Lors de la Journée des défenseurs des droits de l'homme, des organisations indigènes du Paraguay et de Colombie présentent un rapport sur l'impact du COVID sur les communautés
Publié le 11 Décembre 2020
L'Association des Cabildos indigènes du Nord Cauca (Cxhab Wala Kiwe-ACIN), l'Organisation indigène d'Antioquia (OIA), la Fédération pour l'autodétermination des peuples indigènes (FAPI) et Almáciga ont publié ce mercredi 9 décembre, Journée internationale des défenseurs des droits de l'homme, le rapport "Impact du COVID-19 sur les peuples indigènes et les défenseurs des droits de l'homme indigènes en Colombie et au Paraguay".
Cliquez ici pour télécharger le rapport complet sur l'impact de COVID-19 sur les peuples autochtones (en espagnol)
Au Paraguay, le rapport a été présenté lors d'une conférence de presse à Asunción, avec la participation des dirigeants des 13 organisations des deux régions du pays qui sont membres de la FAPI. Le contenu du rapport a été partagé par Don Hipólito Acevei, président de la FAPI ; Floris Yegros, dirigeant de l'organisation FRICC, membre de la FAPI ; et César Centurión, coordinateur du réseau de communicateurs indigènes membres de la FAPI.
Ce document vise tout d'abord à rendre compte des effets de l'arrivée et de la propagation de la maladie dans les territoires indigènes - qui ont exacerbé les situations de vulnérabilité, d'appauvrissement, d'inégalité, d'exclusion et de discrimination dont souffraient auparavant les peuples indigènes - ainsi que des actions et des mesures que les organisations et les communautés ont développées pour y faire face.
Les réponses des États à la COVID ont été diverses, mais en général les mesures qu'ils ont mises en œuvre n'ont pas tenu compte des réalités locales, ni n'ont impliqué les peuples indigènes. Dans l'exercice de leur autodétermination et de leur autonomie, ces peuples ont mis en œuvre leurs propres actions pour prévenir et atténuer le virus, en fonction de leurs modes de vie, de leurs cultures, de leurs modèles d'organisation, de leur lien avec leurs terres et des liens communautaires solides qu'ils entretiennent. Parmi les plus courantes, on peut citer l'auto-isolement et la restriction de l'entrée et de la sortie des communautés ; l'application de leurs connaissances et pratiques traditionnelles, par le recours à la médecine traditionnelle et la célébration de rituels pour rétablir l'harmonie et l'équilibre ; le renforcement de leurs pratiques agricoles ; et le développement d'actions de solidarité pour la distribution de nourriture.
Dans de nombreux cas, les organisations autochtones ont mis en place leurs propres systèmes de surveillance pour suivre la propagation de la maladie et fournir des données pour aider à la prise de décision et à l'action en temps utile. En outre, ils ont élaboré et diffusé des documents en langues indigènes et sous différents formats contenant des informations sur le virus et les moyens de le prévenir et de l'atténuer.
Comme l'a noté le rapporteur spécial sur les droits de l'homme des peuples autochtones, ces peuples "qui jouissent de leur droit collectif à l'autonomie dans le cadre de leur droit à l'autodétermination (...) ceux qui peuvent compter sur leurs pratiques agricoles soutenables et la disponibilité des aliments dans leurs territoires et peuvent adopter des décisions au niveau communautaire" sont ceux qui ont démontré la plus grande résistance et résilience face à la crise.
Parmi les peuples indigènes des deux pays, la situation de vulnérabilité est une constante, encore plus grave en raison de l'absence de mise en œuvre effective des droits qui leur ont été reconnus. Dans le cas de la Colombie, la présence et les actions des groupes armés et des organisations criminelles dans les territoires indigènes multiplient les risques pour la survie et l'harmonie des communautés. Le scénario est compliqué par l'absence de mise en œuvre des accords de paix scellés en 2016 entre le gouvernement et les FARC. Au Paraguay, ce sont les intérêts privés et commerciaux - favorisés par une sécurité juridique précaire - qui mettent le plus clairement en danger les possibilités de survie des populations indigènes du pays.
