méga-bassine irriguée en cours de construction à Sainte-Soline, commune éminemment agricole de l'ouest de la France qui, comme le reste du pays, subit une période de sécheresse inhabituelle. .
La sécheresse accumulée depuis des années, qui a forcé l'été dernier la paralysie de plusieurs centrales nucléaires faute de volumes d'eau suffisants pour assurer leur refroidissement, et qui met en péril le modèle d'agriculture irriguée intensive.
Cette sécheresse extrême, inconnue dans un pays traditionnellement humide, a conduit le gouvernement Macron à approuver un plan de construction de méga-bassines plastifiées pour le stockage de l'eau, qu'ils extraient du sous-sol pour la mettre à disposition des irrigants, dans une tentative désespérée de maintenir le même modèle agro-industriel malgré le dérèglement climatique et la baisse de plus en plus pressante des précipitations.
Dès le départ, le plan de Macron s'est heurté à une opposition farouche, non seulement de la part des écologistes et des défenseurs de l'environnement qui y voient un autre processus d'"accélérationnisme climatique" (plus d'émissions provenant des machines lourdes, des polymères utilisés pour l'imperméabilisation, des pompes utilisées pour extraire l'eau du sous-sol...) et d'atteinte aux écosystèmes (assèchement des zones humides, affaissement de la nappe phréatique, assèchement des puits traditionnels, etc.), mais aussi de la part des petits et moyens agriculteurs qui voient dans ces projets une autre tentative de monopoliser et de privatiser l'eau, ce qui s'attaque directement à leur production et à leurs communautés rurales. ), mais elle s'est également heurtée à la belligérance des petits et moyens agriculteurs qui voient dans ces projets une nouvelle tentative de monopoliser et de privatiser l'eau, ce qui porte directement atteinte à leur production et à leurs communautés rurales. Ces différentes sensibilités se sont réunies au sein de Bassines Non Merci, qui, avec la Confédération Paysanne, a porté le cas des macro-bassines devant l'ONU le 22 mars, coïncidant avec la Journée de l'eau.
Malgré l'interdiction de la préfecture des Deux-Sèvres, l'événement a été suivi par une participation massive d'environ 30 000 personnes, car ces soulèvements de la Terre sont soutenus par une large coalition de 200 organisations environnementales, sociales et syndicales paysannes telles que la Confédération Paysanne, l'Atelier Paysan, etc. et, à cette occasion, ils ont également bénéficié d'une représentation internationale de militants d'autres parties du monde, comme la délégation de la nation Mohawk luttant contre un oléoduc.
Ces soulèvements de la Terre sont soutenus par une coalition très large et hétérogène de 200 organisations environnementales, sociales, syndicales et paysannes.
La manifestation en rase campagne, près des terres agricoles, a tenté d'atteindre l'une des méga bassines en construction pour manifester son refus de ce type d'infrastructure, mais un important déploiement policier d'une violence inouïe l'en a empêché. Pour défendre un simple trou dans une bassine au milieu d'un champ, la police a utilisé des hélicoptères, des quads, et un énorme déploiement de camionnettes, déclenchant une vague de violence aveugle contre les manifestants contre lesquels elle a tiré 4000 grenades lacrymogènes GM2L en seulement 2 heures, grenades qui ont blessé 200 personnes, dont 40 gravement, deux dans le coma (à ce jour, la vie de Serge D ne tient toujours qu'à un fil).
En France, il n'est pas habituel de se résigner stoïquement aux matraques et aux grenades de la police et de s'enfuir. Les manifestants ont donc répondu à l'action disproportionnée de la police et l'ont affrontée, non seulement en se défendant, en soignant et en évacuant les nombreux blessés, car la police empêchait les ambulances d'accéder au champ de bataille, mais aussi en brûlant les fourgons de police et les armes qu'ils contenaient, en détruisant l'une des pompes à eau et en occupant les lignes LGV (train à grande vitesse). Le 30 mars, coïncidant et coopérant avec le mouvement contre la réforme des retraites, ils ont manifesté dans les préfectures de police de tout le pays pour exiger la fin des violences policières et en solidarité avec les deux personnes dans le coma.
