Des plantes et des hommes : Le matico ou poivrier à épis crochus
Publié le 31 Juillet 2020
By João Medeiros - Piper aduncum, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=9510519
Le matico ou piper aduncum L. est une plante native du Pérou mais qui pousse également dans les vallées inter-andines de Bolivie, Chili, Equateur, Colombie, ainsi qu’au Mexique et en Asie. Cet article présente la plante de façon succincte et son utilisation par les peuples originaires de la selva péruvienne en partant de son actualité dans la lutte actuelle contre le COVID-19.
C’est un arbuste pérenne qui peut atteindre 3 mètres de haut et que l’on trouve aussi bien à l’état sauvage que sous une forme domestiquée sur la Costa, la Sierra et la Selva péruviennes jusqu’à 3000 mètres d’altitude.
Usage au Pérou
Dans la médecine traditionnelle péruvienne cette plante est connue sous les noms de « matico », « herbe du soldat », « cordoncillo » elle est utilisée en décoction pour la désinfection externe des blessures.
Dans d’autres utilisations elle sert de cicatrisant, d'anti-cancérogène, d'anti-diarrhéique, d'antivenin et pour le traitement des refroidissements, des bronchites, de l’herpès, des ulcères à l’estomac et de la constipation.
Les blessures et les plaies cutanées sont traitées avec un emplâtre de feuilles de matico et une infusion concentrée de celles-ci.
Son utilisation à Pullcapa (Amazonie péruvienne)
Le cordoncillo ou matico est utilisé pour traiter les troubles respiratoires. Les peuples indigènes mais aussi les métis le connaissent bien à travers la transmission orale des savoirs et dans ce moment où le monde et le territoire amazonien subissent de plein fouet la pandémie du nouveau coronavirus ou COVID-19, au moment où l’état péruvien n’a pas été en mesure d’apporter aux peuples indigènes l’aide qu’ils demandaient et étaient en droit d’attendre, ils se sont tournés vers leur pharmacopée traditionnelle, très riche et dont le matico fait partie pour soigner les formes les moins graves de la maladie. Le matico est devenu comme un symbole contre la mort, un symbole de survie, un symbole d’espérance. Les peuples mettent l’accent sur leurs principes de prévention car ils savent bien que lorsque le COVID -19 et le vent maléfique qui vient de la ville les attaque avec leur poison mortel, ils ne peuvent pas lutter contre la mort.
Ils ont le souvenir d’autres épidémies qui sont encore très présentes dans leur mémoire, pour cette raison, la nature, les plantes, la montagne sont leur seul refuge. (Source Luis Chávez Rodríguez).
Le matico entre dans la lutte contre le COVID-19
Alors que des experts dans le domaine de la culture amazonienne, comme l'anthropologue Luisa Elvira Belaunde, dans son article paru dans La Mula, Les plantes de la forêt secourent la ville (en français), évalue positivement cette réponse des communautés indigènes et ses multiples dimensions, dans d'autres médias comme Ojo Público, dans un rapport intitulé, Faux traitements : Les remèdes frauduleux et autres mensonges sur le Covid-19 (en espagnol) déclarent sans ambages : "Conclusion : toute recette maison contre le Covid-19 est fausse", interdisant ainsi l'utilisation de "remèdes maison" sans tenir compte du contexte beaucoup plus large d'où proviennent ces remèdes dont l'efficacité a été prouvée. Ces utilisations domestiques ne se limitent pas seulement à la tradition des peuples indigènes, mais font également partie de notre pharmacie populaire et domestique sur la côte, dans les hautes terres et dans la selva. Qui n'a pas eu une limonade chaude avec du miel ou une infusion de matico, pour neutraliser les frissons d'un rhume, et ne s'est pas senti mieux ?
L'une de ces réponses qui a émergé en Amazonie péruvienne, et que l'on peut voir dans cet ensemble de traditions artisanales pour atténuer l'agressivité d'un problème respiratoire, est la création du courageux "Comando matico". En plus d'être une réponse ironique au célèbre "Comando Covid", à Pucallpa, un groupe de jeunes s'est réuni pour combler un vide et leur objectif est de fournir des plantes médicinales aux villages en quarantaine adjacents aux villes, en particulier aux familles qui présentent déjà des symptômes de troubles respiratoires. Leur zone d'intervention se situe dans les districts de Yarinacocha, Manantay et Callería et, en raison de l'impact que cette initiative a eu, elle est reproduite dans d'autres endroits comme la province de Padre Abad, dans les villages des rives de la rivière Aguaytía, comme me l'a indiqué Nestor Paiva, un de ses membres, lors d'une conversation téléphonique. Ce groupe de militants Shipibo-Konibos est composé de jeunes communicateurs interculturels qui, en outre, ont développé un travail d'information et de prévention sur la maladie, Covid-19, par le biais de la radio et des médias audiovisuels sur Internet. Au départ, il a été formé par Nestor Paiva Pinedo, Alexander Shimcopat Soria, Elmer Elvio Cairuna Sánchez, Rafael García et Mery Fasabi Sánchez, qui ont rejoint le groupe avec l'expérience que leur donne leur pratique de la médecine traditionnelle. Un groupe de personnes courageuses qui sont remerciées pour leur travail et leur exemple.
