Fédération de Russie : Le peuple Yakoute
Publié le 9 Mai 2022
By Aleksandr Ivanov - Flickr: Сардана Сыромятникова Мисс Якутия, CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=24157087
Peuple autochtone turcophone de la fédération de Russie vivant en grande partie dans la république de Sakha (ou Yakoutie) qui se trouve au nord-est de la Sibérie.
Autodésignation : sakha
Leurs ancêtres, quand ils migrèrent dans le territoire de la Yakoutie apportèrent avec eux la culture des steppes et adoptèrent leur savoir-faire à de nouveaux usages.
Langue : yakoute(iakoute) branche septentrionale des langues turques sibériennes. 456.000 locuteurs surtout dans la république de Sakha.
Le nom en yakoute : саха, sakha; pluriel : сахалар, sakhalar
Population
- Fédération de Russie : 478.085 personnes (2010)
- Etats-Unis : 10.000 personnes (2010)
- Canada : 8000 personnes (2010)
- Ukraine : 304 personnes (2001)
- Kazaksthan : 119 personnes (2009)
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Histoire
Avant l’arrivée des russes, les Yakoutes occupaient la région de la république de Sakha actuelle. Ils vivaient dans la région du lac Baïkal dont ils auraient peut-être été chassés par les Bouriates. Ils s’installent au XVe siècle sur le cours moyen de la Léna et dans les bassins de l’Aldan et de la Villouï en refoulant vers les montagnes et les confins nordiques les Evènes et les Evenks qui occupaient ces territoires. Les Yakoutes étaient divisés en deux sous-groupes distingués par leur implantation et leur mode de vie, les Yakoutes du nord et les Yakoutes du sud. Les Yakoutes du nord étaient des chasseurs semi-nomades, pêcheurs, éleveurs de yacks et de rennes (aujourd’hui ce mode de vie a pratiquement disparu).
Les Yakoutes du sud vivaient de l’élevage de chevaux, de bétail, ils se sont adaptés avec succès au pays des glaces. Ils survivent de nos jours.
Les deux groupes vivaient dans des yourtes et menaient une vie semi-nomade se déplaçant chaque année selon la saison.
La tradition orale consignée par les souabes allemands rapporte qu’un simple trappeur du nom de Piando, en quête de gloire a été le premier explorateur russe à pénétrer sur le territoire de la Yakoutie.
By Somogotto - Own work, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=42664727
- En 1552/1556 : conquête des khanats mongols de Kazan et d’Astrakhan par Ivan le terrible.
- 1586 : conquête du khanat de Sibérie sur les rives de l’Ob par Ivan le terrible. Ouverture du territoire aux explorateurs et aux trappeurs russes.
- Des tribus clairsemées peuplaient ce territoire (environ 100.000 personnes dont 2/3 de Yakoutes), ces tribus n’ont pas les moyens de s’opposer aux aventuriers russes. En 50 ans, la conquête de la Sibérie est achevée.
- 1632 : l’explorateur Piotr Békétov part avec des cosaques de Iénisseï à la conquête et l’annexion de la Sibérie. Il fonde l’ostrog de Iakoutsk sur la rive droite de la Lena. Au cours des années suivante, les tribus Yakoutes entrent régulièrement en rébellion et assiègent à plusieurs reprises l’ostrog.
- 1638 : installation d’un voïvode à Iakoutsk pour administrer la région.
- 1638 : exploration de l’ataman cosaque Dimitri Kopylov qui est guidé par un toungouse, il explore principalement l’affluent droit de la Lena, l’Aldan. C’est la première rencontre des russes avec les Evens qui peuplent le nord-est de la Russie.
- Entre 1640 et 1643 : le cosaque Simon Dejnev, célèbre pour sa découverte du détroit de Béring, explore par voie fluviale le nord-est de la Russie. Il reconnaît plusieurs cours d’eau, sur le Lakolyma les russes affrontent les Youkaghirs.
Yakoutes en 1862 Par Pauly, T. — Pauly, T. de. Description ethnographique des peuples de la Russie. St.Petersburg, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=5529939
- Début du XVIIIe siècle : les russes font de la Yakoutie une plaque tournante du commerce international en se basant sur les chefs de clans yakoutes pour organiser l’échange entre la Chine et l’Europe. Les Yakoutes se chargent de ses échanges terrestres en tant que bons cavaliers, faisant des voyages durant parfois plusieurs mois. Ils s’enrichissent de cette position stratégique.
