Suriname : Le peuple Matawai
Publié le 10 Novembre 2021
Peuple marron du Suriname faisant partie des peuples regroupés sous le nom de Bushinengue, des descendants d'esclaves qui ont pris la fuite des plantations.
Six peuples marron se sont formés au Suriname pendant la période de l’esclavage, deux d’entre eux, les Nduyka et les Saramaka sont les plus importants numériquement parlant.
Au centre du Suriname vivent les Saramaka, les Matawai et les Kwinti, dans l’est du pays, sur le Maroni vivent les Nduyka et les Boni ou Aluku. Ces derniers sont rattachés à la France, les autres au Suriname.
Le terme marronnage vient du mot espagnol cimarrón qui désignait les premiers temps de la colonisation le bétail retourné à l’état sauvage.
Autre nom : Matuariers
Population : 7000 personnes (2014) détail :
Régions de Kwakoegron et Boven Saramacca : 1300 personnes
Régions de Wanica et Paramaribo : 5500 personnes
Langues : matawai, sranan tongo et néerlandais. La langue matawai est liée au saramaka, c’est un dérivé du créole des plantations (connu sous le nom de sranan tongo). Cette langue est en voie de disparition dans les villages qui parlent d’autres langues marrons. En ville, le sranan tongo et le néerlandais sont les langues principales.
Granman du peuple Matawai : Lesley Valentijn depuis 2011.
Résidence : Poesoegroenoe
village matawai 1870/1893 By Tropenmuseum, part of the National Museum of World Cultures, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7772861
L’esclavage au Suriname
village marron, fleuve Suriname 1955
L’esclavage au Suriname est réputé pour sa sévérité. Les esclaves constituaient une sorte de propriété personnelle des maîtres et ils n’avaient aucun droit civil. Même si les maîtres exerçaient un très grand pouvoir sur leurs esclaves, ils pouvaient peu de choses apparemment contre la fuite de ceux-ci. Les esclaves fugitifs nommés noirs marrons remontaient à l’origine des fleuves dans les forêts tropicales éloignées du littoral et s’établissaient dans des villages autonomes afin de vivre comme leurs ancêtres africains. C’est en raison de leur mode de vie dans les forêts qu’ils ont été appelés bush negroes (nègres des bois ou nègres de brousse) d’où provient le mot Bushi-negé (Bushinengué) qui les identifient. Les Bosnegers vivaient sur les rives du fleuve Maroni (et ses affluents) délimitant la frontière entre le Surinam et la Guyane française. Pour cette raison ils préfèrent être appelés rivermensen ou gens du fleuve.
Après les peuples autochtones et les colons blancs, les marrons sont les premiers habitants originels du pays.
Les 3 étapes du marronnage
1ère étape : l’esclave s’évade à proximité de sa plantation, dans la forêt secondaire qui l’entoure ou kapuweri. D’autres esclaves à leur tour le rejoignent, le retour est toujours possible, on parle alors de « petit marronnage ».
2e étape : les fugitifs se déplacent afin de ne pas être repérés. Ils s’écartent des plantations, commencent à cultiver. Décomposition et recomposition des groupes sont fréquentes.
3e étape : les fugitifs réussissent à se nourrir et s’éloignent réellement des plantations. Ils deviennent de véritables marrons.
Les premières traces de noirs marron sur les fleuves Suriname et Saramacca remontent avant 1667. Vers 1650/1660 est attestée une communauté de plusieurs centaines de personnes.
Chrono
L’origine des Matawai est mal connue, on se réfère beaucoup à la tradition orale pour en avoir des connaissances. Par exemple la tradition orale mentionne les plantations de Hambourg et de Uitkikk ainsi que celle de la Joden Savanne.
- Au XVIIIe siècle, des esclaves s’échappent des plantations et s’installent à l’intérieur. Un groupe d’esclaves marrons s’installe près du Tafelberg vers 1730.
- 1762 : Les Saramaka signent un traité de paix avec les colons hollandais pour la reconnaissance de leurs droits territoriaux et des privilèges commerciaux. Ce traité diffère de celui qui a été signé par les Nduyka en 1760 et comprend l’obligation d’informer le gouvernement de leurs établissements (et de ceux des autres noirs marrons ainsi que des amérindiens), les Saramaka ont interdiction de conclure des traités avec les Nduyka.
- Après la mort du capitaine Abini, les relations au sein de la tribu sont tendues ce qui conduit le capitaine Bekuet Musinga à se séparer des Saramaka et à former les Matawai.
- Selon la tradition orale, les Matawai s’installent à Toido, Kwakoegron et dans des villages au nord de Kwakoegron.
- Au cours du 19e siècle, des villages sont établis le long de la rivière Saramacca où vit une population mixte Matawai et autres peuples marrons.
- 1769 : Traité de paix entre les Matawai et les néerlandais, dont le contenu n’est pas connu mais dont les dispositions semblent être les mêmes que celles du traité de 1762. Les Matawai sont reconnus comme une tribu distincte.
- 1838 : Les Pays-Bas renouvellent le traité de paix de 1769 en obligeant les Matawai à demeurer où ils sont, précisant le territoire de chacun, interdisant le contact avec les autres marrons, de négocier des traités avec d’autres peuples marrons. En échange ils reçoivent des biens qu’ils doivent aller chercher à Paramaribo. Les chefs quand à eux doivent reconnaître l’autorité du roi des Pays-Bas et des autorités que le roi désigne.
