Brésil : Les indigènes isolés de la terre indigène de Massaco sont dans le collimateur de la privatisation

Publié le 13 Mars 2021

Mardi, 09 Mars, 2021

Dans le cadre du programme Adote Um Parque, le gouvernement souhaite céder à des entreprises privées des territoires où vivent des indigènes en isolement volontairement, une condition qui exige une grande expertise et la consultation des entités indigènes.

La réserve biologique de Guaporé (Rebio) a été incluse le mois dernier dans le programme "Adote Um Parque" du gouvernement fédéral. Dans le cadre de ce programme, les entreprises "adoptent" des unités de conservation et en assument la responsabilité. Les investissements, qui varient de 50 R$ pour les entreprises nationales à 70 R$ par hectare pour les entreprises étrangères, concernent les actions de surveillance, la prévention et la lutte contre les incendies de forêt et la déforestation illégale, les infrastructures et l'entretien des unités de conservation.

Le programme est lancé à un moment où le ministère de l'environnement fuit sa propre responsabilité. Depuis qu'il a pris le pouvoir, Ricardo Salles a désorganisé le MMA, l'Ibama et l'ICMBio avec des coupes budgétaires, des réductions d'effectifs et plusieurs dérégulations . Pour cette seule raison, le programme "Adoptez un parc" soulève des questions : pourquoi des entreprises privées devraient-elles assumer une fonction que l'État lui-même ne remplit pas ?

Mais dans le cas du Rebio Guaporé  la question est plus dramatique. La réserve compte 409 579 ha qui chevauchent la terre indigène de Massaco, un territoire ratifié (qui a franchi la dernière étape de la démarcation) et où l'existence d'un peuple indigène isolé a été confirmée par la FUNAI. Les peuples indigènes isolés sont des groupes de personnes indigènes qui n'ont aucun contact avec d'autres personnes indigènes ou non indigènes. Ils prennent dans la forêt tout ce dont ils ont besoin pour vivre, et leur vulnérabilité est encore plus grande que celle des populations indigènes contactées, surtout en période de pandémie.

La concession de terres indigènes à des entreprises privées est anticonstitutionnelle et viole l'article 231 de la Constitution. Les terres indigènes sont de l'usufruit exclusif du peuple indigène. Ce sont des terres de l'Union, mais qui ne peuvent être utilisées que par les peuples indigènes. Le secteur privé ne peut se les approprier par aucun mécanisme.

La carte montre le chevauchement des deux territoires


Sans enfreindre la loi, le gouvernement ne pourrait accorder que les 207 721 hectares du Rebio qui ne chevauchent pas les terres indigènes. Malgré cela, il n'y a pas de frontières dans la forêt, et rien n'empêche un indigène isolé, qui ne connaît pas les limites imposées par notre civilisation, de circuler dans d'autres zones de la réserve. Toute action dans cette unité de conservation nécessite un suivi détaillé et des connaissances techniques approfondies pour faire face à la situation fragile de ces peuples autochtones.

Il n'est ni logique ni cohérent, ni scientifiquement défendable, d'envisager dans ce nouveau programme gouvernemental des UC chevauchant des terres indigènes sans consulter dûment les organisations représentant les peuples indigènes, telles que l'Articulation des peuples indigènes du Brésil (Apib), et sans contrôle de la Fondation nationale indigène (FUNAI).

L'État brésilien est légalement responsable de la surveillance et de la protection des UC, notamment de la prévention et de la lutte contre les incendies de forêt et la déforestation illégale, ainsi que de la gestion des infrastructures et de l'entretien de ces zones protégées. Cependant, l'initiative du gouvernement fédéral de transférer cette responsabilité à l'entreprise privée ne peut garantir ni les ressources nécessaires ni les critères techniques pour une mise en œuvre efficace des mesures sans encourir de risques pour ce peuple indigène isolé du territoire indigène de Massaco.

Le choix d'une zone aussi fragile démontre le manque de clarté du ministère de l'environnement dans la conception même du programme et présente des risques pour les populations isolées qui vivent dans cette zone. Il est urgent que cette unité de conservation soit retirée de ce programme, compte tenu de tous les risques que les interventions prévues font courir aux populations autochtones et à l'intégrité de leur territoire.
 

traduction carolita d'un article paru sur le site de l'ISA le 09/03/2021

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