- La découverte d’or puis plus tard la construction du Transsibérien amène dans la région un nombre de russes toujours croissant qui font circuler des maladies au sein du peuple Yakoute (variole, coqueluche, tuberculose...)
- Avant les années 1820 presque tous les yakoutes sont convertis à l’église orthodoxe russe même s’ils conservent certains pratiques chamaniques.
- 27 avril 1922 : proclamation de la république socialiste soviétique autonome de Iakoutsk sur l’ancien oblast de Iakoutsk.
- 1928 : c’est le début de la collectivisation sous Staline, ce qui cause des milliers de morts. La société Yakoute ne peut se rétablir qu’à partir des années 1960.
- 15 août 1991 : proclamation de la république Yakoute indépendante par le soviet suprême de Iakoutsk mais celle-ci ne se réalise pas car les russes l’emportent nettement en nombre sur les Yakoutes.
- 2005 : l’épopée yakoute est inscrite sur la liste du patrimoine culturel et immatériel de l’Unesco.
By A. L. (loading) - Own work, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=51551158
Origines
De nombreux chercheurs ont conclu que l’ethnogenèse yakoute était un mélange de turco-mongols migrant du lac Baïkal et des peuples indigènes comme les Youkaghirs, les Toungouses qui vivaient autour du fleuve Lena.
Le couteau yakoute
Par Cholbon — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=48037889
Ce couteau traditionnel était utilisé pour travailler avec du bois, du cuir ou des peaux, pour découper le poisson, la viande ou pour le combat. On s’en sert de nos jours sans changement depuis des centaines d’années. La lame mesure 10 à 18 cm de long et 2,5 à 3,8 cm de large, elle est asymétrique, un côté est plus plein, avec une rainure, l’autre côté a un bord arrondi. Cette lame est traditionnellement forgée à partir de minerai de fer d’origine locale, fondue par un forgeron yakoute. Le manche est fabriqué à partir de loupe de bouleau, il s’adapte bien à la main et peut-être utilisé sans gants.
Auguste Wahlen (1785-1850) - Auguste Wahlen, Moeurs, usages et costumes de tous les peuples du monde, Volume 1, Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=12056152
By Jacques Grasset de Saint-Sauveur (France, 1757-1810), Labrousse (France, Bordeaux, active late 18th century) - Image: http://collections.lacma.org/sites/default/files/remote_images/piction/ma-31861874-O3.jpgGallery: http://collections.lacma.org/node/208434 archive copy, Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=27288409
La cuisine sakha
By Unknown author - http://frontiers.loc.gov/cgi-bin/query/r?intldl/mtfront:@OR(@field(NUMBER+@band(mtfxph+eph0005_01001))), Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=5832915
Cette cuisine regroupe les techniques de cuisson coutumières et traditionnelles, les arts culinaires yakoutes. Elle est influencée par le climat nordique et le mode de vie pastoral traditionnel du peuple ainsi que par la cuisine russe. Elle est composée le plus souvent de produits laitiers, de viande, de poisson et de produits fourragers.
stroganina By Cholbon - Own work, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=47932252
Un des plats sakha les plus connus est la stroganina, de fines tranches de poisson cru congelé et assaisonné avec un mélange épicé.
Un autre plat de poisson populaires est l’indigirka,des cubes de poisson surgelés assaisonnés d’oignons, de sel et de poivre.
Le lait est utilisé comme boisson, pour faire du lait caillé et du yaourt épais, le suorat.
Un plat populaire est le khaan, une sorte de boudin à base de sang et d’intestins de cheval ou de bœuf.
Le kumis et la vodka sont largement bus chez les Yakoutes.
Le dessert nommé kierchek est un plat sucré, à base de crème et de baies.
kierchek By Matyáš Havel - Own work, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=17716076
Les produits laitiers constituent la base alimentaire des Yakoutes.
La viande était préparée bouillie, sans sel. C’était un luxe réservé aux festins. Ils ne tuaient que les animaux malades, les autres étaient consommés cérémonieusement.
L’aubier de pin broyé, puis mélangé avec du lait servait à faire une sorte de farine.
Les oignons sauvages, les baies, l’ail sauvage, le lys et des racines étaient récoltés par les femmes.
