Brésil : Les peuples indigènes se mobilisent contre le PL 191 dans une alliance anti-garimpo sans précédent en Amazonie

Publié le 31 Mars 2022

Lundi 28 mars 2022


image De gauche à droite, Maial Kayapó, Davi Kopenawa et Alessandra Munduruku à Brasilia.

Par Maria Fernanda Ribeiro

Les peuples Kayapó, Munduruku et Yanomami sont unis dans une alliance sans précédent pour protéger leurs territoires de l'exploitation minière illégale et se mobilisent pour stopper le projet de loi 191/2020, qui vise à réglementer l'exploitation minière sur leurs territoires.

Ensemble, les dirigeants définissent des actions et des stratégies et luttent contre les destructions causées par l'invasion des activités illégales, qui détruisent la forêt amazonienne, empoisonnent les rivières, créent des conflits et menacent la vie des générations futures.

L'Alliance pour la défense des territoires a été officiellement créée en décembre 2021, lors d'un événement à Brasília (DF) qui a rassemblé 25 dirigeants des trois peuples. Avant même que le PL 191 ne soit soumis à un vote d'urgence, la réunion avait déjà mis en garde contre la situation dramatique et urgente de l'Amazonie, qui concentre actuellement 93,7 % de l'activité minière sur le territoire brésilien, selon une enquête de MapBiomas.

Sur les seules terres indigènes, la superficie occupée par l'exploitation minière a augmenté de 495 % entre 2010 et 2020. Les territoires Kayapó (Para), Munduruku (Para) et Yanomami (Roraima) sont respectivement les plus touchés par l'exploitation aurifère illégale. Avec l'adoption du projet de loi, que l'on appelle déjà le projet de la mort, l'alliance gagne en force avec l'union des chefs indigènes qui disent non à l'exploitation minière.

Sur la terre indigène Yanomami, l'exploitation minière est un vieux cauchemar. Au cours de l'histoire, plus de 3 000 hectares de forêt ont été défrichés, dont près de 1 000 hectares pour la seule année 2021. Actuellement, les Yanomami sont confrontés à leur deuxième grande ruée vers l'or depuis les années 1980, avec 20 000 mineurs illégaux sur leur territoire.

"Nous luttons contre l'exploitation aurifère depuis 38 ans et je suis très heureux de cette alliance pour protéger nos territoires", a déclaré le leader et chaman Davi Kopenawa Yanomami.

Pour Maial Paiakan Kayapó, l'Alliance pour la défense des territoires est synonyme de résistance et d'existence. "Nous traversons une période où ils veulent approuver à tout prix l'ouverture des terres indigènes à l'exploitation minière et à d'autres activités qui détruiront totalement nos territoires. Il y a maintenant trois peuples indigènes pour lutter ensemble, pour une seule défense, pour la défense de nos droits originels. Notre union en tant que peuples des forêts est importante pour gagner cette guerre."

Bien que vivant des situations similaires sur leurs territoires, ces peuples n'avaient jamais agi ensemble. La graine de l'alliance a été plantée en août 2021, lors du camp Luta pela vida qui s'est tenu à Brasilia. Ce pacte historique y a été signé contre l'avancée de l'exploitation minière illégale, les projets de loi qui menacent les terres indigènes avec l'exploitation minière, les barrages hydroélectriques et divers autres projets de mort.

Une lettre-manifeste a été signée au nom des organisations Hutukara Associação Yanomami, Instituto Raoni, Instituto Kabu, Associação Bebô Xikrin do Bacajá (ABEX), Associação Floresta Protegida (AFP), Associação das Mulheres Munduruku Wakoborũn, Associação Indígena Pariri do Médio Tapajós, Hwenama Associação dos Povos Yanomami de Roraima, (HAPYR) et Associação Wanasseduume Ye'kwana (Seduume). Dans ce document, ils dénoncent le fait que l'exploitation minière est une maladie apportée par les Blancs dans leurs territoires.

"Mon peuple est fatigué de faire tant de dénonciations. Le PL 191 est un projet de mort et nous sommes menacés parce que ce sont toujours les mêmes visages qui parlent, mais lorsque nous nous unissons, cela peut changer. Nous devons faire quelque chose pour que ce gouvernement cesse de nous tuer, de violer nos corps et nos esprits, qui crient au secours", a déclaré Alessandra Korap, leader indigène du peuple Munduruku et victime constante de menaces de mort.

