Mexique - Na Savi : Peuple de la pluie

Publié le 11 Septembre 2020

Nous nous appelons na savi, le peuple de la pluie. Le nom est lié à notre divinité sacrée Savi qui signifie "pluie". Notre langue est le tu'un savi, le mot pour la pluie. Le concept historique culturel que nous revendiquons et avec lequel nous nous désignons est "tu'un savi", le peuple de la pluie. Le vaste territoire historique où nous cohabitons est le Ñu'u Savi, Terre ou territoire de la pluie et comprend actuellement trois entités qui sont Oaxaca, Puebla et Guerrero (Ñuu Nduva, Ñuu Ita Ndio'o, Ñuu Koatyi). Certains des endroits où vivent les membres du peuple de la Pluie se trouvent à Kiu'un (la Montaña) ; Ñu'u Ñi'ni (Terre chaude), Ñuu Ndivi (Costa) et dans le vaste territoire qui est cohabité et partagé avec d'autres peuples indigènes, les métis et les afro-descendants.

Pendant plusieurs siècles, la division administrative imposée par les colonisateurs a conduit à la fragmentation du territoire des Ñú ou Savi. Cette division est aujourd'hui connue sous les noms de Mixteca du Guerrero , Mixteca de l'Oaxaca et Mixteca de Puebla , en plus d'autres désignations telles que Mixteca alta, Mixteca baja ou Mixteca de la costa. Les Na Savi partagent une expérience historique de colonisation, de négation de la culture, d'encomiendas, de repartimientos, d'haciendas, d'exploitation, de répression, de mobilité sociale, de processus de transculturation, d'évangélisation, de révoltes contre les pouvoirs locaux, d'articulation avec d'autres mouvements sociaux, de politiques de développement promues par le gouvernement et, ces dernières années, d'incorporation d'un mouvement indigène qui lutte pour le respect des droits les plus élémentaires. Autrefois, nos ancêtres se battaient contre les encomenderos, les corregidores ou les caciques. Dans la Montaña du Guerrero, ils ont accompagné les luttes insurrectionnelles de José María Morelos y Pavón, Vicente Guerrero, Emiliano Zapata et d'autres personnages historiques. Aujourd'hui, les gens sont impliqués dans des processus de lutte contemporaine.

L'identité na savi est fondée sur la langue, l'histoire, la façon dont le monde est conçu et les liens communautaires. Depuis des siècles, un système d'organisation sociale et rituelle a été maintenu qui réaffirme les liens avec des entités sacrées telles que la foudre (taxa), les vents (tatyi), les collines (yuku), les nuages (viko), les plantes et les arbres, les animaux (kiti), les grottes (kahua), les rivières (yita), la terre (ñu'u), les morts (ndií), les graines et les grains tels que le maïs (nuní), les haricots (nduchi), la citrouille (yikin), les esprits de la montagne et d'autres divinités.

Les festivités et les rituels tournent autour de deux temps : la saison sèche et la saison des pluies. Le cœur symbolique de notre identité se trouve dans la pluie. Yoko Savi est l'esprit de la pluie sacrée qui est invoquée au mois d'avril et qui fournit de l'eau, de la nourriture, des bénédictions, assure la vie et fait germer les graines dans le monde. En octobre et novembre, la fête des morts, Viko Ndii, est célébrée. Cette fête convoque la réunion des voisins dans différents endroits et c'est la date à laquelle les autorités sont choisies pour être le moment propice et avoir comme invités d'honneur les esprits des ancêtres. Ces actes revitalisent et renforcent la mémoire historique collective qui s'exprime dans cette prise en charge du mandat communautaire. Les autorités doivent assumer leurs responsabilités, sinon l'esprit des ancêtres rendra justice à la communauté en accordant l'harmonie ou la punition. Dans la vie religieuse, le bureau du saint catholique a été retravaillé pour l'adapter au système et au calendrier des fêtes. Et en janvier, le jour de l'an (Kuiya Xá), les autorités sont changées (Na Ve'e Tyun, ceux qui sont dans la maison du travail, ceux qui montrent le chemin du peuple et doivent guider). Les autorités rendent service et travaillent pour tout le monde. C'est une façon de faire la "sama nda'a na nta'anyo" (le changement de mains entre frères), qui est l'échange réciproque de biens symboliques et matériels et de travail physique pour des tâches familiales, agricoles ou communautaires. Le travail en tant que service fait partie de l'honneur, du respect, et pour que le sujet ne soit pas caché à la vue (na a nikasi nuu yo). C'est le meilleur moyen d'acquérir du prestige et un respect formel devant la famille et la communauté.