Le rapport fournit également des données sur l'impact sur les droits de l'homme dans les zones où les organisations indigènes qui l'ont préparé effectuent leur travail, qui n'a pas cessé de se produire même pendant les mois où les gouvernements paraguayen et colombien ont décrété l'isolement obligatoire de la population.
La violence déclenchée en Colombie contre les leaders sociaux et les défenseurs des droits de l'homme est particulièrement grave. Selon l'Institut d'études pour le développement et la paix (Indepaz), 281 dirigeants et défenseurs des droits de l'homme ont été assassinés entre le 1er janvier et le 5 décembre 2020, dont 101 (36 %) étaient des autochtones (dont 12 % de femmes). 1] Pour sa part, le programme Somos Defensores, à travers son Système d'information sur les agressions contre les défenseurs des droits de l'homme en Colombie (SIADDHH), a enregistré un total de 184 agressions contre 182 défenseurs des droits de l'homme au cours du troisième trimestre de cette année, y compris les menaces et les attaques, Dans son dernier rapport, le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, les assassinats, les détentions arbitraires, les disparitions forcées, les procédures judiciaires et le vol d'informations révèle un panorama de violence soutenue, qui a aggravé les conditions de vulnérabilité et le manque de protection du travail des défenseurs des droits de l'homme.
La situation dans la partie nord du Cauca est, comme le souligne l'ACIN, une urgence humanitaire absolue. Les effets sur les droits de l'homme ont augmenté par rapport aux années précédentes. Entre le 1er janvier et le 30 novembre, l'organisation a enregistré un total de 220 assassinats, menaces, attaques, surveillance et persécution, ainsi que des combats et du harcèlement. Ce chiffre n'inclut pas les événements du dernier week-end : le massacre perpétré à Gualanday, au cours duquel cinq personnes ont été tuées et une autre blessées, et la diffusion d'un pamphlet, supposé signé par les FARC-EP, annonçant des actions contre plusieurs dirigeants indigènes et contre l'ACIN en général. Les dirigeants indigènes et les défenseurs des droits de l'homme, dont les Kiwe Thegnas (gardiens du territoire), font partie des groupes les plus menacés et les plus touchés par la violence.
Dans l'Atrato Medio d'Antioquia, les communautés Embera Ejábida et Embera Dobida souffrent des conséquences du transit d'acteurs armés sur leurs territoires. Au cours de ces mois, de nombreuses familles indigènes ont été contraintes de se confiner pour se protéger des tirs croisés. Les mines antipersonnel plantées partout ont fait des victimes parmi les comuneros et les comuneras.
Au Paraguay, la pandémie n'a pas arrêté les processus d'expulsion des communautés indigènes de leurs terres ancestrales, ni les pressions judiciaires sur ceux qui luttent pour défendre leur droit à la terre et au territoire. L'accès à leurs terres et leur sécurisation restent la principale préoccupation des communautés et des peuples indigènes du pays, qui sont impuissants face aux invasions, aux abus, aux déplacements, au harcèlement et aux persécutions. Menacées par l'insécurité alimentaire, qui s'est aggravée pendant la quarantaine, les communautés ont vu leurs droits de pratiquer leur économie traditionnelle, ou de vivre dans un environnement sain, violés pendant cette période.
Le rapport a été préparé dans le cadre du projet "Renforcement des capacités des organisations indigènes en Colombie et au Paraguay pour la défense et la protection des droits collectifs des peuples qu'elles représentent, en particulier les droits à leurs terres, territoires et environnement", cofinancé par l'Union européenne.
1] Données extraites de http://www.indepaz.org.co/lideres/ (05/12/2020).
traduction carolita d'un article paru sur le site de la FAPI le 10/12/2020