Les fleurs rouges et blanches de mon jardin - De Luis Chávez Rodríguez
Publié le 29 Juillet 2020
Photo : Luis Chávez Rodríguez
Luis Chávez Rodríguez. La maison du colibri à Chirimoto-Amazonas
Aujourd'hui, 28 juillet, je me suis levé tôt pour arroser mon jardin et j'ai trouvé une surprise énigmatique. Cette plante qui pousse ici loin de mon pays, où je passe l'infinie quarantaine, en ces mois où je devrais travailler dans ma petite chacra à Chirimoto, en Amazonie, au Pérou, certains l'appellent : "Sauge péruvienne". Mais en réalité, son nom technique est "Salvia microphylla hot lips", en raison des couleurs rouges et blanches et de la sensualité veloutée de ses feuilles, une caractéristique qu'elle partage avec de nombreuses autres variétés de sauge, qui sont abondantes dans mon village amazonien.
La relation spéciale que j'ai entretenue toute ma vie avec la sauge, et tous mes compatriotes savent à quoi je me réfère, a fait que cette sauge ornementale - il y a aussi celles aux vertus médicinales, culinaires, psychoactives et d'autres usages - je l'aime beaucoup, et comme je vous le dis, aujourd'hui, le 28 juillet, mon amie s'est réveillée capricieusement fleurie, montrant tout son charme.
Je crois que cette plante me connaît très bien, car la rencontre que j'ai eue avec elle aujourd'hui, le 28 juillet, elle l'a anticipée à l'avance avec préméditation. J'arrose mes plantes un jour sur deux et quand je verse l'eau sur la sauge, sur sa fine tige grisâtre, il n'y a pas que moi qui la regarde et lui dit quelques paroles amicales et même parfois, qui lui chante faux une chansonnette. Je soupçonne que c'est elle aussi qui me regarde ou me ressent de sa délicatesse imperturbable.
Depuis quelques semaines maintenant, je suis très attristé par la mort de parents très chers dans mon village, Chirimoto, de mes compatriotes dans tout le Pérou et de mes frères et sœurs humains dans le monde entier. Mais dans mon pays, cette tragédie semble faire rage avec les plus pauvres et surtout, dans ma région amazonienne, avec les frères et sœurs indigènes Awajún et Wampí. Et la raison n'en est pas seulement la pandémie planétaire dont nous souffrons tous : au Pérou, dans ma chère patrie, c'est la rapacité de l'administration politique et économique que nous avons eue au cours de ces 200 dernières années. Nous sommes tous très clairs à ce sujet et je ne vais pas m'attarder sur cette tragique histoire de batailles de libération que nous, les péruviens, vivons depuis plus de 200 ans. Il sera temps de faire le point, maintenant que le bicentenaire approche l'année prochaine, car nous, les péruviens, devons trouver une solution pour mettre fin à la tristement célèbre histoire de notre pays. Le Pérou bien-aimé, pour la plupart des péruviens, ne peut plus supporter 100 années supplémentaires d'injustice et de pillage jusqu'à un Tricentenaire.
Laissons donc ce triste sujet pour l'instant et retournons dans mon jardin. Un jardin, dont j'ai appris à prendre soin en suivant les conseils de mes cousines : Susana, Mariela, Maritza et Rosita, à Chirimoto, qui ont de charmants jardins.
J'ai aussi beaucoup appris sur les plantes en suivant la sagesse des Awajún, des Wampis, des Shipibo, des Bora et de toutes les cultures amazoniennes. J'ai appris que ces plantes et toutes les plantes peuvent communiquer avec nous, les humains. J'ai appris qu'elles sont encore plus intelligentes que nous et qu'elles ont un esprit particulier qui les habite et leur permet de grandir, si l'homme ou un autre type d'animal ne les entrave pas et ne les opprime pas.
Avec toutes ces connaissances, je n'aurais pas dû être surpris ce matin lorsque ma chère "sauge péruvienne" s'est si joliment habillée aux couleurs du drapeau de ma lointaine patrie. De plus, la sauge était associée à un fuchsia, dont je prends soin également et qui fleurissait lui aussi en blanc et rouge et en rouge et blanc. Ces deux plantes, en plus de me donner leurs couleurs, qui pour un péruvien signifient tant, attirent tous ces jours d'été, les colibris du nord, qui viennent boire leur nectar. Les colibris, ces petits oiseaux avec lesquels j'ai aussi un ancien et merveilleux accord et qui, comme la sauge, volent du sud au nord, sans frontières, sur tout le continent américain.
Quand j'ai vu ce spectacle blanc-rouge de sauge et de fuchsia en ce 28 juillet, je n'ai pas pu retenir mes larmes, mais aussi, un sourire plus ou moins tranquille, m'a incité à prendre une longue respiration, comme un profond soupir, comme si nous essayions d'atteindre l'oxygène propre qui abonde dans les montagnes et les plaines de Chirimoto, Amazonas, Pérou et j'ai pensé à José de San Martín, qui rêvait à Paracas avec les couleurs de notre drapeau, auquel nous devons, obligatoirement, mettre pour le Bicentenaire, un arc-en-ciel qui traverse son horizon.
Traduction carolita d'un article de Luis Chávez Rodríguez paru sur notociaasser.pe le 28/07/2020
Chanson ajoutée par moi-même pour illustrer ce magnifique et émouvant texte de Luis.