Pérou : Rejet d'un arrêt du Tribunal Constitutionnel ordonnant la libération d'Alberto Fujimori

Publié le 21 Mars 2022

Les organisations de défense des droits de l'homme, les victimes du régime Fujimori et les avocats rejettent la décision du TC ordonnant la libération de Fujimori.

Les organisations de défense des droits de l'homme et les victimes du régime Fujimori au Pérou ont rejeté la récente décision du Tribunal  constitutionnel (TC) ordonnant la libération de l'ancien président Alberto Fujimori.

La décision du Tribunal constitutionnel, qui est favorable à l'homme condamné à 25 ans de prison pour crimes contre l'humanité, a été adoptée avec les voix des juges Ernesto Blume, José Luis Sardón et Augusto Ferrero.  

Les avocats experts en la matière affirment que la sentence est contraire aux droits fondamentaux des victimes et devra désormais être examinée par la Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIDH).

Décision de la Cour

L'arrêt du TC qui permet la libération de Fujimori déclare fondé un habeas corpus déposé contre la sentence qui annulait la grâce humanitaire qui lui avait été accordée en décembre 2017.

On se souvient que cette grâce avait été accordée par l'ancien président Pedro Pablo Kuczysnki dans la nuit du 24 décembre afin de se sauver de la vacance du Congrès.

Toutefois, celle-ci a été annulée par la Cour suprême en octobre 2018, lorsqu'elle a jugé que la grâce ne pouvait être accordée aux prisonniers condamnés pour des crimes contre l'humanité.

C'est le cas de Fujimori, puisque les massacres de Barrios Altos et de La Cantuta, dont il a été reconnu comme l'auteur par procuration, ont été résolus par la Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIDH).

La grâce a également été annulée parce que le juge de la Cour suprême Hugo Nuñez a constaté certaines irrégularités dans le processus qui a finalement permis de l'accorder à Alberto Fujimori.

Face à cette annulation, l'avocat Gregorio Parco Alarcón a présenté la requête d'habeas corpus qui vient d'être déclarée fondée par le TC, permettant ainsi la libération de Fujimori.

Les votes favorables sont ceux des juges Ernesto Blume, José Luis Sardón et Augusto Ferrero (qui en vaut deux puisqu'il est président), tandis que Eloy Espinosa-Saldaña, Marianella Ledesma et Manuel Mirada ont voté contre.

Il est à noter que le vote de l'habeas corpus en faveur de la libération de Fujimori a été ajouté à l'ordre du jour du lendemain, mercredi après-midi, alors qu'il n'était pas prévu initialement.

Le magistrat du TC Eloy Espinosa-Saldaña a confirmé cette information, déclarant que le recours juridique est apparu à l'ordre du jour dans la nuit et avec un manque d'informations pour pouvoir le résoudre.

Par coïncidence, cette précipitation est intervenue après que les organisations de défense des victimes de La Cantuta et de Barrios Altos ont demandé à la Cour de la CIDH des mesures visant à garantir leur accès à la justice, notamment une résolution visant à annuler la libération de Fujimori.


Une décision remise en question

La décision du TC a déjà été remise en question, à commencer par les organisations de défense des droits de l'homme et les victimes du régime Fujimori qui rejettent la libération de Fujimori.

Amnesty International Pérou a adopté cette position, estimant qu'avec sa récente décision, le TC "a tourné le dos aux victimes et à leurs familles" qui réclament justice depuis des années.

Le Centre pour la justice et le droit international (CEJIL) a également publié une déclaration, avec d'autres organisations de défense des droits de l'homme, rejetant la libération de Fujimori.

Parmi eux figurent la Coordination nationale des droits de l'homme (CNDDHH), l'Institut de défense juridique (IDL) et l'Association pour les droits de l'homme (APRODEH).

Le même rejet a été exprimé par l'Association nationale des femmes touchées par les stérilisations forcées (AMPAEF), qui a jugé la grâce "illégale" et signe d'une "impunité totale".

Des avocats de renom liés à la défense des droits de l'homme ont également remis en question la sentence du TC, comme c'est le cas de Carlos Rivera Paz, de l'IDL.

"Le TC vient de libérer le condamné Fujimori. C'est une sentence contraire aux droits fondamentaux des victimes et aux principes de la justice et du droit international", a-t-il déclaré.

Ronald Gamarra a fait de même, estimant que "la décision du TC de valider la grâce d'Alberto Fujimori est définitivement contraire aux obligations internationales de l'Etat péruvien".

Tous deux ont convenu que la sentence devra désormais être réexaminée par la Cour de la CIDH, afin de contrôler le respect de son jugement dans l'affaire Barrios Altos. Les victimes l'ont déjà demandé.

Parmi les personnalités politiques qui se sont également exprimées sur la décision du TC de libérer Fujimori figurent le président Pedro Castillo et son premier ministre, Aníbal Torres.

Castillo a estimé que "les organes de la justice internationale auxquels le Pérou est attaché et l'État de droit doivent garantir l'exercice effectif de la justice pour le peuple".

Torres a été plus catégorique en soulignant que la sentence "viole les droits de l'homme de tous les Péruviens" et démontre qu'au Pérou "les criminels ont la justice".

Bien que les autorités n'aient pas encore annoncé si elles allaient prendre des mesures à cet égard, des appels ont déjà été lancés sur les réseaux sociaux pour protester contre la libération de Fujimori.

traduction caro d'un article paru sur Servindi.org le 17/03/2022

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Pérou, #Justice, #Droits humains, #Crimes contre l'humanité

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