Hongrie : La communauté Matyó
Publié le 17 Août 2021
Femme Matyo en habit traditionnel Par Auteur inconnu — Pesti Napló 1850-1930 ajándék album, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=19642942
Communauté de hongrois établis dans le nord-est de la Hongrie, plus précisément dans la ville de Mezőkövesd et dans les villages voisins. Ils ont émergé du XIXe au XXe siècle en tant que groupe ethnique particulier et classé comme une culture traditionnelle unique, avec une identité culturelle caractéristique et spécifique.
Selon la tradition locale, les habitants de Tard et Szentistván, deux villages des environs font partie également de la communauté Matyó. Des différences d’expression culturelle existe entre les 3 localités (le costume entre autre).
Sur le nom
Les habitants autochtones de Mezőkövesd s’autodésignent Matyó. A l’origine cette appellation est un surnom donné aux catholiques par les villageois protestants. Le nom s’enrichit d’une signification nouvelle évoquent les costumes colorés et le goût pour la parure des Matyós.
Dans la pensée des hongrois le nom va s’associer désormais aux vêtements richement ornés des hommes et des femmes et à la broderie.
Mezőkövesd
district de mezokovesd hongrie Par Mikovari — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=29389341
Mezőkövesd se situe au bord septentrional de la Grande Plaine hongroise à 138 km au nord-est de Budapest. C’est un mzovaros (bourgade en français ou gros bourg) dont le sens littéral hongrois serait ville rurale ou ville champêtre, d’ailleurs les habitants se considèrent comme des villageois. Les gens vivaient exclusivement de l’agriculture. Ils habitaient des maisons de type villageois avec au centre de la ville, l’église qui peut accueillir un millier de fidèles, près de l’église passe la grand-rue, l’endroit favori des promeneurs dominicains.
Au début du siècle dernier, le système d’habitations était caractéristique de la Grande Plaine hongroise, le centre ville était occupé par des habitations serrées les unes contre les autres, les cours et les étables formant autour d’elles une sorte d’enceinte.
Les hommes dormaient dans les étables, c’était le lieu de leurs rencontres, elles étaient nommées les tanyázás . A partir du 20e siècle on commence à construire des maisons dans les cours des étables qui restent le centre de la vie sociale des hommes.
Les familles qui descendent d’un ancêtre commun – la parenté- construisent des maisons les unes près des autres. L’ensemble de parents du côté paternel s’appelle le had. Dans les maisons plusieurs générations vivent ensemble, le fils marié s’installe avec sa femme dans la maison des parents. Plusieurs fils mariés avec leurs enfants vivent en commun avec les parents. Les jeunes mariés s’installent dans le réduit.
Dans la zone des cours de ferme est bâti le Kistemplum, une petite église. Au-delà de cette zone, les croix érigées au bout des routes partent de Mezőkövesd et font cercle autour de l’agglomération. Les paysans qui vont aux champs se signent devant ces crois.
L’art paysan hongrois du XIXe siècle et des premières décennies du XXe siècle évolue suite à la révolution industrielle occidentale, l’agriculture en particulier transformant les propriétaires terriens et les exploitations paysannes. Les booms céréaliers incitent à accroître la production agricole et augmente les quantités céréalières destinées aux marchés intérieurs, extérieurs. La création d’une nouvelle unité nationale met l’accent sur la valeur des traditions paysanne. Sans sortir de leur mode de vie, les paysans hongrois des couches aisées accèdent à de nouveaux besoins matériels, prennent conscience de leur importance et font naître en quelques années un luxe paysan d’une espèce particulière qui entraîne l’essor de l’art folklorique. Les tissus sont accessibles en grand nombre et en variété rendant les vêtements féminins plus colorés suivant les régions.
Les habitants de Mezőkövesd sont en majorité de religion catholique romaine, cette religion a joué un rôle déterminant dans la formation de l’identité culturelle Matyó, elle était très ancrée chez eux, se détachant de l’environnement majoritairement protestant.
musée de l'agriculture de Mzeokovesd https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Hungary_Mezokovesd_agriculture_museum_1.jpg?uselang=fr
L'art Matyó
Au début du XXe siècle, l’art traditionnel Matyó acquiert une notoriété nationale et internationale. La reconnaissance de leurs broderies singulières à motifs floraux sur leurs costumes richement décorés et sur leurs objets décoratifs a une influence déterminante sur le renforcement de l’image de soi de la communauté et de son identité culturelle.
La patrimoine traditionnel ancien continue à imprégner la vie de la communauté qui reste une entité culturelle à part.
Les motifs floraux de la broderie ont été élaborés au XIXe siècle au point plat sur les textiles décoratifs.
Un motif particulier, est le matyó-rose qui est souvent employé dans d’autres formes d’art (peinture sur meubles en bois, art traditionnel important de Mezőkövesd).
La broderie est souvent une pratique collective qui consolide les liens entre les personnes et renforce la cohésion communautaire. C’est une forme d’expression artistique et une source de revenus.
Avec la disparition progressive de la culture paysanne traditionnelle, l’art est devenu l’emblème de l’identité Matyó au sein des familles et de la communauté.
