Argentine/Peuple Mapuche : Partager les enseignements à ne pas oublier
Publié le 3 Mai 2021
Entretien réalisé par notre collaboratrice, Amalia Vargas, avec la grand-mère Manuela, qui exprime un profond désir de partager sa sagesse mapuche. Son message est un témoignage de vie, avec l'engagement de ne pas taire son origine, son identité et sa force spirituelle.
Nous partageons ci-dessous l'entretien que nous avons pu réaliser avec Doña Manuela, l'une des dernières grands-mères qui conserve encore des chants sacrés dans sa langue Günün a Yajüch et Mapuche par un après-midi ensoleillé, en sirotant des matés, des tortillas faites par elle-même.
Nous avons visité des territoires Mapuche, traversé Neuquén et sommes allés plus au sud jusqu'à Puerto Madryn, où nous avons été accueillis par Lucas Antieco, qui nous a emmenés chez la grand-mère Manuela Tomás, qui est professeur de langue Mapudungum/Mapuche et parle également le Gününa Yajüch. Malgré ses difficultés, elle continue à travailler, à partager avec ceux qui arrivent et continue à réaliser des Cérémonies. Son message est un témoignage de vie, avec l'engagement de ne pas taire son origine, son identité et sa force spirituelle.
Doña Manuela nous raconte : "J'ai toujours enseigné la langue mapuche, je suis Tehuelche, certains d'entre nous parlent les deux langues, je le fais pour qu'elle ne se perde pas. J'essaie de partager avec d'autres femmes, je n'essaie pas seulement de partager avec ma famille, j'essaie de partager ce que je veux vraiment apprendre de mon cœur, parfois je vois que des gens de l'extérieur, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas de notre culture, veulent apprendre et j'essaie de voir leur engagement et j'essaie de partager quelque chose".
Qui interprète les chansons sur votre territoire ?
- Il y a des chansons que les femmes et les hommes chantent quand ils sont heureux à l'extérieur et elles sont courtes et faciles, ce sont des chansons qui s'appellent ulkantun, avant les Mapuche chantaient beaucoup maintenant à cause de la musique ou des CD's ils chantent moins. La grand-mère nous a fait de belles chansons en langue günün à Yajüch, dont elle a traduit ce qui suit : Cette chanson dit ceci : "il y a une maison vide, un champ vide, là on entend l'écho, on l'appelle shelton".
Puis elle a dit ces mots, Sheleca : c'est le mot Gününa, Melinananegay : c'est Mapuche et peumas : c'est les rêves, alors ce serait celui qui rêve de faire des cailloux d'argent (c'est-à-dire qu'il rêve de faire de l'argent). Et quand je dis Kalfu weñu, je dis dans le ciel bleu. Nous avons aussi les tahiles, et avant il y avait un tahil pour chaque famille, il y a beaucoup de tahiles et chacun en a un, et celui ci est hérité, le tahil de ma famille était celui du canard, mon père le dansait, ces chants ne se font qu'à l'intérieur de la cérémonie, pas ailleurs, car ils sont sacrés. Il fut un temps où j'avais l'habitude de prendre beaucoup de tahil, c'était pillan kultrum, pillan kultrum est la femme qui joue le kultrum dans les cérémonies dans le lof/la communauté, quand on joue du kultrum on le prend ou il vient à vous, c'est déjà différent. Et quand ils font le Purrun, la danse est le tahil des purrufes.
Il faut savoir que le tahil a toujours été pratiqué par des femmes et des hommes, aujourd'hui je vois des jeunes hommes chanter les chants sacrés, et ils font bouger les choses. Le kultrun n'est pas pour tout le monde, il faut demander la permission aux grands-parents et savoir que maintenant chacun fait ce qu'il veut, c'est dommage parce qu'il y a des jeunes qui s'y intéressent et ils le font avec des mensonges et non avec la vérité.
S'ils aiment la culture, ils doivent parler aux anciens, apprendre comment on faisait avant, nous devons suivre la vérité.
Connaissez-vous une cérémonie pour les femmes ?
- Dans le passé, ils avaient l'habitude de faire la cérémonie de mise en place du Chaway, qui est le moment où ils mettaient les boucles d'oreilles aux filles, pour ce moment-là, ils le faisaient, cela s'appelait kantan pilu, c'était fait ce jour-là très tôt le matin, un Nguillatun était fait et le chaway était fait quand antu sortait à l'aube. Je me souviens qu'ils m'ont mis les boucles d'oreilles à l'âge de 10 ans, certaines filles les ont reçu par leurs parents à 6 ans, une autre à 8 ans et d'autres plus âgées, mais quand on les recevaient toutes ensemble, au même moment, il y avait toute une préparation pour ce moment.
De même, si vous faites une promesse, vous mettez les boucles d'oreilles, par exemple mon père portait un chaway et il avait les cheveux longs, son chaway était en argent, les boucles d'oreilles n'étaient pas enlevées jusqu'à ce que la promesse soit accomplie. Avant, chez les hommes, mon père avait les cheveux longs, puis ils ont commencé à les couper en ville.
