¨Patrimoine culturel et immatériel 2022 : Chili : La poterie de Quinchamalí et Santa Cruz de Cuca

Publié le 2 Décembre 2022

Dans les inscriptions urgentes sur les listes du patrimoine culturel et immatériel de l'UNESCO, au Chili :

 

La poterie de Quinchamalí et Santa Cruz de Cuca

 

 

Les pièces noires à motifs blancs à fonction utilitaire ou décorative sont un savoir faire des populations métisses espagnoles/mapuche dans la Vallée Centrale au Chili. La guitarrera est un exemple de cet art décoratif, évoquant le milieu rural. Les potières vendent leur artisanat sur le marché de Chillán, dans les foires ou par des intermédiaires. Les femmes détiennent les connaissances qu'elles doivent transmettre aux générations futures mais cela devient de plus en plus compliqué, les jeunes s'installant de plus en plus en ville. La transmission est alors compromise. L'urgence du classement sur cette liste vient également de l'appropriation de la propriété intellectuelle relatif aux connaissances liées à la poterie et  l’utilisation à but lucratif de ces connaissances par des designers ou des artistes qui ne partagent pas leurs bénéfices avec les praticiennes.

 

VIDEO :  Quinchamalí and Santa Cruz de Cuca pottery

Article de l'UNESCO

 

 

UNE DAME D'ARGILE


 

Que Marta Colvin me pardonne, mais la meilleure sculpture chilienne que je connaisse est une " mona con guitarra " , en argile, l'une des nombreuses qui ont été réalisées dans le nombril du monde de la céramique : Quinchamalí. Cette dame à la guitare est plus grande et plus large que les habituelles. Il est difficile de fabriquer une pièce aussi grande, m'ont dit les artisanes, les loceras. Celle-ci a été fabriquée par une paysanne, presque centenaire, qui est morte il y a longtemps. Elle était si belle qu'elle a voyagé jusqu'à New York dans ces années-là, et a été présentée à l'exposition universelle. Maintenant, elle me regarde depuis la table la plus importante de ma maison. Je ne cesse de la consulter. Je l'appelle la Terre Mère. Elle a la rondeur d'une colline, les ombres projetées par les nuages d'été sur la terre en friche et, bien qu'elle ait navigué sur les mers, elle conserve l'illustre odeur de la boue, la boue du Chili.

 

Les loceras m'ont dit que pour leur travail, elles doivent mélanger l'argile avec des herbes, et que le noir pur et opaque des pots quinchamalero leur est donné en brûlant de la bouse de vache. Elles se sont alors plaintes de la somme que le propriétaire des domaines leur faisait payer pour les excréments sauvages. Je n'ai jamais pu obtenir assez d'influence pour faire baisser le prix de la bouse de vache pour les sculpteuses de Quinchamalí. Et bien qu'il s'agisse d'une demande très humble aux grandes puissances, j'espère que la réforme agraire donnera ce produit aux transformatrices d'argile avec autant de simplicité que le ferait une vache. La vérité est que cette poterie est la chose la plus illustre que nous ayons. Le seul cadeau que j'ai offert à Picasso était un petit cochon noir, une tirelire, un jouet, un arôme Chillanejo, une création de la célèbre locera Práxedes Caro.

Avec les éperons et des ponchos, des bracelets de Panimávida, les sirènes de Florida, les cantaritos de Pomaire, notre orgueil paresseux est nourri. Parce qu'ils sont produits comme l'eau, ils se répandent sans faire de bruit, ce sont des arts illustres et utilitaires, désintéressés et parfumés, qui vivent on ne sait comment, on ne sait de quoi, mais ils nous représentent en humilité, en profondeur, en parfum.

C'est pourquoi je pense que parmi les très tristes musées de Santiago, le seul charmant est celui qui expose ses trésors dans le Cerro Santa Lucía*. Il a été créé par l'écrivain Tomás Lago, il y a de nombreuses années, dans un acte d'amour qui n'a cessé de proliférer dans tant de belles collections. Moi-même, avec le génial Rodolfo Ayala, le fou Ayala, j'ai cherché dans les terres mexicaines, à travers les églises et les marchés, les palais et les cachureos, des objets choisis et violents, qui enrichissent aujourd'hui ce musée du ravissement.

Ces créations anonymes m'ont passionné et je me décris parfois, au regard de ma poétique, comme un potier, un boulanger ou un charpentier. Sans main, il n'y a pas d'homme, il n'y a pas de style. J'ai toujours voulu que ma poésie soit artisanale, antilivresque, car même les rêves naissent des mains. Et cet art populaire, qui a été conservé et exposé avec fierté et amour dans notre meilleur musée, révèle, au-delà des musées historiques, que le plus vrai est le vivant, et que les œuvres du peuple ont une éternité non moins ardente que celles des héros.

La patrie est constamment détruite. Les destructeurs sont en nous. Nous nous nourrissons de feu et d'annihilation. Les jungles sont tombées brûlées : la merveilleuse forêt chilienne n'est plus qu'une tache de larmes dans mon cœur. Les plus beaux rochers du monde explosent à la dynamite sur notre littoral. Huîtres, moules, perdrix, oursins, sont persécutés comme des ennemis, pour les faire disparaître rapidement, pour les effacer de la planète. Les ignorants disent de nos déprédations : "L'Indien est sorti". C'est un mensonge. L'Araucanien a nommé le Canelo roi du pays. Et il n'a combattu que les envahisseurs. Nous, Chiliens, avons combattu tout ce qui était à nous et, malheureusement, le meilleur. Je n'ai jamais ressenti une telle honte que lorsque j'ai vu dans des livres d'ornithologie, où l'habitat de chaque espèce est indiqué, une description du perroquet du Chili : "Tricahue. Espèce presque éteinte". Je ne mentionne pas ici l'endroit où sont cachés les derniers spécimens de ce magnifique oiseau, afin d'éviter son extermination.

Maintenant, ils me disent que ces jours-ci, une étincelle de notre "révolution culturelle" a atteint le Musée d'art populaire et a l'intention de le détruire.

Que le canelo d'Araucanie, dieu des forêts, nous protège.

*Neruda fait référence au premier siège de MAPA, dans le Castillo Hidalgo sur Cerro Santa Lucía.

traduction caro https://www.patrimonioinmaterial.gob.cl/noticias/pablo-neruda-y-la-artesania-de-quinchamali-el-ombligo-mun-dial-de-la-ceramica

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