Être ta savi ou ña'a savi est un processus relationnel avec ses pairs, avec la communauté, son histoire, sa vie religieuse et le territoire. Pour nous, Ñu'u, la terre n'est pas seulement l'espace géographique qui fournit de la nourriture, c'est le territoire sacré, le lieu où les gens s'installent et où la vie communautaire est menée et reproduite. C'est pourquoi il est respecté et face à l'ingérence d'agents extérieurs qui cherchent à perturber les populations, à imposer des politiques publiques, à installer des mines, à exploiter les forêts, à privatiser la terre et à attaquer les ressources des populations, des actions de défense sont promues sur la base du droit, de l'histoire, de la coutume et de la vision du monde. Ñuu yo, c'est notre peuple, et il comprend la terre et les éléments matériels dans lesquels nous nous trouvons, mais il se réfère à notre peuple comme un espace collectif dans lequel la vie est donnée. Ainsi, le Ñuu yoo est notre peuple et aussi notre terre. Ainsi, nous avons le Ñuu Yivi : c'est le peuple du peuple, mais la connotation est qu'il est lié au monde. Le lieu où vivent les hommes vivants, l'humanité. C'est pourquoi il y a les Ñuu Ndii, le peuple sacré, des morts.

Sur le territoire, on doit essayer de coexister, comme l'indiquent les anciens : na kundoyo, na ku taku yo va'a xi'in na nta'an yo, xi'in na ve'e yo. Que signifie "vivre ou être bien avec nos frères et sœurs et ceux de notre maison ou de notre famille" ? Être" signifie "exister" dans la vie, avec ses frères et sœurs, ce qui implique de faire partie d'un collectif plus large qui commence précisément dans la sphère familiale mais s'étend à la communauté. "Bien vivre" signifie cohabiter dans un espace social et territorial en harmonie personnelle et collective et disposer des ressources nécessaires pour vivre avec justice. "Kuu taku yo" fait référence à l'existence, la palpitation, la germination en tant que na yivi, en tant que personnes et êtres humains sur notre terre. C'est pourquoi il est courant de dire : An sivi ta yivi ku ún ? (Quoi, vous n'êtes pas un peuple ?). Être un peuple, c'est donc avoir un nom, un lieu, un sentiment d'appartenance et une terre. Pour que vous ne cachiez pas votre visage. Etre et exister sont liés non seulement à l'existence, mais aussi à l'espace social et territorial où le sujet se déplace, habite et construit sa vie.

Les Na savi accordent une grande valeur et un grand respect à la langue dans la vie quotidienne, dans les événements rituels et dans la nomination des autorités communautaires. Il est important que l'individu agisse comme il l'a dit ou comme il s'est engagé à le faire, car il "tient parole". Pour cette raison, l'accomplissement de ses activités implique une reconnaissance, un prestige, un honneur ou un respect. Ainsi, respecter "ce qui est dit lors d'événements ou de cérémonies de changement d'autorités, c'est respecter la communauté et les frères et sœurs. C'est de respect que nous parlons : "Ña to'o va ku ña ka'an yo".

Le peuple Na savi est issu d'une histoire millénaire. Après la colonisation, nos sages ont gardé les secrets et le savoir, les voix, la parole et la dignité. Ils ont caché dans les montagnes, dans l'eau, dans les pierres, dans les milpas et dans les feux les mots et la volonté de marcher. Ils transmettaient des histoires et des secrets de bouche à oreille, dans les rituels et les fêtes, dans les assemblées, dans une histoire éclairés par les bougies, dans la résistance quotidienne, dans le silence de la parole. Ils ont caché le mot au "plus profond de l'âme" et maintenant ce mot renaît et accompagne la marche et les luttes.

 

—————————

| Jaime Garcia Leyva, ñuu savi écrivain de La Victoria, Guerrero Son dernier livre s'intitule Na savi. Les gens de la pluie.

traduction carolita du site ojarasca.jornada 09/09/2016

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article