Au même moment, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, annonce à l'Assemblée nationale son intention de dissoudre le mouvement des Soulèvements de la Terre, ce à quoi répond une campagne massive d'auto-soulèvement à laquelle se joignent plus de 50.000 personnes, des gens du monde de la culture, des artistes, des scientifiques, un prix Nobel de la paix, des militants et des dirigeants de partis de gauche, de syndicats, d'universités, d'organisations d'autres pays, etc.
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, annonce à l'Assemblée nationale son intention de dissoudre le mouvement Soulèvements de la Terre.
De leur côté, les organisations du monde entier regroupées au sein de la Via Campesina ont également appelé à la solidarité avec le mouvement français et à condamner la dérive autoritaire et répressive du gouvernement. Des campagnes de solidarité qui montrent le grand soutien social dont bénéficient les luttes de défense socio-environnementale face à ce nouveau tour de vis du développementalisme et de l'extractivisme que le gouvernement néolibéral de Macron a mis en marche. En tout état de cause, l'intention du ministre de l'intérieur de dissoudre ou d'interdire un mouvement comme les Soulèvements de la terre, qui n'a pas d'identité juridique, mais qui est une alliance d'organisations et de collectifs de base, un réseau coopératif de lutte et de revendications, n'est pas très compréhensible. Mais la rhétorique répressive a aussi sa clientèle et compte sur les diffuseurs des médias qui tentent de diffamer le mouvement en l'accusant d'"ultra-gauchisme" et d'"éco-terrorisme".
La faible couverture médiatique de cette mobilisation et de la répression policière brutale est sans doute liée à sa coïncidence avec le très important mouvement contre l'allongement de l'âge de la retraite, mais aussi au parti pris urbanocentrique de la grande majorité des médias et à l'éco-ignorance généralisée qui continue de détourner le regard et de minimiser l'impact du changement climatique sur nos vies, comme s'il ne s'agissait que d'un certain inconfort quotidien climatisé et non de la menace imminente d'effondrement du système agro-alimentaire, qui compromettra la reproduction de la vie humaine et la stabilité sociale du "jardin européen" de l'imbécile Borrell.
Un aspect du camp. Photo : lessoulevementsdelaterre.org/es-es-es/visuels
Sous ces latitudes péninsulaires où la sécheresse est déjà dramatique et menace de ruiner l'agriculture et le monde rural, il faut prêter attention aux paroles du mouvement français : "les journées de Sainte-Soline portent une affirmation : il ne s'agit pas de se soumettre aux décisions gouvernementales face à la sécheresse ! C'est à nous de prendre les décisions incontournables sur les usages prioritaires d'une eau de plus en plus rare, de limiter l'avidité industrielle qui assèche les terres et de défendre de toutes nos forces les biens communs, nos besoins et ceux de l'agriculture paysanne. Des changements comme celui de Sainte-Soline, il en faut sur bien d'autres fronts pour défendre la terre : l'empoisonnement généralisé par les pesticides, les fermes-usines et l'agriculture numérique, l'enfouissement des forêts, des zones humides et des parcelles agricoles sous le béton, la dévastation de la biodiversité... Ces actions sont partout à notre portée, à condition que nous parvenions à sortir de l'impuissance et de l'éco-anxiété, à construire de larges alliances et à mettre en place des stratégies de résistance efficaces. C'est le défi des soulèvements de la Terre".
Dans ce pays (l'Espagne) et en Estrémadure, nous regardons le mouvement français avec un mélange d'envie et de désespoir. L'envie de la capacité à unir des secteurs très divers autour d'objectifs communs et partagés.
Un autre parallèle que nous partageons dans ce pays avec nos voisins français est l'utilisation et l'abus par les autorités de moyens répressifs pour gérer des conflits socio-environnementaux de plus en plus fréquents et intenses, comme la persécution et la sanction pénale des actions directes pacifiques de Futuro Vegetal ou Extinción Rebelión, ou la demande de peines de prison pour les 15 activistes de la Rébellion Scientifique qui ont protesté devant le parlement, teintant sa façade en rouge. Ce n'est pas pour rien que le gouvernement le plus progressiste de l'histoire (le progrès étant entendu comme la dévastation écologique et l'inaction et l'accélération climatique) n'a pas eu le temps d'abroger la règle du bâillon au cours de ces 4 années de coalition.
Malheureusement, dans ce pays et en Estrémadure, nous regardons le mouvement français avec un mélange d'envie et de désespoir. L'envie de la capacité à rassembler des secteurs très divers autour d'objectifs communs et partagés, l'intersectionnalité est ce que les modernes appellent cela, mais nous préférons le terme de symbiose.
