Chiapas/Las Abejas : Notre cœur est heureux aujourd'hui parce que 35 organisations du Mexique et du monde entier ont pensé à nous pour reconnaître une lutte que nous menons tous les jours

Publié le 29 Novembre 2021

Las Abejas de Acteal

Organisation de la société civile
Terre sacrée des martyrs d'Acteal

Municipalité de Chenalhó, Chiapas, Mexique.

 27 novembre 2021.

                                                  

 

A ceux qui luttent pour la Vie, le Territoire et la Terre Mère

Au Congrès National Indigène

Au Conseil Indigène de Gouvernement

Au peuple croyant du diocèse de San Cristóbal de las Casas

Aux défenseurs des droits de l'homme

Aux médias libres et alternatifs

Aux médias nationaux et internationaux

A la société civile nationale et internationale

 

Sœurs et frères :

Depuis cette Terre Sacrée, nous saluons toutes les organisations qui luttent pour la vie et le territoire, en défendant la Terre Mère, qui nous donne généreusement ce dont nous avons besoin pour survivre chaque jour, contre les intérêts des puissants qui ne veulent qu'extraire leurs richesses et les utiliser pour générer toujours plus de profits, même s'ils la laissent stérile et détruite, condamnant à mort tous les êtres vivants de la planète.

Nos cœurs sont heureux aujourd'hui parce que 35 Organisations, Mouvements et Collectifs du Mexique et d'autres pays du monde ont pensé à nous pour reconnaître une lutte que nous menons jour après jour - et qui est encore très petite - depuis presque 29 ans, en tant qu'Organisation de la Société Civile Las Abejas de Acteal, aidant à prendre soin et à protéger notre territoire. Nos efforts ont été tissés en un très grand réseau, un mouvement de défense de la vie, qui réunit aujourd'hui de nombreux compañeros et compañeras à notre siège pour célébrer avec nous la remise de ce prix pour la défense de l'environnement, qui est décerné chaque année pour ne jamais oublier notre frère Mariano Abarca, qui a été persécuté, emprisonné et assassiné par la compagnie minière canadienne BlackFire il y a exactement 12 ans, pour avoir participé à la lutte et à la résistance collective et organisée de son peuple contre les effets sur leurs vies et leurs terres, dus à l'extraction d'un minerai appelé barytine, à Chicomuselo, au Chiapas. Notre propre histoire nous a conduits sur un chemin très similaire au sien, et aujourd'hui nous lui disons que nous ne nous lasserons pas de suivre son exemple.

Depuis décembre 1992, notre organisation a été fondée dans le processus de la lutte du Peuple Croyant du Diocèse de San Cristóbal de las Casas pour sortir de prison 5 catéchistes Tsotsiles de notre municipalité qui ont été accusés de meurtre sur la base de mensonges, pour effrayer et décourager ceux qui, comme eux, ont osé parler ouvertement des injustices commises par le gouvernement dans nos communautés mayas Tsotsil. Après avoir obtenu leur libération grâce à des pèlerinages, des sit-in, des jeûnes et des prières, cette expérience où nous avons vu qu'unis nous avions plus de force et que nous avions le soutien d'autres organisations de solidarité pour libérer nos compagnons, les participants ont décidé de se constituer en organisation de la société civile, de nous identifier comme "Las Abejas" et de nommer des représentants dans chacune de nos communautés, afin de pouvoir nous informer et nous défendre ensemble face aux problèmes que nous vivions, comme la menace pour les peuples paysans que nous voyions déjà venir avec la réforme de l'article 27 que Carlos Salinas a entreprise et le début du morcellement et de la possibilité de vendre les terres collectives.

Ainsi, en 1993, nous nous sommes organisés pour protéger notre territoire contre la menace d'exploration pour l'extraction du pétrole sur nos terres et nos collines. Le gouvernement envoyait des commissions d'exploration sur nos terres communales, sans nous prendre en compte ni demander notre permission. Les frères et sœurs des municipalités de Pantelhó, Chalchihuitán et Chenalhó ont organisé une marche-pèlerinage, ont prié et sont allés prier avec nos aînés sur les collines sacrées pour demander à leurs protecteurs d'aider à bloquer le chemin du gouvernement, afin qu'il nous laisse en paix. C'est ainsi que nous avons pu arrêter l'invasion, car lorsque nous avons vu les résultats des études, les ingénieurs ont trouvé de l'eau au lieu du pétrole.