Cette initiative, du "Comando matico", ne naît pas d'un élan humanitaire spontané et improvisé mais provient d'une pratique millénaire, dont les composantes sont la sagesse ancestrale et la solidarité, toutes deux faisant partie des stratégies fondamentales qui ont permis aux peuples indigènes de survivre, tout au long de leur histoire, en particulier depuis la présence occidentale sur le territoire américain, qui a été, de manière directe ou indirecte, la cause des multiples pandémies qui ont décimé leur population. Cette pratique a un rite central à partir duquel la médecine traditionnelle et la spiritualité indigène amazonienne sont organisées. Son nom est assez connu, probablement beaucoup plus qu'au Pérou même, dans d'autres continents et il est appelé "La cérémonie de l'Ayahuasca". (source Luis Chávez Rodríguez)
Les vertus
Il a été possible de vérifier dans des modèles in vitro que les extraits bruts de piper aduncum ont une activité anti-inflammatoire, antibactérienne, antifongique, antivirale, cytotoxique et antiparasitaire.
Plusieurs études phytochimiques rapportent que p.aduncum contient une grande variété de métabolites secondaires qui peuvent être regroupés en phénylpropanoïdes, dérivés de benzoïque, chromènes et flavonoïdes.
Les extraits crus des feuilles de p.aduncum possèdent une activité antivirale et antifongique (23-24)
Cependant Caceres et al.(23) n’ont pas trouvé d’activité anti candida albicans dans l’extrait cru des feuilles provenant du Guatemala.
L’extrait méthanolique des feuilles et des racines de p.aduncum possède une activité contre les larves de aedes agypti.
L’huile essentielle de p.aduncum du Brésil a une concentration de 20mg/ml est active contre les micro-organismes escherichia coli, staphylococcus aureus, mycobacterium smegmatis, cryptococcus neoformans et saccharomyces cerevisiae.
Dans des études chimiques sur p.aduncum (et des synonymes p.angustifolium et p.ongatum) les chercheurs ont réussi à isoler autour de 45 composants dans les feuilles et 10 dans les fruits dont 50% correspondent à de nouvelles structures, principalement des structures de type phénylpropanoïde, chromènes, acides benzoïques et benzoates de méthyle substitués et des flavonoïdes (chalcones et flavones).
Les activités biologiques les plus importantes rencontrées dans le matico sont antimicrobienne et antiparasitaire. Les composés responsables de l’activité antibactérienne et de l'activité antifongique sont de nature chimique variée (dérivés d’acide benzoïque, phénylpropanoïdes, chromènes et chalcones).
Alors que la puissante activité contre différentes espèces du parasite leishmaniose est due uniquement à la présence de chalcones et de dihydrochalcones.
Références, composition chimique de la plante (lien ci-dessous)
Source : Revue Química y Farmacología del piper aduncum L. (Matico) PDF, d’Olga Lock et Rosario Rojas (voir les références des données de cet article).
Description de la plante
Piper aduncum L.
Poivrier à épis crochus
Autres noms : Matico, cordoncillo, herbe du soldat, achotlin.
Famille : pipéracées
Vue générale de la plante De Forest & Kim Starr, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=6122111
A l’état sauvage il pousse dans les broussailles et les lisières de forêts : Amérique centrale et du sud.
Habitat De Forest & Kim Starr, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=6125376
Feuilles : oblongues et tombantes, lancéolées, 11 à 24 cm de long, 4 à 8 cm de large.
Fleurs : en grappes courbées, petites fleurs blanches ou jaune pâle similaires à celles de piper auritum (poivre mexicain).
Fruits : petites drupes oblongues contenant des graines noires.
La plante se consomme comme condiment, pour aromatiser le cacao parfois comme substitut du poivre long.
Les feuilles, les graines et les fruits ont un arôme poivré.
Les feuilles de matico sont préparées de 3 façons traditionnelles :
- Bouillies pour faire des bains et des inhalations
- Cuites pour les boissons chaudes.
- Combinées avec du gingembre, du citron et du miel.
Merci à Luis Chávez Rodríguez pour ses connaissances et le partage de celles-ci.