Brésil - Protocole de Nagoya : ironiquement ratifié

Publié le 11 Août 2020


Vendredi 7 août 2020

Nurit Bensusan, conseillère de l'ISA et experte en biodiversité

La récente ratification du protocole de Nagoya a une composante ironique. Ce protocole, négocié il y a dix ans lors de la 10e conférence des parties à la convention sur la biodiversité à Nagoya, au Japon, sous la direction du Brésil, traite de l'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles, en plus du partage des avantages qui devraient résulter de cet accès.

Selon la Convention, à laquelle le protocole est lié, les pays ont la souveraineté sur leurs ressources génétiques ou leur patrimoine génétique, pour reprendre le langage de notre Constitution et de la loi 13.123/2015. Ils peuvent également exiger le partage des bénéfices tirés de l'utilisation de ces ressources. Le protocole stipule que ses membres, utilisateurs et fournisseurs de ces ressources et connaissances, doivent veiller à ce que l'accès et le partage des avantages se fassent conformément à la législation de chaque pays, c'est-à-dire une obligation de surveillance mutuelle où les pays utilisateurs doivent respecter la législation des pays fournisseurs.

Il est ironique que pendant des années, bien que le Brésil ait joué un rôle clé dans les négociations du protocole, le pays ait été réticent à le signer, alléguant principalement des pertes possibles de sa production agricole. Bien que ces allégations aient un certain fondement, la plupart des pays qui fournissent des ressources génétiques agricoles au Brésil ayant adhéré au protocole, ces arguments se sont affaiblis, car même si le Brésil était en dehors du traité, il devrait respecter les règles d'accès et de partage des avantages des autres pays.

Maintenant que le pays a été considéré au niveau international comme un méchant de l'environnement et que cela nuit à l'image de l'agrobusiness brésilien, en entravant les exportations, le pays ratifie le protocole, peut-être dans l'espoir d'apparaître moins prédateur aux yeux du monde.

On ne peut pas non plus manquer de souligner l'ironie d'une des déclarations de divers secteurs sur les avantages de la ratification du traité. Il s'agit de la possibilité de participer à ses réunions et de négocier les différents aspects de sa future mise en œuvre. L'ironie réside dans le fait que, depuis le début du gouvernement actuel, les négociateurs brésiliens ont tout fait pour empêcher les progrès de la Convention sur la biodiversité. La présence du Brésil, en tant que membre du protocole, au lieu de susciter la joie de ses pairs - après tout, le Brésil est l'un des pays qui possède la plus grande biodiversité au monde - devrait donner des frissons à ceux qui ont l'intention de voir la norme mise en œuvre.

Les communautés indigènes et traditionnelles menacées

Il convient également de souligner l'ironie de la ratification d'un protocole qui reconnaît, bien que de façon tiède, le droit des peuples indigènes et des communautés locales à consentir à l'accès à leurs connaissances et à recevoir la distribution des bénéfices dus, à un moment où l'existence de ces peuples et communautés est menacée, leurs territoires, envahis et leurs connaissances, en voie de disparition.

Enfin, il est ironique qu'un pays qui fait tout pour mettre fin à ses forêts et à sa biodiversité - comme s'il s'agissait d'une malédiction dont on veut se débarrasser le plus vite possible - ratifie un traité international qui s'inscrit dans une stratégie de conservation de la biodiversité. L'adhésion au protocole de Nagoya pourrait signifier le début d'une nouvelle voie, avec davantage d'investissements dans l'utilisation de la biodiversité et des connaissances des peuples indigènes et des communautés locales pour générer l'innovation, créant ainsi une nouvelle économie, plus inclusive et moins prédatrice. Ce n'est certainement pas ce qui se passera.

Le protocole n'est pas un instrument fort avec des dispositions claires à respecter. Dans ce contexte, la ratification ne sera qu'une tentative de paraître plus respectueuse de l'environnement aux yeux des autres pays et une chance d'éviter la mise en œuvre de la norme, en utilisant sa nouvelle position de membre pour empêcher tout progrès. Il convient de rappeler que, comme dans les négociations de la Convention sur la biodiversité, toutes les décisions doivent être prises par consensus. Ainsi, il suffit qu'un pays dise non, pour que rien n'avance. Ce pays a maintenant un nom et une adresse.