Déforestation et contamination

Une étude de l'Université fédérale du Minas Gerais (UFMG) rapporte que rien qu'en 2019 et 2020, les mines illégales ont été responsables de la déforestation de 2 137 hectares dans la TI Kayapó et de 1 925 hectares dans la TI Munduruku.

En outre, 13 235 km² de forêt amazonienne ont disparu entre août 2020 et juillet 2021, dans la plus grande déforestation enregistrée depuis 15 ans par le rapport annuel du Projet de suivi de la déforestation en Amazonie légale par satellite (Prodes), considéré comme le système le plus précis pour mesurer les taux annuels.

Selon Prodes, le plus touché des neuf États qui composent l'Amazonie légale est le Pará, un État qui, rien que pour cette dernière période, a vu sa superficie déboisée de 5 257 kilomètres carrés. C'est dans le Pará que se trouvent les territoires Kayapó et Munduruku.

Le suivi sans précédent effectué par Greenpeace Brésil a montré que l'exploitation minière illégale a détruit 632 kilomètres de rivières dans les terres indigènes Munduruku et Sai Cinza dans le Pará. Au cours des cinq dernières années, on a constaté une augmentation de 2 278 % de l'extension des rivières détruites dans ces territoires.

Megaron Txucarramãe, du peuple Kayapó, affirme que tous ceux qui ont vu l'activité minière de près savent que le "mineur apporte à la terre indigène la destruction de la terre, de la forêt et des rivières." En outre, les dirigeants ont rappelé les impacts parmi les populations autochtones, touchées par les maladies, la prostitution et les conflits.

La violence et la mort

Dans un article intitulé "Les compagnies aurifères s'enrichissent, les indigènes souffrent", publié dans le journal Le Monde Diplomatique, le 3 novembre 2021, les auteurs Luisa Molina et Rodrigo Magalhães de Oliveira, rappellent les histoires tragiques que l'exploitation minière a provoquées chez les Yanomami et qui ont fait l'actualité en 2021.

Le 12 octobre 2021, dans le territoire indigène des Yanomami, deux enfants indigènes qui jouaient dans une rivière se sont noyés parce qu'une drague minière opérait illégalement à proximité. Le corps de l'un d'entre eux, emporté par le courant, n'a été retrouvé que deux jours plus tard.

Cinq mois plus tôt, deux autres enfants sont morts de la même manière après une attaque de mineurs dans leur communauté. En juillet, la victime de l'exploitation minière illégale était un jeune indigène de 25 ans qui a été écrasé par un avion transportant des mineurs.

L'exploitation minière a également été responsable de la propagation d'épidémies qui, il y a trente ans, ont tué environ 1 500 Yanomami et d'un massacre qui a donné lieu à la seule condamnation pour crime de génocide au Brésil à ce jour.

Et ce n'est pas seulement la forêt qui est dévastée. Des recherches récentes ont détecté des niveaux alarmants de mercure dans le sang des Munduruku et des Yanomami. Chez les Munduruku de Médio Tapajós (municipalité d'Itaituba), neuf indigènes sur dix présentaient des niveaux de ce métal supérieurs à la limite de sécurité établie par l'OMS (Organisation mondiale de la santé).

Chez les Yanomami, la situation est également effrayante. Selon les recherches menées par Fiocruz, en 2014, dans les villages les plus impactés par l'exploitation minière, 92% de la population présentait des taux élevés de ce métal dans le sang. Une contamination élevée peut générer de graves séquelles neurologiques, immunologiques, digestives et autres.

La prolifération du paludisme est également une caractéristique des zones à forte activité minière ; on y creuse des bassins d'eau stagnante qui constituent un environnement idéal pour la reproduction du moustique qui transmet la maladie (anophèle).

Tout au long de l'année 2021, des nouvelles choquantes sont arrivées de la TI  Yanomami d'enfants atteints de malaria et de malnutrition ; certains sont morts sans soins de santé adéquats. Dans les territoires Munduruku, la situation est tout aussi préoccupante : de 2018 à 2020, les notifications d'infection palustre ont bondi de 645 à 3 264.

Traduction caro d'un article paru sur le site de l'ISA le 28/03/2022

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