Étude : les oiseaux dépendant de la forêt en Colombie ont perdu 35 % de leur habitat
Publié le 15 Avril 2021
par Antonio José Paz Cardona le 12 avril 2021
- Les chercheurs ont analysé l'impact de la déforestation sur 550 espèces d'oiseaux, dont 69 espèces qui ne vivent qu'en Colombie.
- De nombreux oiseaux endémiques du pays se trouveraient dans une catégorie de menace plus élevée que celle actuellement enregistrée sur la liste rouge de l'UICN. Les scientifiques insistent sur la nécessité de poursuivre les études et les travaux de terrain qui permettront de mettre en œuvre des stratégies de conservation pour éviter leur extinction.
La Colombie est l'un des pays qui compte le plus d'espèces d'oiseaux. Cependant, dans le monde entier, la perte d'habitat est l'une des principales menaces qui pèsent sur ces animaux, et le pays d'Amérique du Sud ne fait pas exception.
Une étude récente publiée dans la revue Biological Conservation a analysé l'impact de la déforestation historique - en tenant compte de différentes cartes de 1972 à 2000 - puis entre 2000 et 2015, et celle projetée entre 2015 et 2040, pour 550 espèces d'oiseaux dépendant de la forêt dans le pays.
Dans cette analyse, les chercheurs ont constaté qu'en 2015, un total de 536 de ces espèces (96,5 %) avaient perdu une partie de la forêt dans laquelle elles vivaient et que 18 % d'entre elles avaient perdu au moins la moitié de leur habitat naturel.
tangara couronné https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tangara_xanthocephala_T%C3%A1ngara_coronada_Saffron-crowned_Tanager_(8448242032).jpg
Un autre résultat inquiétant concerne les espèces endémiques (69) : "12 des espèces devraient perdre 50 % ou plus de leur habitat d'ici 2040 et ne sont pas actuellement classées comme menacées par l'UICN, ce qui suggère que de nombreuses espèces non répertoriées sont confrontées à une menace imminente d'extinction en raison de la perte continue de leur habitat", peut-on lire dans le document scientifique. L'étude considère comme endémique tout oiseau dont au moins 80 % de l'aire de répartition se trouve sur le territoire colombien.
La perte d'habitat devrait être élevée si aucune mesure n'est prise.
L'un des aspects les plus pertinents de l'étude Déforestation et perte d'habitat des oiseaux en Colombie est qu'elle analyse l'effet de la déforestation sur tous les oiseaux dépendant de la forêt dans l'ensemble du pays et ne se concentre pas uniquement sur les impacts sur une ou plusieurs espèces d'oiseaux menacées. "La déforestation est l'une des principales causes de la perte d'habitat de nombreuses espèces sous les tropiques. Nous savons que ce processus affecte plusieurs espèces, mais on ne sait généralement pas dans quelle mesure la déforestation affecte toutes les espèces de l'écosystème", explique le biologiste Pablo Negret, auteur principal de l'étude.
Les résultats ont inquiété les chercheurs car ils ont constaté une réduction drastique de l'habitat des oiseaux dépendant de la forêt au fil du temps. Dix-huit pour cent d'entre eux (99 espèces) ont perdu plus de la moitié de leur forêt en 2015 et on prévoit que, d'ici 2040, cela concernera 38 % des oiseaux (209 espèces).
Selon Negret, ils ont utilisé une méthodologie récente, connue sous le nom d'indice de perte (LI), qui leur a permis de déterminer la gravité de la perte d'habitat pour l'ensemble des oiseaux dépendant de la forêt. "Ils ont constaté que le LI actuel pour la Colombie est de 35, ce qui signifie que 35 % des espèces d'oiseaux ont perdu au moins 35 % de leur habitat [...] Le LI national devrait atteindre 43 d'ici 2040 si les tendances récentes en matière de perte de forêt se poursuivent", indique l'article.
Le professeur Martine Maron de l'Université du Queensland en Australie, un autre des auteurs de l'article, affirme que l'étude montre comment les informations satellitaires sur les changements de la couverture terrestre et la connaissance de la répartition des espèces peuvent être extrêmement utiles pour fournir une évaluation de l'état de conservation de centaines d'espèces simultanément.
Certains oiseaux ne se portent peut-être pas aussi bien qu'on le pensait.
"Nous avons pu identifier de multiples espèces que l'on croyait auparavant abondantes ou communes, mais dont notre analyse montre qu'elles perdent de grandes quantités d'habitat. Bien que cela soit inquiétant, nous pensons qu'ils feront désormais l'objet d'une plus grande attention, ce qui contribuera à prévenir leur extinction grâce, par exemple, à une évaluation plus détaillée de l'état de leurs populations ou à la mise en place d'actions de conservation dans les zones de leur distribution où un risque élevé de déforestation a été identifié", explique Negret. Précisément, la possibilité de faire progresser les actions de conservation est l'une des conclusions que les chercheurs soulignent le plus, malgré les chiffres inquiétants.
ibis rouge Par Dario Sanches — Flickr: GUARA (Eudocimus ruber), CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=16958251
"Cette étude montre comment des données satellitaires correctement traitées et analysées peuvent être très utiles pour aider à déterminer le type d'actions de conservation les plus urgentes pour plusieurs espèces. Elle permet notamment d'améliorer notre compréhension de l'état de conservation de toutes les espèces dans leur ensemble", ajoute le professeur Maron.