La colonisation russe leur a apporté le pain, le sucre, le thé, la vodka et les céréales cultivées.
A la saison hivernale, ils consomment des produits dits noirs ou khara as (viandes).
A la saison estivale ils préfèrent consommer des produits laitiers dits produits blancs, urung as.
La conservation selon les endroits où ils vivent se fait différemment : à la campagne il y a deux lieux, l’un est sous la cuisine où l’on accède par une trappe et l’autre, à l’extérieur (bulus).
Cosmovision
Aïsyt (ajyyhyt)
C’est la divinité de la fertilité yakoute de la rivière Lena en Sibérie. Son nom signifie donneuse de naissance, mère des berceaux. Elle apporte l’âme du ciel lors d’une naissance d’un bébé et enregistre chacun dans le livre d’or du destin. Elle contrôle le destin du monde, du haut d’une montagne, dans une maison à 7 étages.
La république de Sakha
Par Шошина Анжелика — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=40014946
drapeau de la république de Yakoutie By Людмила Слепцова, Михаил Старостин, Пётр Захаров - Own work, Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=510599
Nom russe Респу́блика Саха́ (Яку́тия), Respoublika Sakha (Iakoutiïa)
Nom iakoute Саха Өрөспүүбүлүкэтэ, Sakha Öröspüübülükete, /saˈxa øɾøsˈpyːbylykete/
Autre nom : Yakoutie/Iakoutie
C’est un sujet fédéral de la fédération de Russie située dans le nord-est de la Sibérie, dans la région de l’Extrême-Orient.
Elle est créée le 27 avril 1922
Capitale : Iakoutsk
iakoutsk By LxAndrew - Own work, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=40823655
Superficie : plus de 3 millions de km2, c’est le 5e se l’ensemble du territoire russe.
Climat : il est très froid (température moyenne -40° en janvier)
La république éloignée des grands centres de peuplement a donc vu son développement limité.
Population : 959.688 habitants (2016), ils vivent dans quelques centre urbains.
Jusqu’en 1930, la Yakoutie était peuplée uniquement d’indigènes en majorité yakoutes, qui étaient des éleveurs. Avec l’exploitation des mines d’or, puis de diamants, de charbon, arrive de nombreux travailleurs russes attirés par des salaires élevés. La région est plutôt montagneuse, drainée par plusieurs fleuves qui se jettent dans l’océan arctique. La Léna avec un bassin versant de 2.490.000 km2 est le 7e fleuve de la planète, c’est le principal axe de circulation de la région. C’est par elle que transitent l’essentiel des marchandises.
En plus des yakoutes qui étaient ceux qui peuplaient en majorité la région à l’arrivée de la colonisation russe (49%), il y a aussi les Dolganes (1,4%), les Evenks (2,2%), les Evènes (1,6%), les Youkaghirs (0 ;1%). Les russes représentent 37,8% de la population de la république de Sakha , les ukrainiens 2,2%, les Tatars 0,9%.
L’économie repose sur les richesses du sous-sol : industrie 58% du PIB, 98% des diamants bruts, 24% des diamants taillés, 15% de l’or, 40% de l’étain ; 100% de l’antimoine russe.
By A. L. (loading) - Own work, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=51552090
Yssyakh
C’est une grande célébration traditionnelle Yakoute qui a lieu le 21 juin, le jour du solstice d’été. Le but de cette cérémonie est de purifier les esprits, d’apaiser les âmes et de charger les corps d’énergie afin de faire face aux mois de froid. Un chaman blanc ouvre les festivités avec la cérémonie ancestrale du feu, des chants et des danses. Aux premiers rayons du soleil, des milliers de personnes tendent leurs mains vers le soleil dans un silence impressionnant, leurs visages sont levés et leurs yeux fermés. Ceci permet de faire revivre la tradition, de préserver l’identité et d’entretenir le sentiment d’appartenance et d’adhésion.
By Tenebroid - Own work, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=100572848
Le cheval
poneys yakoutes en été Par UnarovMV — Travail personnel, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3089664
Les yakoutes, cousins des peuples cavaliers turco-mongols d’Asie centrale, affirment leur appartenance à cet ensemble en mettant en avant leur originalité. Le cheval est conçu davantage come un animal de la forêt que comme un bétail. Ils l’élèvent tout en préservant le caractère sauvage de l’animal lui permettant de conserver une place entre l’animal domestique et la bête sauvage.