Qu'est-ce que la Convention sur la biodiversité (CDB) ?

Signée à Eco-92, la Convention sur la biodiversité (CDB) est un traité international multilatéral ratifié par plus de 180 pays. Le Brésil a ratifié la CDB en 1994 et depuis lors, la Convention fait partie de sa législation. Elle comporte un ensemble d'articles qui fournissent des lignes directrices pour les politiques publiques nationales, pour la création d'instruments de conservation et d'utilisation durable de la biodiversité et pour la mise en œuvre de mécanismes, par tous les secteurs de la société, pour la protection de la biodiversité et des services écosystémiques.

La convention a trois objectifs principaux : conserver la biodiversité, promouvoir son utilisation durable et partager les bénéfices tirés de cette utilisation. La CDB a créé une série d'objectifs à atteindre par les pays participants au cours de la dernière décennie, mais le degré de mise en œuvre a été faible et la perte de biodiversité continue de s'accentuer dans le monde entier. De nouveaux objectifs sont en cours de préparation pour les décennies à venir.

La convention comporte deux protocoles auxquels les membres peuvent adhérer séparément : le protocole de Carthagène sur la biosécurité et le protocole de Nagoya. Les deux, une fois ratifiées, deviennent des lois.

Quelles sont les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles ?

Le patrimoine génétique est l'ensemble des ressources génétiques de la biodiversité et de l'agrobiodiversité contenues dans les animaux, les plantes ou les microorganismes, dans les cellules, les tissus, les fluides corporels, les huiles et les résines que l'on trouve dans les forêts, les savanes, les océans, les champs de culture et d'autres environnements. Les peuples indigènes, les quilombolas et les communautés riveraines, entre autres communautés traditionnelles, en plus des agriculteurs familiaux, gèrent, sélectionnent et conservent ces ressources pendant des décennies, des siècles et même des milliers d'années. Les informations, les connaissances et les pratiques à leur sujet sont appelées connaissances traditionnelles. Le patrimoine génétique et les connaissances traditionnelles servent tous deux de base à la recherche et à l'innovation et peuvent déboucher sur des produits issus de l'industrie médicale, des semences, de la chimie fine, des denrées alimentaires, des cosmétiques et des produits d'hygiène, entre autres. Dans le cadre juridique actuel du Brésil, les communautés traditionnelles sont appelées "détentrices" de ces connaissances, tandis que les chercheurs et les développeurs de ces produits sont appelés "utilisateurs" du patrimoine génétique et des connaissances traditionnelles.

Qu'est-ce que le "partage des avantages" prévu dans la CDB ?

La CDB prévoit que ceux qui utilisent et exploitent économiquement les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles doivent rémunérer "de manière juste et équitable" les détenteurs de ces ressources et connaissances, en reconnaissant qu'elles constituent un outil précieux pour la production de connaissances.

Qu'est-ce que le "consentement libre, préalable et éclairé" ?

Le "consentement libre, préalable et informé ou éclairé" est la consultation des détenteurs des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées à la biodiversité - les peuples indigènes et traditionnels - sur leur utilisation et leur exploitation. Toute utilisation prévue de ces ressources et connaissances doit être précédée d'un processus de discussion avec la communauté qui en est propriétaire, afin qu'elle soit informée, selon sa langue et ses coutumes, des produits et avantages à obtenir, en lui garantissant un délai suffisant pour comprendre ces informations et pouvoir décider et autoriser ou non, de manière autonome, l'utilisation prévue. Si la consultation implique une autorisation d'utilisation et, à son tour, le développement d'un produit ou d'un procédé à usage économique, elle peut également générer un contrat de partage des bénéfices entre les parties.

traduction carolita d'un article paru sur socioambiental.org le 07/08/2020

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