L'étude montre non seulement le statut général des oiseaux dépendant de la forêt en Colombie, mais fournit également une analyse détaillée pour chacune des cinq écorégions du pays - Andes, Amazonie, Orénoque, Caraïbes et Pacifique.
L'une des régions les plus préoccupantes est celle des Caraïbes car l'indice de perte pour 2015 s'élevait à 82, c'est-à-dire que jusqu'à cette année-là, 82% des espèces d'oiseaux avaient perdu 82% de leur habitat. Si la tendance se poursuit, selon l'analyse des scientifiques, l'indice sera de 90 en 2040, ce qui est très préoccupant car seules 15 espèces de la région sont répertoriées comme menacées.
Héliange tourmaline .Par Joseph C Boone — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=25209563
L'indice pour l'Amazonie était de 28 et de 14 pour le Pacifique. Bien que cette réduction n'ait pas été aussi importante, l'article souligne que dans le piémont amazonien, en raison de sa grande richesse en biodiversité, "chaque km2 d'extraction forestière a le potentiel d'entraîner la perte d'habitat pour jusqu'à 230 espèces d'oiseaux". En outre, les projections montrent que, d'ici à 2040, l'indice pour la région du Pacifique pourrait presque doubler, entraînant la perte de 26 % de l'habitat de 26 % des oiseaux.
La région des Andes concentre le plus grand nombre d'oiseaux dépendant de la forêt en Colombie et a connu la plus forte augmentation prévue de son indice de perte, qui était de 40 en 2015 et devrait atteindre 54 d'ici 2040 si aucune mesure n'est prise.
Ce sont ces données qui ont conduit des chercheurs comme Negret et Maron à envisager d'urgence une évaluation plus détaillée du statut de nombreuses populations d'oiseaux de Colombie. Par exemple, il est probable que, selon la liste rouge de l'UICN, une espèce n'est pas menacée au niveau mondial mais que ses populations dans le pays sont menacées, ce qui pourrait conduire à une extinction locale de l'espèce. Le défi est que davantage de ressources seront nécessaires pour que la Colombie puisse mener des études et des travaux de terrain afin d'aider à mettre à jour ces données, puis proposer des actions de conservation pour empêcher la disparition de nombreux oiseaux.
Todirostre familier De Dario Sanches from SÃO PAULO, BRASIL - FERREIRINHO-RELÓGIO (Todirostrum cinereum), CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3762148
Attention aux espèces endémiques
Les chercheurs ont également consacré une partie de leur analyse à l'étude du statut des oiseaux endémiques dépendant de la forêt en Colombie. "Sur les 69 espèces identifiées, 49 d'entre elles ont perdu 20 % ou plus de leur habitat historique en 2015, 40 ont perdu 30 % ou plus, 18 espèces ont perdu 50 % ou plus, et une espèce a perdu plus de 80 %", peut-on lire dans l'étude. Selon les auteurs, si l'on tient compte des pertes prévues jusqu'en 2040, les chiffres augmentent : on estime que 57 espèces perdront 20 % ou plus de leur habitat, 54 espèces en perdront 30 % ou plus, 39 espèces en perdront 50 % ou plus et 11 espèces en perdront plus de 80 %.
La nécessité de mettre à jour les informations sur de nombreux oiseaux du pays ne serait pas un caprice. Par exemple, 6 des 18 espèces qui avaient perdu 50 % ou plus de leur habitat en 2015 ne sont pas actuellement classées comme menacées par l'UICN, et ce nombre pourrait passer à 12 d'ici 2040.
"Des espèces comme Pheugopedius columbianus et Scytalopus stilesi sont en préoccupation mineure mais leur habitat a été réduit de plus de 70 % en 2015. D'après notre analyse, ces deux espèces qui ne sont pas considérées comme menacées le seront d'ici 2040 si aucune mesure n'est prise. Ils sont en très mauvais état, même si la catégorie globale de menace ne le reflète pas aujourd'hui", déclare le biologiste Pablo Negret.
Le chercheur est particulièrement préoccupé par des zones comme la Serranía de San Lucas, entre les départements d'Antioquia et de Bolívar, le Páramo de las Hermosas, entre Valle del Cauca et Tolima, et la Sierra Nevada de Santa Marta, dans les Caraïbes, où de nombreuses espèces endémiques ont perdu une grande partie de leur habitat, et où la tendance devrait se poursuivre d'ici 2040.
"Lorsque vous déboiser une forêt, de nombreuses espèces d'oiseaux peuvent s'éteindre localement et cette perte signifie une perte de services écosystémiques tels que la dispersion des graines, la pollinisation et la lutte contre les insectes, et différents organismes. En outre, les avantages économiques que ces espèces peuvent procurer aux communautés, comme l'écotourisme, sont perdus", conclut Negret.
traduction carolita d'un article paru sur Mongabay latam le 12 avril 2021
(merci d'aller directement sur le site ci-dessous pour consulter les diagrammes)
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