Chili : Nütramkam pour les nouvelles générations Mapuche. Écrits de la poétesse mapuche Maribel Mora Curriao
Publié le 26 Mai 2021
24/05/2021
Maribel Mora Curriao est titulaire d'une maîtrise en littérature de l'université du Chili, doctorante en études américaines à l'université de Santiago du Chili, professeur d'espagnol, diplômée en éducation, conseillère pédagogique et professionnelle, poète et chercheuse mapuche. Elle a travaillé en tant qu'enseignante dans l'enseignement secondaire, l'éducation des adultes et l'enseignement supérieur. Outre ses recherches sur les peuples indigènes et leurs expressions littéraires, elle a travaillé comme coordinatrice dans des réseaux professionnels, dans des postes de responsabilité institutionnelle, dans la mise en œuvre de programmes et dans la réalisation d'événements nationaux et internationaux sur les peuples indigènes d'Amérique latine. À l'Université du Chili, elle a occupé les fonctions de responsable de l'éducation inclusive et est actuellement directrice du bureau de l'équité et de l'inclusion.
Les anciens disaient, futakuifikeche, qu'il y a des moments où les rêves deviennent des mots, des actes, des gestes que nous n'oublierons jamais. Il y a quelques jours, l'élection des candidats à la Convention constitutionnelle chargée de rédiger la prochaine constitution de ce pays, nous a offert un de ces moments. C'est à Punta Arenas que s'est ouvert le premier tour de scrutin des élections tant attendues de la Convention constituante et que, par précipitation, impulsion ou lapsus, le président de la première table a pris dans ses mains un vote vert. Personne ne l'a arrêté ou n'a fait de commentaire. Le cœur sur la main, beaucoup d'entre nous ont suivi, hypnotisés, l'ouverture de ce premier vote. Un vote qui, depuis l'extrémité sud du monde, dirait quelque chose à ce pays qui a plus de deux cents ans de république. Ce vote a été ouvert et mon cœur a dit patrie, il a dit peuple, nation, comme dans les rêves :
Parce que nous ne devrions pas dire peuple
Nous disons peuple
Parce que nous ne devrions pas dire patrie
Nous disons patrie
Debout dans la poussière, nous résistons
La dernière gifle à l'histoire
Nous disons peuple nation jusqu'à ce que nous soyons fatigués
Les enfants répéteront nos mots
Et les enfants des enfants dans une nouvelle patrie
Et encore jusqu'à ce que nous confondent
Les ombres
Les rêves
Le kupalme
La voix du président de la table, comme un wuñelfe/lucero dans son éclair, disait la jeunesse, disait la force, et la beauté endurcie de mon peuple qui était incrustée dans mes yeux. L'avocate, militante et werkén des prisonniers politiques mapuche, Natividad Llanquileo, est restée intacte dans sa beauté, dans ses certitudes, face à tous ceux qui l'avaient dénigrée auparavant. Pendant si longtemps, si longtemps dans la mémoire de mon peuple, le laid, le mauvais, le détestable, le violent, le grossier, le barbare et l'inapproprié, étaient les adjectifs qui nous étaient attribués. La beauté et la tendresse ne nous ont pas été accordées dans la république du Chili.
Et nous avons dû cacher nos vêtements
Et nous avons dû cacher nos paroles
Et nous n'étions rien de plus que des ombres dans ce monde
trop blanc pour voir nos mains.
Et pendant tout ce temps, du sang entre les doigts,
tout en ayant du sang entre les yeux,
du sang dans les pas, pendant ce temps.
Sueur. Un silence complice. Serrant les dents
une ville peuplée de cris.
De longues nuits. Des jours et des heures terribles
en signe de progrès comme à l'origine.
Au nom de Saavedra,
au nom d'Urrutia, de Roca et de Sarmiento.
Au nom de la science, Moreno, le terrible,
au nom de la patrie, Alsina et Vicuña Mackenna.
Les yeux ont pleuré ces nuits-là.
La lumière a aveuglé nos jours.