Le complexe de la culture Matyó est un également un exemple de la façon dont une communauté peut produire une culture matérielle de haute valeur artisanale qui perdure dans la vie quotidienne et définit son identité.
Les membres de la communauté ont fondé l’Association d’Art Populaire des Matyó en 1991 pour transmettre l’art de la broderie, organiser de nombreux évènements culturels.
La popularité nationale de la broderie matyó apporte un revenu d’appoint aux femmes ce qui leur permet d’acheter des tissus fins, des fournitures nécessaires à la confection des costumes élaborés.
On assiste à une diffusion de meubles peints de motifs floraux, d’assiettes et de plats de terre vernissée accrochés aux murs. L’ameublement se complète de tissus brodés ou façonnés.
Pourtant les premières représentations en 1857 du costume des habitants de Mezőkövesd nous font voir un vêtement simple dans le goût ancien semblable à ceux portés par les habitants de la Grande Plaine hongroise.
A partir des années 1870/1880 Mezőkövesd prend vite la tête de cette nouvelle tendance du style paysan riche en couleurs. Par exemple les manches de la chemise du Matyó deviennent d’une largeur et d’une longueur excessives, ses poignets s’ornent de broderies s’étalant parfois sur 30 cm, les tabliers des hommes sont ornés comme deux des femmes (dentelles d’or et franges, broderies). La jupe longue, évasée, en forme de cloche confère aux femmes une ligne particulière.
Une monographie est consacrée à l’art des Matyós en 1897, et dès 1896 lors des fêtes millénaires de la conquête du pays par les ancêtres Magyar – le Millenium – une maison de Mezőkövesd est construite pour la circonstance et présentée dans le village ethnographique de l’exposition.
En 1911 au bal de l’Opéra, événement le plus mondain de la capitale, on voit arriver des invités revêtus de costumes confectionnés dans le goût Matyó ou même commandés directement à Mezőkövesd.
L'art des Matyós est classé au patrimoine culturel de l'Unesco depuis 2012 sous le titre L’art populaire des Matyó, la broderie d’une communauté traditionnelle
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Summ%C3%A1s-eml%C3%A9km%C5%B1_(V%C3%A1rady_S%C3%A1ndor),_2018_Mez%C5%91k%C3%B6vesd.jpg
Le travail saisonnier (summásság)
Les Matyós ont pratiqué à une époque le travail saisonnier, summásság.
Summá est le nom donné aux travailleurs agricoles qui sont engagés en groupe pour travailler dans le latifundia dans des régions éloignées de leur habitat. Ils s’engageaient pour une période allant de 3 à 6 mois pour un salaire établi en une « somme unique « (summás, du latin summa= somme). Ce genre de travail apparaît suite à l’augmentation de la production de plantes industrielles (betteraves, pommes de terre), les summás étaient employés pour des travaux de moisson et de battage mais aussi pour biner, cultiver les plantes, rentrer et engranger les récoltes.
Mezőkövesd dès 1904 fournit plus de 4000 summás à l’agriculture et au cours de l’année 1940 le district procure 10.000 ouvriers aux latifundium. Ils sont réputés pour leur diligence et leurs qualités professionnelles. Ils touchent en général 15 à 20 % de plus que le salaire normal de cette catégorie de travailleurs. En 1898 les contras de summás doivent être conclus devant l’administration du village, le livret de summás devient obligatoire. Le summás se transforme en ouvrier salarié travaillant en groupe. Le salaire n’est pas payé en argent mais en céréales. La nourriture est fournie en natyre.
Le groupe de summás est organisé par le summásgazda (chef des summás), c’est lui qui traite avec les latifundium et signe le contrat. Cette place lui donne des avantages.
Les membres du groupe dépendent de lui surtout si l’offre de main d’œuvre est importante.
La spécialisation des pauvres de Mezőkövesd par le travail de summás a pour résultat de transformer le summásság en un mode de vie propre à toute une strate sociale populaire.
Pour le summás l’année se divise en 2 moitiés : celle passée à la maison, et celle passée à la summásság.
Quelques exemples de la tradition matyós
- Kemence : four domestique de forme conique servant à la fois à la cuisson du pain, et pour chauffer la maison. Le banc situé autour de la kemence (qui servait aussi de couchette aux hommes) s'appelle patka. voir une image ICI
- Szalagória : gâteau fabriqué avec une pâte à la levure.
- Porkolt : sorte de ragout hongrois à la viande de porc, de mouton ou de boeuf taillé en morceaux et cuit à l'étouffée dans le jus assaisonné aux oignons et au paprika.
- Guba : pâte levée, grosse de 2 doigts débitée en rondelles après la cuisson.
- Kalacs : pains au lait
- Vêtements : viganó, robe moderne ajustée et d'une seule pièce, suba : pelisse d'homme, litya : blouse à manches courtes ou longues, élöke : tablier de toile épaisse avec une grande poche pour les épis.
Une lecture très recommandée sur ce qui a inspiré cet article et sur l'époque où l'historie se situe.
Le vinaigre et le fiel, la vie d'une paysanne hongroise dans la collection Terre Humaine
De Margit Gari
Sources Le vinaigre et le fiel de Margit Gari, site de l'unesco