Consternados, rabiosos de Mario Benedetti
Publié le 4 Août 2020
Consternés, furieux
Allons-y,
vaincre les affronts.
ERNESTO "CHE" GUEVARA
C'est ainsi que nous sommes
consternés
furieux
même si ce décès est
l'une des absurdités prévisibles
c'est embarrassant de regarder
les tableaux
les chaises
les tapis
sortir une bouteille du réfrigérateur
taper les trois lettres mondiales de ton nom
sur la machine rigide
qui jamais
jamais n'a été
avec le ruban si pâle
honte d'avoir froid
et se blottir contre le poêle comme d'habitude
avoir faim et manger
cette chose si simple
ouvrir le tourne-disque et écouter en silence
surtout s'il s'agit d'un quatuor de Mozart
on a honte du confort
et l'asthme est gênant
lorsque toi commandant est en train de tomber
mitraillé
super
fabuleux
net
tu es notre conscience criblée
ils disent qu'ils t'ont brûlé
avec quel feu
vont-ils brûler les bonnes
les bonnes nouvelles
la tendresse irascible
que tu as apportée et prise
avec ta toux
avec ta boue
ils disent qu'ils ont incinéré
toute ta vocation
moins un doigt
cela suffit pour nous montrer la voie
pour accuser le monstre et ses tisons
pour tirer à nouveau sur la gâchette
c'est ainsi que nous sommes
consternés
furieux
c'est clair que le temps va plomber
la consternation
cela nous passera
la rage restera
elle deviendra plus propre
tu es mort
tu es vivant
tu es en train de tomber
ces nuages
cette pluie
tu es une étoile
où que tu sois
si tu es qui tu es
si tu es arrivé
profite enfin
respire calmement
pour remplir de ciel tes poumons
où que tu sois
si tu es celui que tu es
si tu es arrivé
il serait dommage que Dieu n'existe pas
mais il y en aura d'autres
c'est clair qu'il y en aura d'autres
dignes de te recevoir
commandant.
Mario Benedetti, traduction carolita
Consternados, rabiosos
Vámonos,
derrotando afrentas.
ERNESTO "CHE" GUEVARA
Así estamos
consternados
rabiosos
aunque esta muerte sea
uno de los absurdos previsibles
da vergüenza mirar
los cuadros
los sillones
las alfombras
sacar una botella del refrigerador
teclear las tres letras mundiales de tu nombre
en la rígida máquina
que nunca
nuca estuvo
con la cinta tan pálida
vergüenza tener frío
y arrimarse a la estufa como siempre
tener hambre y comer
esa cosa tan simple
abrir el tocadiscos y escuchar en silencio
sobre todo si es un cuarteto de Mozart
da vergüenza el confort
y el asma da vergüenza
cuando tú comandante estás cayendo
ametrallado
fabuloso
nítido
eres nuestra conciencia acribillada
dicen que te quemaron
con qué fuego
van a quemar las buenas
las buenas nuevas
la irascible ternura
que trajiste y llevaste
con tu tos
con tu barro
dicen que incineraron
toda tu vocación
menos un dedo
basta para mostrarnos el camino
para acusar al monstruo y sus tizones
para apretar de nuevo los gatillos
así estamos
consternados
rabiosos
claro que con el tiempo la plomiza
consternación
se nos irá pasando
la rabia quedará
se hará mas limpia
estás muerto
estás vivo
estás cayendo
estás nube
estás lluvia
estás estrella
donde estés
si es que estás
si estás llegando
aprovecha por fin
a respirar tranquilo
a llenarte de cielo los pulmones
donde estés
si es que estás
si estás llegando
será una pena que no exista Dios
pero habrá otros
claro que habrá otros
dignos de recibirte
comandante.
Mario Benedetti