Telle la symbiose des secteurs de l'environnement et de l'agriculture sur un même front dans le pays voisin, logique et nécessaire à tous points de vue. Elle est particulièrement frappante dans une région comme l'Estrémadure, où toutes les organisations agricoles sont alignées sur la grande industrie agroalimentaire la plus destructrice et les grands propriétaires terriens, et sont affectées par l'écophobie et un parti pris subjectif de droite et d'ultra-droite, bien que cela aille à l'encontre de leurs propres intérêts objectifs.
La symbiose entre les secteurs environnementalistes et agricoles [...] est particulièrement frappante dans une région comme l'Estrémadure, où toutes les organisations agricoles sont alignées sur les grandes entreprises agroalimentaires les plus destructrices.
Sans parler de l'esprit caïnite qui règne sur notre gauche (il suffit de voir le spectacle que nous offre le PSOE ces jours-ci) et qui atteint le mouvement environnemental lui-même, divisé, un mouvement qui a du mal à sortir de sa dynamique légaliste, "onegeist" et/ou subsidiaire des partis politiques, à un moment où l'urgence d'agir pour empêcher le pillage de l'eau et de la terre, du climat et de la biodiversité nous pousse à agir pour empêcher le pillage de l'environnement, du climat et de la biodiversité, Seules les nouvelles organisations comme Extinción Rebelión, Futuro Vegetal, Rebelión Científica l'ont compris, et ce malgré le fait que dans ce pays, il existait par le passé une culture de l'action directe écologiste dans la lutte contre les centrales nucléaires, les grands barrages (Solidarios con Itoiz), ou la reforestation des pins (Phoracanta).
Il est désespérant de voir qu'alors qu'en France des citoyens ont mis en place des ZAD, Zone à Défendre, qui sont des campements permanents pour défendre des forêts comme Notre-Dame-des-Landes contre la tentative de les transformer en "bio-masse", on oublie de suivre l'exemple du campement Anti-Autovía de Navarra en ces temps tragiques où toute la région d'Estrémadure (pour ne pas dire tout le pays) va devenir une "bio-masse", nous devrions ne pas oublier de suivre l'exemple de l'Acampada Anti-Autovía de Navarra en ces temps tragiques où toute la région d'Estrémadure (pour ne pas dire tout le pays) va devenir une zone de sacrifice pour un nouveau cycle d'accumulation capitaliste basé sur le déploiement massif de nouvelles mines, de nouvelles infrastructures et de macro-centrales énergétiques aux mains des entreprises géantes de l'Ibex 35, avec les éternelles excuses de l'emploi, de la lutte contre la dépopulation et maintenant de l'économie verte et circulaire.
Comme le disent les camarades des Soulèvements de la Terre dans leur communiqué, il faut sortir de l'impuissance et du désespoir. L'autre jour, un camarade me disait avec résignation que Gaïa allait nous déloger de la folie de la croissance infinie et de l'accumulation absurde du capital, mais le fait est qu'il n'y a pas de séparation entre Gaïa et nous : Gaïa lutte contre le capital et sa dévastation à travers nos corps, nos esprits, nos cœurs, à travers la coopération sociale que nous parvenons à mettre en place. La planète entière est déjà une Zone à Défendre parce que la planète entière est pour le capital une zone de sacrifice, et ce que Gaia nous demande en ce moment critique et dramatique de l'histoire humaine, c'est d'aiguiser notre sensibilité, de mettre nos meilleures ressources cognitives, intellectuelles et morales au service du bien commun, de nous unir dans une symbiose vertueuse et de nous élever contre le dessein de mort et de destruction qui émane de la méga-machine industrielle et développementaliste.
Que mille Sainte-Soline fleurissent !
Ce matériel est partagé avec la permission d' El Salto
traduction caro d'un article paru sur Desinformémonos le 05/04/2023
La Sublevación de la Tierra en Francia (que deberíamos imitar)
Foto: Movilización contra la macrobalsa de regadío que se está construyendo en Sainte-Soline. (lessoulevementsdelaterre.org) El pasado 25 de Marzo daba comienzo la quinta edición de Soulèvemen...
https://desinformemonos.org/la-sublevacion-de-la-tierra-en-francia-que-deberiamos-imitar/