Avec la chorale Rojinegra : La complainte de Mandrin

Publié le 30 Juillet 2022

 

Nous étions vingt ou trente
Brigands dans une bande,
Tous habillés de blanc
A la mode des, vous m'entendez,
Tous habillés de blanc
A la mode des marchands.

La première volerie
Que je fis dans ma vie,
C'est d'avoir goupillé
La bourse d'un, vous m'entendez,
C'est d'avoir goupillé
La bourse d'un curé.

J'entrai dedans sa chambre,
Mon Dieu, qu'elle était grande,
J'y trouvai mille écus,
Je mis la main, vous m'entendez,
J'y trouvai mille écus,
Je mis la main dessus.

J'entrai dedans une autre
Mon Dieu, qu'elle était haute,
De robes et de manteaux
J'en chargeai trois, vous m'entendez,
De robes et de manteaux
J'en chargeai trois chariots.

Je les portai pour vendre
A la foire de Hollande
J'les vendis bon marché
Ils m'avaient rien, vous m'entendez,
J'les vendis bon marché
Ils m'avaient rien coûté.

Ces messieurs de Grenoble
Avec leurs longues robes
Et leurs bonnets carrés
M'eurent bientôt, vous m'entendez,
Et leurs bonnets carrés
M'eurent bientôt jugé.

Ils m'ont jugé à pendre,
Que c'est dur à entendre
A pendre et étrangler
Sur la place du, vous m'entendez,
à pendre et étrangler
Sur la place du marché.

Monté sur la potence
Je regardai la France
Je vis mes compagnons
A l'ombre d'un, vous m'entendez,
Je vis mes compagnons
A l'ombre d'un buisson.

Compagnons de misère
Allez dire à ma mère
Qu'elle ne m'reverra plus
J' suis un enfant, vous m'entendez,
Qu'elle ne m'reverra plus
J'suis un enfant perdu.

MANDRIN (1725-1755)

 

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Louis_Mandrin_%281725-1755%29_01.jpg

 

Louis Mandrin, né en 1725 dans l’Isère, gagne sa vie comme maquignon mais fait faillite.

En 1753, à la suite d’un meurtre –commis en défendant un ami recherché pour désertion – il fuit son village et entre dans une troupe de contrebandiers. La même année, son frère est pendu pour fausse-monnaie, après avoir été dénoncé par un  employé des Fermiers Généraux (financiers chargés du recouvrement des impôts).

Devenu chef d’une bande armée de plusieurs centaines d’hommes, il attaque les Fermiers Généraux et se livre à la contrebande en grand, s’emparant de villes importantes pour y débiter ses marchandises et mettant en échec les troupes royales.

Depuis la Suisse et la Savoir (alors terre étrangère) il mène 6 raids en France : le théâtre de ses exploits couvre alors tout le quart sud-est du royaume. Il règle ses comptes et libère des prisonniers.

Au bout de 2 ans, il est capturé suite à une dénonciation....et roué vif à Valence en 1755.

Il est devenu une légende et restera perçu comme un homme du peuple qui lutte contre les injustices, une sorte de Robin des Bois, voire un précurseur de la Révolution française.

La mémoire collective sait être sélective.....

Au 18e siècle, deux tiers des rébellions concernent l’impôt sur le sel, la GABELLE : c’était l’impôt le plus détesté avec celui sur le tabac. Les trafiquants de sel (faux-sauniers) étaient envoyés aux galères et pouvaient être punis de mort en cas de récidive. Marquage au fer rouge pour tous : GAL (galère) pour les hommes, fleur-de-lys pour les femmes.

Les bandes organisées de contrebandiers recevaient à tout moment aide et solidarité des populations (le devoir de rescousse) contre les gendarmes et les commis du fisc : à Sarrelouis, en 1711, les citadins versent de l’eau chaude depuis les fenêtres et vident les pots de chambre sur la tête des gens des gabelles venus perquisitionner à la recherche de faux-sel.

Les rébellions sont constitutives de la vie quotidienne dans les campagnes et les villes de l’ancien régime : résistance à la fiscalité (contrebande de sel et de tabac), résistance aux subsistances (c’était l’entretien des détachements armés), résistance à la justice, à la police, notamment lors des foires, des fêtes, ou lors d’une arrestation ou du transfert d’un détenu. Bien que les billes à l’époque ne regroupent que 15% de la population locale, il s’y déroule plus de la moitié des troubles.

Tout un vocabulaire juridique et policier est nécessaire pour désigner ces « troubles » : rébellion, attroupement, émotion, sédition, tumulte, excès, révolte, assemblée, soulèvement.

Les femmes sont souvent à la tête de la foule, émeutières par devoir : ne sont-elles pas les nourricières de la famille ?

(source : Les luttes et les rêves – une histoire populaire de la France de 1865 à nos jours, de M. Zancarini-Fournel, Zones, 2016)

 

 

La Rojinegra

Rédigé par caroleone

Publié dans #Chanson non crétinisante, #Avec la Rojinegra

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