Brésil : "Qui a fait tuer Bruno et Dom ?": des dirigeants autochtones demandent que justice soit rendue pour les décès à Javari
Publié le 17 Juin 2022
Les représentants des peuples indigènes affirment que ces meurtres ont un impact sur les luttes indigènes au-delà de l'Amazonie.
Murilo Pajolla
Traduction : Isabela Gaia
Brasil de Fato | Lábrea (Brésil) | 16 juin 2022
Un leader autochtone proteste contre le gouvernement fédéral devant le ministère de la Justice. - Evaristo Sá/AFP
Avec la fin possible des recherches de Dom Phillips et Bruno Pereira, après que la police fédérale brésilienne (PF) a localisé ce qui pourrait être leurs corps, le sentiment d'insécurité grandit parmi les leaders indigènes qui luttent pour la défense de leurs territoires, comme c'est le cas des peuples indigènes de Vale do Javari, dans l'État d'Amazonas. C'est dans cette région que l'indigéniste de la Fondation nationale de l'indien (Funai) et le journaliste britannique ont disparu le 5 juin.
"L'impact de ces décès sur nos territoires est immense", a déclaré Telma Taurepang, représentante du peuple Taurepang du Roraima. "Nos compagnons sont tués, assassinés et torturés par la cupidité de l'homme blanc contre la vie des peuples indigènes et le droit à la terre", a ajouté la coordinatrice de l'Union des femmes indigènes de l'Amazonie brésilienne (Umiab) et pré-candidate à la députation fédérale.
Selon elle, il est essentiel que les enquêtes permettent de déterminer qui a donné l'ordre et qui est impliqué dans toutes les étapes du crime. Ce n'est qu'à cette condition que le sentiment d'impunité ne contribuera pas à de nouvelles effusions de sang dans les territoires en conflit. "Il est nécessaire de sanctionner tous ceux qui pensent que la vie des peuples autochtones n'est pas importante", a-t-elle déclaré.
"Nous, les peuples autochtones, avons une bannière de lutte aujourd'hui : qui a fait tuer Bruno Pereira et Dom Phillips ? Nous devons savoir", a-t-elle déclaré. La leader a souligné : "Ils ont donné leur propre vie pour résoudre la violence subie par les peuples autochtones et nos terres".
Impact sur le mouvement indigène du Mato Grosso do Sul
Dans l'État du Mato Grosso do Sul, Alberto Terena estime que le gouvernement de Jair Bolsonaro est en partie responsable de la "cruauté" dont sont victimes les indigènes et leurs alliés. "Le gouvernement actuel encourage l'avancée de l'exploitation minière illégale sur les terres indigènes. L'exploitation territoriale et l'agrobusiness [sur ces terres] ont incité les gens à commettre ces crimes", a analysé le coordinateur du Conseil Terena et membre de la direction de l'Articulation des peuples indigènes du Brésil (Apib).
Comme Telma Taurepang, ce leader du Mato Grosso do Sul a déclaré que la priorité doit être non seulement de trouver les personnes qui ont commandité les crimes contre Bruno et Dom, mais aussi d'empêcher les factions et les criminels environnementaux de continuer à dominer la Vale do Javari. "Nous exhortons les organismes internationaux et les gouvernements à suivre de près, en faisant pression sur le gouvernement pour que ces crimes soient élucidés le plus rapidement possible."
Les différences régionales n'empêchent pas la solidarité, déclare le leader du Paraná
Plus au sud, dans l'État du Paraná, Marciano Rodrigues Guarani a assuré que l'impact des meurtres atteint les mouvements indigènes de tout le Brésil, car ces dernières années, les organisations de peuples indigènes, bien qu'éloignées dans les territoires, ont renforcé leurs liens.
"Dans les différentes régions, il y a des enjeux territoriaux et environnementaux qui sont différents de ceux de l'Amazonie. Mais cela ne nous rend pas indifférents à leur situation, bien au contraire", a réfléchi le dirigeant.
Les responsables des unités de la Funai au Paraná, par exemple, sont menacés par des criminels de l'environnement, tout comme Bruno Pereira, qui s'est mis en congé de l'organisation indigène parce qu'il n'était pas soutenu dans les actions de protection à Javari.
"Il y a des fonctionnaires qui ont dû déménager dans une autre ville. Dans l'ouest du Paraná, nous avons des cas de personnes issues de la santé indigène et de la Funai, qui sont toujours stressées, effrayées par les situations qui se présentent. Ils apparaissent rarement en public et doivent souvent demander à être transférés dans d'autres bureaux pour protéger leur famille, en raison des risques encourus", a-t-il déclaré.
Une question de respect pour les familles
Le cacique Almir Suruí, leader du peuple Suruí dans le Rondônia, a reçu plusieurs menaces de mort. Il ajoute sa voix aux appels à une enquête plus approfondie. "Si le gouvernement reste silencieux face à ceux qui tuent des écologistes, des communicateurs sociaux ou des journalistes, ils resteront impunis, et que dire des autres [défenseurs des territoires indigènes] qui sont menacés ?".
Suruí estime que clarifier définitivement ce qui est arrivé à Dom Phillips et Bruno Pereira est aussi une question de respect pour les familles des victimes. "Donc, notre plus grande solidarité avec ces familles, et nous devons aussi chercher ceux qui ont ordonné leur assassinat, ceux qui les ont tués, même pour protéger d'autres militants et dirigeants qui sont menacés en Amazonie", a-t-il conclu.
La police fédérale a déclaré avoir trouvé les corps qui pourraient appartenir au journaliste britannique Dom Phillips et à l'indigéniste de la Funai Bruno Pereira le mercredi 15, dix jours après que les deux personnes aient disparu alors qu'elles naviguaient sur le rio Itaquaí, près de la terre indigène Vale do Javari, dans l'ouest de l'Amazonas.
Selon la police, les corps ont été enterrés au milieu de la jungle, dans la région d'Atalaia do Norte. Le lieu a été indiqué par deux pêcheurs arrêtés pour leur participation présumée au crime, les frères Amarildo da Costa Oliveira, dit "Pelado", et Oseney da Costa de Oliveira, dit "Dos Santos", arrêtés mardi 14 par la task force chargée de l'enquête.
Montage : Vivian Virissimo
traduction caro d'un article de Brasil de fato du 16/06/2022
"¿Quién mandó matar a Bruno y Dom?": Líderes indígenas piden justicia por las muertes en Javari
Con el posible fin de la búsqueda por Dom Phillips y Bruno Pereira, luego de que la Policía Federal (PF) brasileña localizara lo que podrían ser sus cuerpos, crece el sentimiento de inseguridad...