Mexique : Tzam trece semillas : Bi nax atzp’a
Publié le 21 Juin 2022
Photo : Río Negro de los Chimalapas. Elí García Padilla
Par Josefa Sánchez Contreras
S'il y a une chose qui caractérise Chimalapa, la terre habitée par les Angpøn (Zoques), c'est l'abondance d'eau et de rivières. Plus de 594 000 hectares de propriété communale sont partagés par les communautés agraires et indigènes de San Miguel et Santa María. Mais au-delà des frontières, le territoire fait partie de ce qu'on appelle la selva Zoque, le cœur de l'isthme de Tehuantepec.
Naître sur des terres communales est le résultat d'une longue lutte pour maintenir notre existence en tant que peuple ; pour ceux d'entre nous qui y ont grandi, l'oralité s'est révélée être une histoire vivante qui raconte une défense sans fin des rivières et des montagnes. Ce sont des histoires marquées par une négociation et une confrontation constantes avec les spoliations effectuées par les régimes coloniaux et libéraux, dont la dépossession continue au XXe siècle s'est manifestée par des conflits agraires, l'invasion des entreprises d'exploitation forestière et le démantèlement des terres communales par les familles des caciques du Chiapas.
Le peuple se souvient que dans les jours de novembre 1986, l'assemblée générale des comuneros de Chimalapas a accepté de récupérer les terres qu'Ernesto Castellanos avait accaparées, s'imposant comme le patron de la plantation de café Casa Blanca. Forts de cette légitimité, ils ont encerclé la ferme le 2 décembre et arrêté furtivement le frère du gouverneur de l'époque, Absalón Castellanos, son contremaître Luis Uvando et huit autres talamontes. Les Chimas ont libéré Ernesto Castellanos, les neuf détenus et ont ainsi récupéré une partie des terres communales de la zone orientale (frontière entre Oaxaca et Chiapas).
Huit ans plus tard, en janvier 1994, les Mayas de l'EZLN ont arrêté le cacique Absalon Castellanos, ex-gouverneur et ex-commandant de la 31e zone militaire. Comme les membres de la communauté chima, les insurgés ont piégé l'éleveur du ranch San Joaquín, situé dans la communauté de Momón, municipalité de Las Margaritas. Le cacique a été jugé devant un tribunal révolutionnaire pour enrichissement illicite, accaparement illégal de terres et responsabilité présumée de plusieurs meurtres.
L'arrestation des frères Castellanos était sans aucun doute un exercice de justice agraire, et la libération des deux frères était une leçon d'éthique du peuple aux propriétaires terriens. Si la fin du 20ème siècle a démontré l'autodétermination des peuples à récupérer leurs terres, le 21ème siècle nous appelle à défendre nos territoires contre la dépossession extractiviste violente. En cette époque où la terre brûle (bi nax atzp'a), Chimalapas voit ses rivières, ses lagunes et ses eaux menacées par des projets d'exploitation minière à ciel ouvert visant à extraire de l'or et du cuivre. Il s'agit de 7 109 hectares de propriété communale concédés par le ministère de l'Économie à la société canadienne Minaurum Gold.
Depuis 2014, lorsque nous avons appris la menace minière, les femmes et les hommes de San Miguel Chimalapa ont appelé les peuples zapotèques et ikoots à défendre ensemble nos rivières, car l'impact destructeur de l'exploitation minière atteindrait les plaines du sud de l'isthme et atteindrait les lagunes de l'océan Pacifique de manière mortelle. Le risque est la pollution de l'eau. C'est pourquoi la population a décidé, lors de diverses réunions régionales, de dire "Non à la mine ! Cela a été exprimé dans les procès-verbaux des conseils municipaux et des autorités agraires.
Outre le fait que les rivières nous relient des montagnes Chimalapas aux plaines zapotèques et aux lagunes Ikoots, nous partageons aussi territorialement l'échange de nourriture : les haricots et la viande des montagnes sont appréciés dans les plaines, tandis que la variété de poissons et de crevettes en différentes versions est bien accueillie dans les Chimalapas. Le maïs, dont sont issus les totopos et les tortillas, reste la base alimentaire de la région. Par conséquent, la menace minière qui pèse sur nos rivières et nos cultures est aussi une atteinte à la vie.
En août 2020, la société minière a tenté d'obtenir des permis de la SEMARNAT pour réaliser 20 forages, soit une partie seulement de l'exploration. La nouvelle a provoqué des réactions et, dans le plein exercice de leur droit au territoire, les peuples Zoques, Zapotèques et Ikoots, comme les années précédentes, se sont rendus dans la zone de la concession pour vérifier que l'entreprise canadienne n'explorait pas illégalement, et de là, ils ont rejeté l'exploration et l'exploitation minière. Cependant, la concession est toujours en vigueur et la SEMARNAT n'a pas rendu publique sa décision sur la demande d'exploration de Minaurum Gold.
Étrangement, les médias ont annoncé l'annulation du projet alors qu'il n'a jamais été annulé, la réalité est que les fake news ont servi à couvrir le silence de la SE et de la SEMARNAT. La concession minière est toujours en vigueur et malgré cela, la conviction demeure de défendre les rivières lorsque la terre brûle.
Portrait de l'auteur : Archivo IIH-UNAM
Josefa Sánchez Contreras
Chercheuse zoologique de Chimalapas, Oaxaca. Elle est titulaire d'une maîtrise en études latino-américaines et poursuit actuellement un doctorat en études mésoaméricaines à l'Université nationale autonome du Mexique. Son travail académique et ses recherches s'inscrivent dans le cadre de la lutte et de l'organisation pour la défense du territoire face aux projets extractivistes. Elle a écrit pour Ojarasca, un supplément mensuel de La Jornada et pour la Revista de la Universidad.
traduction caro