Mexique : Tzam trece semillas : La communauté indigène et la liberté d'être, de désirer et d'aimer

Publié le 6 Janvier 2022

Image : Archives personnelles

Par Daniela Esmeralda Vázquez Matías

Lorsque nous parlons de la liberté des communautés indigènes, nous faisons généralement référence à l'autodétermination, à l'autonomie, mais dans ce texte, je voudrais parler de la liberté qui a trait aux personnes qui composent ces communautés, en particulier de la liberté dont jouissent ou non les personnes appartenant à la diversité sexuelle.

La plupart des communautés indigènes, sous l'influence de la religion catholique, ont reconfiguré les traditions ancestrales ; à travers le colonialisme, les festivités préhispaniques ont été forcées de coïncider avec les festivités religieuses catholiques. À Acatlán, Guerrero, mon lieu d'origine, les rituels de demande de pluie sont maintenant célébrés le jour de la Sainte-Croix, la célébration du Xilonen s'appelle maintenant Xilocruz, et ainsi les communautés sont devenues convaincues que ces festivités religieuses font partie de leur tradition originale.

L'influence du catholicisme ne s'est pas seulement reflétée dans cet aspect, mais aussi dans la délimitation des croyances, attitudes et valeurs autour de la sexualité, c'est-à-dire quels désirs sont valables et légitimés et lesquels ne le sont pas, quels corps sont valorisés, quelles pratiques sexuelles sont considérées comme faisant partie ou non de ce qui est accepté, donnant ainsi naissance à l'hétéronormativité, qui forme un régime politique où les relations entre hommes et femmes sont légitimées par la loi, les coutumes et la religion. Encore une fois, de nombreuses communautés ont adopté ce régime comme si c'était le leur, comme s'il avait toujours été ainsi, même si des expériences historiques démontrent le contraire.

Dans l'Acatlán Náhuatl, il n'existe aucun mot pour désigner les personnes homosexuelles ou les femmes lesbiennes, et encore moins les personnes trans. Dans la vie quotidienne, les hommes qui ont un comportement associé à la féminité sont appelés tehzohuan (bien qu'il faille peut-être dire tehcihuan, en référence à cihuatl, femme), ce qui se traduit par "efféminé", et les femmes masculines sont appelées tehtlaka, ce qui signifie "machorra". Lorsque des garçons ou des filles, des hommes ou des femmes ont un comportement atypique, ce sont les mots avec lesquels ils sont punis, avec lesquels ils sont étiquetés. Notons que ces étiquettes ne font que décrire l'expression du genre des personnes dans un système qui a établi des rôles associés aux hommes et aux femmes. Nous ne parlons même pas des désirs sexuels homosexuels ou des pratiques sexuelles entre hommes ou entre femmes.

Cependant, un grand silence entoure les pratiques sexuelles qui sortent de la norme hétérosexuelle ; si elles existent, elles ne sont pas nommées, auquel s'ajoute le fait que les personnes qui s'adonnent à ces pratiques ne revendiquent pas nécessairement leur identité ; ainsi, on ne connaît pas de personnes qui s'assument comme homosexuelles ou lesbiennes. En ce qui concerne le silence, on peut dire que c'est un signe du peu de liberté qui existe dans ce lieu, un signe d'oppression pour faire taire les désirs et les envoyer sous terre.

En ce qui concerne l'appropriation d'identités politiques telles que "homosexuel", "gay", "lesbienne" ou "trans", on pourrait peut-être penser en premier lieu qu'elle est due à la méconnaissance de ces identités par les personnes de ma communauté. L'absence d'éducation sexuelle (et pas seulement) dans les communautés indigènes conduit à la perpétuation de l'idée qu'il n'existe qu'une seule façon d'exprimer ses désirs, ses affections et sa sexualité : l'hétérosexualité. L'influence de la religion sur les relations sexuelles conduit également à l'idée que tout ce qui n'est pas hétérosexuel est péché, mauvais, quelque chose dont il faut avoir honte.

Toutefois, il ne faut pas oublier que notre Constitution interdit, à l'article 1er, toute discrimination fondée sur les "préférences sexuelles", que je mets entre guillemets parce que le droit international public fait référence à l'orientation sexuelle, et non aux préférences sexuelles. De même, dans la Convention interaméricaine contre toutes les formes de discrimination et d'intolérance, promulguée au Mexique le 20 février 2020 au Journal officiel de la Fédération par le pouvoir exécutif, l'identité et l'expression de genre sont ajoutées comme des aspects qui ne doivent pas être discriminés.

Dans notre pays, seuls six États n'ont pas encore reconnu le mariage homosexuel (Durango, État de Mexico, Guerrero, Tabasco, Tamaulipas et Veracruz), tandis que la reconnaissance de l'identité de genre des personnes transgenres a désormais atteint près de la moitié des États. Cela signifie que dans des États comme Oaxaca ou Nayarit, si deux hommes ou femmes autochtones décident de se marier, ils peuvent le faire devant le registre civil ; à Hidalgo, une personne autochtone transgenre qui était enregistrée sous le nom de Juan Pérez avec un sexe masculin peut désormais se rendre au registre civil et demander un nouveau certificat pour changer le nom et le sexe d'homme en femme. En d'autres termes, les normes juridiques ont fait un pas en avant, il faut maintenant que les communautés et les populations autochtones sachent que lorsque nous parlons d'orientation sexuelle ou de "préférences sexuelles", nous faisons référence à un large éventail de possibilités d'être, d'expérimenter, de jouir et d'être libre, qu'être un homme n'est pas ancré dans le désir d'une femme, ou qu'être une femme n'implique pas une hétérosexualité obligatoire, même au prix de la violence qui l'accompagne. Il est essentiel de savoir que les organes génitaux à la naissance ne déterminent pas un destin de telle ou telle façon, que quelqu'un qui a été enregistré comme un garçon peut devenir une femme ou vice versa.

"Pas de liberté politique sans liberté sexuelle" était l'un des slogans utilisés il y a plusieurs années par ceux qui ont lancé le mouvement de libération de la diversité sexuelle, un slogan qui est toujours valable et qui peut s'appliquer à n'importe quelle société, y compris les communautés indigènes. Il ne peut y avoir de liberté là où les gens sont discriminés sur la base de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur expression de genre, il ne peut y avoir de liberté dans une communauté si, sur la base des coutumes et des traditions, les homosexuels, les lesbiennes, les efféminés, les machorras ou les trans sont violés, même en violation des normes constitutionnelles de notre pays. Outre la défense de la terre, de la langue et des traditions, les communautés autochtones doivent également parler du territoire qu'est le corps, de leurs désirs, de leurs multiples possibilités, afin de reconnaître les diverses options d'être et d'exister, pour qu'un jour nous puissions tous être libres et égaux.

 

PEUPLE NAHUA

Daniela Esmeralda Vázquez Matías

"Mon nom est Daniela Esmeralda, c'est le nom que je me suis choisi et que l'État m'a reconnu à travers mon acte de naissance". Elle est née à Acatlán, Chilapa de Álvarez, Guerrero. À l'âge de 15 ans, elle a émigré à Mexico pour poursuivre ses études et obtenir un diplôme en sciences politiques/relations internationales. Elle défend les droits des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre : lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres. Elle est la fondatrice et la vice-présidente d'Almas Cautivas A.C. Elle s'assume comme une femme trans et une locutrice indigène du nahuatl.

traduction caro

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