Cette année-là, nous avons également appris que le gouvernement préparait un accord de libre-échange avec d'autres pays pour leur permettre de venir plus facilement chercher nos richesses (or, pétrole, gravier, etc.), ce qui signifie prendre nos terres et les polluer. C'est en 1994 que nous avons appris que les zapatistes se sont réunis pour faire barrage et qu'ils se sont soulevés le 1er janvier de cette année-là. Dans le processus de guerre qui a suivi, nous avons fait savoir que nous étions des civils sans armes, et nous avons exigé qu'il y ait un dialogue pour parvenir à des accords et arrêter la guerre, avec différentes actions à l'intérieur et à l'extérieur de nos communautés, ce qui n'a pas plu au PRI et aux Cardenistas de notre municipalité. Ne pas collaborer à la guerre contre-insurrectionnelle du gouvernement contre l'EZLN et agir de manière organisée sur la voie de la lutte non violente, nous a coûté d'être persécutés, de devoir vivre déplacés de nos communautés pendant plusieurs années et de voir comment les paramilitaires des partis politiques susmentionnés ont assassiné avec une telle cruauté nos 45 sœurs, frères et 4 frères et sœurs plus jeunes qui ont été révoltés avant même de naître, le 22 décembre 1997, conseillés, financés et couverts par de hauts fonctionnaires des trois niveaux de gouvernement et de l'armée mexicaine. 

Depuis lors, Las Abejas a été renforcée par le sang de nos martyrs et la solidarité de nombreux frères et sœurs qui se sont identifiés à notre douleur et se sont encouragés mutuellement. C'est le cas de nos frères Tseltales et Ch'oles de "Xinich" à Palenque, avec lesquels nous avons organisé en 2001 un pèlerinage à pied à la Basilique de Guadalupe pour demander à la Jme'tik - la Vierge, qui est notre mère - et à l'État mexicain de respecter les accords signés à San Andrés avec l'EZLN, de donner place dans la Constitution mexicaine au droit à l'autonomie des peuples indigènes, et avec lui, au respect de notre vie et de nos territoires.

Sur les chemins de cette lutte non-violente, nous avons également pu montrer notre solidarité de différentes manières avec divers frères et sœurs qui résistent à l'abandon de leurs terres, de leurs maisons et de leur mode de vie, menacés par les intérêts capitalistes, comme les compagnons de Temacapulín, Acasico et Palmarejo dans l'état de Jalisco, qui continuent à lutter contre le barrage El Zapotillo ; Ou les compagnons du Conseil des Autorités Agraires de la Montaña de Guerrero, où notre frère Simón Pedro, ex-président du Conseil d'Administration de notre organisation, lâchement assassiné le 5 juillet dernier, représentait Las Abejas de Acteal, pour ne pas s'être lassé de travailler pour la défense des droits de l'homme, et pour s'être toujours préoccupé de rechercher des voies non-violentes pour soutenir les peuples qui défendent leurs terres contre la violence du crime organisé, des mines, des barrages et des grands méga-projets.

Nous voulons profiter de cette occasion pour dire au Bureau du procureur indigène et au Bureau du procureur général qu'aujourd'hui, des milliers d'yeux observent la façon dont ils traitent le cas de notre frère Simón Pedro, et que, comme nous l'avons démontré pendant près de 24 ans sans renoncer à la demande de justice dans le cas du massacre d'Acteal, nous ne cesserons jamais d'exiger que les véritables auteurs et commanditaires de son meurtre soient trouvés et punis. Aujourd'hui, nous invitons également toutes les organisations de solidarité à nous accompagner et à nous soutenir sur ce chemin, notamment pour que nous puissions tenir notre promesse de ne jamais abandonner la famille de Simón Pedro, notre frère.

Sœurs et frères, bien qu'ils continuent à nous assassiner, à nous persécuter, à essayer de nous faire taire et à nous exterminer, nous continuons et continuerons ici, en gardant notre mémoire et en luttant de manière non violente, avec la parole et la vérité comme seule arme. Nous voulons également dire aujourd'hui à la famille de notre frère Mariano Abarca que sa mémoire et son combat sont toujours vivants à travers nos voix, nos dénonciations et notre résistance. Et nous voulons qu'ils sachent que nous continuerons à soutenir la lutte pour que, dans son cas, ils puissent avoir la consolation de la justice.

¡Mariano Vive! ¡Simón Vive! ¡Vivan las Abejas de Acteal!

Depuis Acteal, Maison de la Mémoire et de l'Espérance.

 

Cordialement

Organisation de la société Civile Las Abejas de Acteal.

Pour la conseil d'administration

Cristóbal Ruiz Arias , président                                        

Gerardo Pérez Pérez, secrétaire

Manuel Ortiz Gutiérrez , trésorier                                             

Pedro Pérez Pérez, vice président

Sebastián Guzmán Sántiz trésorier adjoint

traduction caro d'un communiqué paru sur le site de Las Abejas de Acteal le 27/11/2021

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