- 1974 : la zone mentionné est ajoutée à l’autorité du granman (le chef suprême), cette région est aujourd’hui connue comme station balnéaire de Boven Saramacca. Poesoegroenoe est le siège du granman et le village principal.
- Pour autant, Nieuw Jacobkondre est devenu plus important en raison de la connexion avec le sud-est et le sud-ouest et la présence d’une piste d’atterissage à proximité.
- 19 villages étaient sous l’autorité des Matawai mais la guerre civile du Suriname cause l’abandon de 6 villages.
- Dans les années 1960 la population des villages se déplace vers les zones urbaines.
- Dans les années 1970 près de la moitié de la population Matawai avait quitté la région d’origine et s’était installé dans le district de Wanica, proche de la capitale Paramaribo.
- 2014 : une estimation de l’ethnologue Richard Price estimait à 5500 les Matawai vivant dans les zones urbaines et à 1300 vivant dans des villages.
Religion
Dans les années 1920 l’église catholique mène des activités missionnaires dans les villages Matawai. Presque tous deviennent chrétiens et adhèrent surtout à l’église morave.
Ressources
La subsistance dans les villages est assurée par l’agriculture, la chasse, la cueillette et la pêche. Dans les zones peuplées, il y a de petits jardins.
Certains se consacrent l’extraction d’or à Nieuw Jacobkondre et à l’exploitation forestière, à l’écotourisme qui est encouragé à Ebbatop, Niew Jacobkondre et Poesoegroenoe.
Mode de vie commun aux peuples marrons
Société matrilinéaire
La femme porte les enfants, les nourrit et les éduque. Les enfants peuvent porter le nom de la mère ou celui du père, les familles sont nombreuses car il faut compenser les pertes infantiles liées au marronnage et la dure vie dans la forêt.
Ce sont les sœurs et frères de la mère qui l'aide à l'éducation des enfants. Les décisions concernant les enfants sont toujours prises par la famille maternelle. Les enfants aînés quand à eux aident leur mère dès leur plus jeune âge et s'occupent des plus jeunes.
Polygamie
Les hommes sont polygames par héritage des coutumes importées d'Afrique. Pour éviter les problèmes de consanguinité, de conflit entre les femmes rivales, les hommes choisissent leurs femmes dans des villages distants mais pas trop pour leur permettre des visites régulières.
Les tenues vestimentaires traditionnelles : calimbé de l'homme, camisa de la femme, dessin de l'expédition de Jules Crevaux
Economie, vie sociale
L'organisation sociale est divisée en deux mondes parallèles séparés par le critère du sexe. Les hommes et les femmes ne doivent pas se confondre car les noirs marrons considèrent que la femme a des pouvoirs puissants capables d'affaiblir le pouvoir de l'homme.
Leurs moyens de subsistance proviennent de la chasse, de la pêche et de l'horticulture sur abattis-brûlis.
Il y a une division sexuelle du travail et aucun ne vient empiéter sur le domaine de l'autre.
Les femmes s'occupent de la cueillette des agrumes, des racines, des fruits, de la culture du riz, du manioc et des tubercules dans l'abattis.
Le manioc est la base de l'alimentation et compose le couac, la cassave et entre dans la composition de plats riches en viande, en légumes et épices ( colombo, calalou...).
L'artisanat des femmes se réalise dans la couture, la broderie et la coiffure.
Elles réalisent un costume pour les hommes composé d'une pièce d'étoffe portée autour de la taille, la kamiza et d'une cape, bagnano koozoe.
Leur habit est composé d'une jupe courte nouée à la taille et d'une cape semblable à celle des hommes.
Les hommes : ils doivent fournir l'essentiel de la nourriture avec la chasse et la pêche. Ils abattent et brûlent les arbres sur les parcelles des abattis.
Les jeunes garçons sont initiés par leur oncle : pratique de la forêt, pose des filets dans les criques.
Les hommes sont maîtres de la navigation sur les fleuves, ce sont des canotiers professionnels qui enseignent leur savoir aux enfants.
Marrons à Kwakoegron https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Kwakoegron#:~:text=By%20Rijksmuseum%20-%20http%3A//hdl.handle.net/10934/RM0001.COLLECT.486263%2C%20CC0%2C%20https%3A//commons.wikimedia.org/w/index.php%3Fcurid%3D85713137
Les hommes travaillent le bois :
- objets à usage domestique
- objets rituels
- objets décoratifs
Le jeune garçon pour accéder au statut d'adulte doit être capable de fabriquer ses jouets à 7 ans, des bancs à 14 ans et un canot à 20 ans.
La construction de la maison de sa future femme achève l'étape au passage à l'âge adulte.
Les sociétés sont basées sur la famille, les liens familiaux et le Granman, le chef spirituel et religieux (qui peut très bien être une femme) qui détient les pouvoirs d'un juge, d'un sage et d'un conciliateur.
Même si l'esclavage est aboli, les conditions de travail qu'ils rencontrent avec l'exploitation liée à l'orpaillage peut faire penser à une autre forme d'esclavage.
Malgré leur attachement à leurs coutumes traditionnelles et communautaires, ils n'en participent pas moins à la vie sociale et politique de leurs pays.
Les articles sur les autres peuples marrons
Suriname/Guyane française/Guyana : Le peuple Ndyuka ou Aukan
Suriname / Guyane : Le peuple Saramaka
Guyane / Surinam : Le peuple Boni ou Aluku
Suriname / Guyane : Les peuples Bushinenge
Suriname/Guyane : Le peuple Paramaca ou Paamaka
sources : wikipedia, cocomagnanville