C'est pourquoi nous avons dû nous cacher dans la montagne de la parole poétique, me dis-je depuis si longtemps, enchevêtrement et fourré, délire sans retour, perte, agonie du souffle, du chant, du cœur et de l'air... Et je n'ai même pas eu le temps de calmer mon piuke, mon cœur émeutier, lorsque j'ai entendu, avec tout le pays mapuche, le président de la table lire à haute voix le second vote : justice, courage, force et certitude, mon corps a tremblé. Francisca Linconao a été entendue sur les écrans de tous les Chiliens. L'écho de ces mots a pénétré au plus profond de mon cœur mapuche. Comme le claquement des liens quand ils se brisent, comme le cri qui vient des profondeurs de la terre, comme la tendresse qui étreint et ceint à la fois, le cœur plein d'espoir. Les bras de ma grand-mère, venus de l'infini, ont scellé cet instant avec sa tendresse inoubliable.
comme l'écume
comme la brise
comme l'aurore
nous entourent
se dissipent
comme le parfum
ils nous inondent
ils nous débordent
nous contiennent
comme la brise
comme l'écume
comme l'aurore.
La Machi Francisca Linconao, il a dit à voix haute. Celle qui a été emprisonné pendant neuf mois dans une prison de Temuco. La même qui a vivement réprimandé les juges, la police et la police d'investigation pour le coup monté contre elle et 11 Mapuche. Neuf mois d'ignominie qui ont été en quelque sorte inversés par cette investiture ; neuf mois qui auraient pu engendrer la haine envers ce pays somnambule, mais qui, grâce à la bonne volonté de mon peuple, se sont transformés en la dignité qui fait tant défaut à cette patrie, à cette mère patrie, qui se dresse de temps en temps contre la douleur qu'on lui inflige. Il manque la dignité libératrice de la machi qui a tant osé, regardant dignement l'horizon de ses grands-parents en mémoire.
Homme jeune et Femme jeune, nous disons dans nos chants
Leurs mains, leurs corps, déversent des rêves sur la terre.
Femme âgée et Homme âgé, lune et soleil, nous venons à vous.
Perdus comme des visions, nos esprits errants.
Homme jeune et Femme jeune, Homme âgé et Femme âgée et les hommes
tous et toutes les femmes de notre küpalme, entendez les prières.
Que les routes soient libres, que le chemin soit long. Petu mongenleiñ,
petu mapuchengeiñ, comme une incantation, nous demandons de bonnes paroles.
"Notre langue, ñañita, où est notre langue ?" interpelle sereinement la lamngen Elisa Loncon, qui d'un pas ferme dans la capitale du Royaume a ouvert un espace privilégié dans la Convention constitutionnelle. Avec sa patience obstinée, avec sa force immémoriale, la ñaña a brisé le silence de mon peuple ; elle a brisé et fait taire le rugissement de la ville ; elle a crié avec la fureur de la femme mapuche après tant de siècles de silence forcé, son cœur, sa parole : Mvñowoweftuay tayiñ kimvn, pu lamngen. Marriciwew ! notre sagesse renaîtra. Notre sagesse renaîtra. Nous gagnerons dix fois !
dansent les lawen dans la montagne
ils deviennent l'arôme
du mapunzugun qui manque aujourd'hui.
Que la terre devienne mallin
menoko les prairies.
que mon corps puisse évoquer les rêves
Dans la nuit la plus sombre
les mots
lawen qui effraie la brume.
Et nous serons la parole et l'événement qui naît comme l'aigle, Adolfo Millabur Ñancul ; nous serons la rivière qui coule Rosa Catrileo ; la houle qui transforme Carmen Caifil ; l'oiseau et le condor Carmen Jaramillo Gualamán dans le ciel qui s'ouvre à nos rêves. Pu lamngen, pu papai, pu wentru, pu chachai, ce vote mapuche dit patrie, dit peuple, nation jusqu'à ce que nous soyons fatigués.
Les enfants répéteront nos paroles
Et les enfants des enfants dans une nouvelle patrie...
Nous nous souvenons en silence de ceux qui nous ont quittés. La terre respire profondément pour continuer à vivre.
traduction carolita d'un article paru sur Mapuexpress le 24/05/2021
Nütramkam para las nuevas generaciones mapuche. Escritos de la poeta mapuche Maribel Mora Curriao
Decían los antiguos, futakuifikeche, que hay instantes cuando los sueños se vuelven palabra, hechos, actos que no olvidaremos nunca. Hace algunos días la elección de candidatos a convencionales...