By Wacław Sierowszewski - https://polona.pl/item/12-lat-w-kraju-jakutow,MjcyNjk0OTY/144/#item, Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=108178007
Ainsi, les chevaux sont un don de Dööogöj Ajvy Tojon, auquel il est d'usage de faire des offrandes. Lors de ses recherches ethnographiques, W. Sieroszewski constate que le cheval est le seul animal auquel les sibériens attribuent une âme (kut). Ils lui accordent une place de choix dans l'Art et les effigies, en ville comme dans les campagnes, bien qu'il se soit raréfié dans la vie quotidienne
Dans un système de pensée articulé entre le chamanisme cynégétique et pastoral, l’étalon, chef de harde, au tempérament fougueux et indépendant est un moyen de transport et un double symbolique du chamane lors des rituels.
L’exemple yakoute démontre l’importance de la figure du cheval dans le système de pensée d’un peuple chasseur et éleveur de Sibérie.
Le cheval yakoute est une race autochtone de poney assez commune et très rustique, reconnue depuis 1987 par l’URSS. C’est la race la plus septentrionale de chevaux. C’est un cheval petit, solide, peu domestiqué, qui supporte la très forte amplitude thermique de sa région en accumulant de la graisse en automne. Il est élevé pour l’hippophagie et tient une grande place dans la vie, l’économie, la spiritualité des sibériens. Les Yakoutes l’élèvent pour le transport, comme aliment, pour le cuir, la fourrure, les crins. Cet animal n’est pas exigeant en soin, il fournit énormément en matières premières et en force de travail. Ils vivent à l’extérieur toute l’année, en semi-liberté. Sans recevoir de soins particuliers, sans écurie. C’est un élevage très rentable.
Poneys yakoutes en hiver Par Унаров Максим Владимирович — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=31214414
Lait de jument et kumiz
Lait fermenté de jument dans un sac en cuir, pour obtenir l'aïrag. Par Taylor Weidman/The Vanishing Cultures Project — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=24638024
Les chevaux yakoutes comptent pour 10% du cheptel russe total en 20006.
Le lait de jument est également consommé mais en étant fermenté sous forme de kumiz. Une croyance veut que boire ce lait frais provoque des nausées. Le kumiz a une fabrication très ancienne chez les peuples turco-mongols. Il sert à la consommation domestique mais il est d’usage d’en offrir aux amis de passage.
Cet aliment a de nombreuses qualités, c’est une boisson nutritive, facile à digérer, efficace dans le traitement de certaines maladies, il a un rôle essentiel comme boisson symbolique dans la vie quotidienne des éleveurs, lors des célébrations sociales, comme consommation rituelle et lors des offrandes.
Le procédé est déclaré patrimoine culturel et immatériel par l’Unesco sous le titre Le procédé traditionnel de préparation de l’aïrag dans un khokhuur et les coutumes associées. source
Musique
Le peuple Yakoute est connu pour ses olonkho, des poèmes épiques chantés a cappella. Le toyuk est un chant d’éloge improvisant à partir de ressenti du chanteur, l’udagan kurduk est une vibration de la voix aux effets magiques, le kylissah et le kylihat sont des techniques employées pour raconter l’olonkho qui relate les luttes yakoutes contre des créatures malveillantes.
L'olonkho, épopée héroïque iakoute, classée au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco
guerrier de l'olonkho Par Aleksandr Ivanov — Flickr: Олонхо, CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=24157333
Instruments de musique
La guimbarde
Cet instrument se retrouve dans de nombreux peuples autochtones. Le khomous permettait aux yakoutes de communiquer dans tous les domaines de leur vie. C’était aussi un instrument utilisé par les chamanes qui ont développé une thérapie basée sur cet instrument la khomous-thérapie, une nouvelle forme de soin. La guimbarde en effet est utile pour maîtriser sa respiration tout comme on le fait lors de séances de yoga ou de méditation. Quand quelqu’un joue de la guimbarde, il exerce sa respiration ce qui est bénéfique pour son esprit.
Une lecture en ligne en français
La bénédiction du grand mélèze, conte Yakoute de Patrick Fishmann sur fb.be
source : wikipedia en français et en anglais