À vingt ans de la Marche de la couleur de la terre Les journées où tout le Mexique a vu et entendu les peuples indigènes
Publié le 6 Avril 2021
Le pays entier a été secoué il y a vingt ans lors du passage de la Marche de la couleur de la terre, une mobilisation sans précédent dans l’histoire moderne du Mexique.
Pour la première fois les peuples indiens prenaient la tête d’une vaste campagne nationale et internationale appelant à mettre à l’ordre du jour non seulement les droits et la culture indigènes, mais aussi une autre façon de faire de la politique et d’affronter le pouvoir. Les partis politiques ont été bien en dessous d’une société civile mue par l’espoir de ce qu’elle allait pouvoir construire avec ses propres forces.
La mobilisation convoquée par l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) avait plusieurs objectifs. Ils se proposaient de porter devant le Congrès de l’Union les Accords de San Andrés signés avec l’État mexicain le 16 février 1996 (avec le gouvernement antérieur) et en chemin de rencontrer l’ample mouvement indigène national et les organisations et collectifs internationaux, outre des milliers de gens de base et du monde intellectuel, artistique et scientifique.
La Marche de la couleur de la terre a fait des peuples indigènes des protagonistes de leur propre histoire au dehors de leurs communautés. Le racisme enraciné dans les institutions et de larges secteurs de la société a subi une débâcle presque aussi forte que celle que lui a assénée, le 1er janvier 1994, le soulèvement armé zapatiste et la prise de sept chefs-lieux du Chiapas. C’est jusqu’à aujourd’hui l’une des plus grandes mobilisations de l’époque moderne en marge des partis politiques et des conflits postélectoraux.
Pour le sociologue et musicien Ángel Lara, présent durant la mobilisation et scénariste du documentaire Caminantes (de Fernando León de Araona, primé la même année au Festival de cinéma de La Havane), le plus important ne fut pas la multitude et le caractère de masse du processus, mais sa valeur qualitative : « Comme le mouvement zapatiste lui-même, la marche a pris la forme d’un ensemble de paradoxes énorme et puissant. L’initiative appelait l’ordre établi à reconnaître l’autonomie et la culture des peuples indiens du Mexique, et en même temps son développement jour après jour déclenchait une massive désaffection de l’ordre établi dans tout le pays. À son passage, la marche rendait visible la dure réalité du Mexique d’en bas tout en tissant un espace politique qui n’était plus celui de l’ordre, mais une sphère publique non étatique impossible à concevoir dans les schémas traditionnels des partis et des institutions, une nouvelle qualité de démocratie, de communication, de politique, de désir de vie collective. »
Le 24 février 2001, vingt-trois commandants et un sous-commandant partent de cinq points du territoire zapatiste pour San Cristóbal de Las Casas, au Chiapas, première étape de leur itinéraire. Dans cette ville raciste par excellence ils reçoivent les bâtons de commandement des peuples indigènes qui leur ont demandé de les représenter.
Pour la première fois les peuples indiens prenaient la tête d'une vaste campagne nationale et internationale appelant à mettre à l'ordre du jour non seulement les droits et la culture indigène...