Je tiens à dire que nos cérémonies d'autrefois ne s'appelaient pas camaruco, mais Nguillatun. Le Pita Nguilatun, il y en avait aussi un autre qui durait deux jours qui s'appelait pichi Nguillatun, ce qui signifie petite rogation. Je ne sais pas pourquoi ils l'appellent maintenant Camaruco, mais dans ce pays, nous avions l'habitude de dire Nguillatun et nous continuons à le dire de cette façon. Aujourd'hui, nos cérémonies se déroulent dans différentes régions du sud.
Quel est le souhait d'une grand-mère Pillan Kultrum ?
- J'aimerais que les jeunes apprennent nos cérémonies, nous, les anciens, devrions enseigner le kume monguen/la bonne vie. Je ne peux rien enlever, ceux qui ont le plus d'énergie sont les jeunes, ils ont l'énergie pour faire plus maintenant. Il y a beaucoup de grands-parents qui ne veulent pas enseigner, je ne sais pas pourquoi. Quand j'étais petite, j'avais l'habitude de m'asseoir avec mes amis et nous jouions et chantions des chansons et ils dansaient, donc avec un petit pot c'était notre kultrum pour jouer. Mon père a arrêté de faire le Nguillatun très vieux et j'ai continué à jouer du kultrum, ce kultrum qui appartenait à mon père ou à ma grand-mère, est devenu vieux, je l'ai pris, je l'ai enveloppé dans un tissu bleu et je l'ai enterré avec mon père.
Mon père était très respectueux de la terre, il ne nous laissait même pas soulever une pierre, il nous disait que nous devions demander la permission, nous ne pouvions même pas soulever un bâton, c'était très délicat, d'abord nous priions, puis nous demandions la permission, c'était comme ça avant de demander la permission pour boire de l'eau, maintenant nous n'allons pas prendre l'eau au robinet et nous ne valorisons rien. Mais s'ils nous donnent une plante dans les montagnes, nous devons la recevoir et être reconnaissants.
Comment vivez-vous la question des identités effacées ?
-Avant, les familles Mapuche ou Tehuelche n'avaient pas de noms ou de surnoms pour les plantes dans la nature, aujourd'hui j'ai un nom de famille qui n'est pas le nôtre, il vient de l'Ouest, Tomás, qui n'est pas mon nom d'origine. Le nom de mon père était Wenu Filu, ce qui signifie vipère du ciel et rien d'autre, c'était juste ce nom sans nom de famille.
Le nom de ma grand-mère était Pino Kash, qui signifie Fleur bleue en langue tehuelche, et ils l'ont changé en Manuela Velázquez, le juge lui a donné ce nom, on ne devrait pas avoir honte de son nom de famille. Mais nous devons accepter que certains d'entre nous soient métissés. J'aimerais avoir le nom de mon père, Wenufilu, mais aujourd'hui je dois signer en tant que Manuela Tomás. Avant il y avait même beaucoup de noms de famille comme Namuncura, Ñanco et aujourd'hui ils nous ont changé.
Aujourd'hui, les Mapuche continuent à faire des cérémonies pour la terre comme le Nguillatun. Le Nguillatun est sacré, nous demandons quatre jours de suite à Guenechen, qu'il y ait la santé, la nourriture, qu'il n'y ait pas de maladie, nous demandons tout le monde pour les Mapuche, pour les winka. Avant les gens ne mouraient pas de maladie, mais de vieillesse, l'homme a vivait longtemps, il était plus fort. Aujourd'hui, nous ne pouvons même pas boire de l'eau, toute l'eau est vendue.
Que pensez-vous de la pandémie que nous traversons ?
-Cela se produit parce que l'homme s'éloigne de la nature, parce que nous ne faisons pas toutes les cérémonies, c'est parce que nous ne sommes pas autorisés à les faire sur nos territoires. Nous perdons donc la terre, la force, et nous ne pouvons pas marcher ici, dans le Chubut, il y a des cérémonies, mais il devrait y en avoir plus. Il est temps de croire, de revenir à la spiritualité et de retrouver la mémoire de la santé, du corps, de l'eau et de la terre.
Aujourd'hui, pour l'ambition de l'argent, beaucoup vendent tout. Nous devons respecter l'énergie de la terre, c'est pourquoi nous portons des foulards sur la tête pour prendre soin de nous et de la jupe pour être en ordre avec les choses.
Nous ne devons pas être négligents parce que nous sommes de vrais Mapuche et nous ne nous mélangeons pas, maintenant nous devons accepter nos petits-enfants qui sont plus blancs et qui sont des Mapuche. Si ma petite-fille se reconnaît un jour comme Mapuche, ils la critiqueront parce qu'elle est différente, ils diront qu'elle est une fausse Mapuche, je ne sais pas. Aujourd'hui, on tombe amoureux d'autres personnes qui ne sont plus Mapuche, mais nous devons les respecter, car nous nous mélangeons tous. Nous ne devons pas avoir honte, sinon ce serait comme si mon petit-fils était enfermé et qu'on disait que grand-mère Manuela est laide et qu'on me cachait (Manuela nous dit en riant). Nous devons nous rappeler que le grand Père Futachao nous aime tous également. Je suis heureuse parce que je crois qu'il y a des jeunes qui vont suivre la culture.
Par Amalia N. Vargas. Pukio Sonqo
Date : 28/04/2021
traduction carolita d'un article paru sur Elorejiverde le 28/04/2021
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