Pérou - Le projet de loi sur l'auto-identification des peuples suscite la controverse

Publié le 5 Juin 2020

Une proposition visant à conférer la personnalité juridique aux peuples indigènes a été mise en doute parce qu'elle représente un grave danger pour l'unité des peuples et parce qu'elle peut être utilisée en faveur de tiers.

Servindi, 4 juin 2020 - Une proposition de loi présentée au Congrès par un groupe d'organisations indigènes, paysannes et afro-péruviennes pour obtenir l'auto-identification et l'enregistrement de la personnalité juridique des peuples, déclenche une controverse autour de cette question.

Alors que le groupe qui a présenté l'initiative assure qu'avec le projet, un registre des peuples sera enfin créé pour exercer leurs droits collectifs, un autre secteur des organisations indigènes affirme que l'approbation du projet représente un grave danger pour l'unité des peuples et pourrait être utilisée en faveur de tiers.

Quel est le projet de loi qui a suscité le débat ?


C'est la proposition de "Loi d'auto-identification et d'enregistrement de la personnalité juridique des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens", présentée devant la Commission des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens, de l'environnement et de l'écologie du Congrès de la République.

Le document, daté du 23 mai 2020, est signé par la Fédération de la Nationalité Achuar du Pérou (FENAP), la Centrale Nationale des Rondes Paysannes (CUNARC-P) et l'Association Noire des Droits Humains (ASONEDH et Ashanti Pérou).

Il porte également la signature de certains groupes qui composent le Pacte national d'unité des organisations autochtones. Dans ce cas, la Confédération Nationale Agraire (CNA) et l'Union Nationale des Communautés Aymaras (UNCA).

Le document a été préparé avec l'assistance technique de l'Institut International du Droit et de la Société (IISL) et a été signé par Soraya Yrigoyen Fajardo et Raquel Yrigoyen Fajardo. 

2. que propose le projet de loi ?


Selon la proposition, l'objectif de cette loi est d'établir un registre de la personnalité juridique des peuples indigènes ou natifs des Andes, de l'Amazonie et de la région afro-péruvienne, dans le respect de leurs droits à l'auto-identification, à l'autodénomination et à l'autonomie organisationnelle.

Pour justifier leur demande, ils soulignent que l'absence d'un tel registre "empêche, en pratique, ces peuples d'exercer un ensemble de droits collectifs pour l'exercice desquels, paradoxalement, l'État lui-même exige qu'ils aient une telle personnalité juridique enregistrée".

Le document indique également que ce projet permettrait aux peuples amazoniens, aux rondas, aux organisations composées de peuples et de communautés autochtones ou à caractère sectoriel, ainsi qu'aux peuples afro-péruviens, d'être dûment enregistrés en tant que "peuples".

À cette fin, il établit que l'État péruvien doit respecter le droit à l'autodénomination, "par lequel les peuples se donnent un nom propre", et le droit à l'autonomie organisationnelle, par lequel le peuple a le droit de s'identifier selon la forme d'organisation qu'il adopte.

3. Qui et pourquoi la proposition est-elle remise en question ?


La proposition de loi est remise en question par deux organisations régionales de l'Association interethnique pour le développement de la forêt péruvienne (Aidesep) : la coordination régionale des peuples autochtones de San Lorenzo (CORPI-SL) et l'Organisation régionale des peuples autochtones du nord de l'Amazonie péruvienne (ORPIAN-P).

À ces derniers s'ajoute la Fédération indigène quechua du Pastaza (Fediquep).

Dans un document adressé à Lenin Bazán Villanueva, président de la Commission des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens, de l'environnement et de l'écologie, ils reconnaissent la nécessité de remédier au manque de reconnaissance de la personnalité juridique des peuples comme un problème.

Toutefois, ils assurent que la proposition, telle qu'elle est formulée, n'est pas orientée vers la protection des droits à l'autodétermination des peuples autochtones.

"Nous ne sommes pas d'accord avec la proposition car elle laisse ouverte la possibilité que des organisations et/ou des fédérations qui regroupent des secteurs ou des groupes de communautés - à condition qu'elles répondent à l'exigence d'autodénomination indigène - puissent se constituer en entités juridiques avec la catégorie d'un peuple", réfutent-ils.

Pour les organisations régionales de l'Aidesep, la norme céderait la place aux compagnies pétrolières et minières qui divisent les communautés et "soumettent leurs dirigeants à la corruption", favorisant la conversion de ces communautés en "peuples".

Ils avertissent également que la proposition de reconnaissance de la personnalité juridique des "rondas" avec la catégorie des "peuples", telle qu'elle est ciblée, détruirait le droit à la juridiction des peuples indigènes.

À cet égard, ils soulignent qu'il existe des cas où certaines rondes paysannes envahissent la juridiction des peuples indigènes de l'Amazonie et ignorent l'autorité légitimement élue par ces communautés.

"Avec cette approche, qui est extrêmement délicate et grave, la proposition des peuples originaires de revendiquer leur droit à la personnalité juridique avec la catégorie des peuples et leur représentation légitime est déformée et dénaturée", ajoutent-ils.

4) Quand la proposition sera-t-elle examinée par le Congrès ?


Le 1er juin, le président de la Commission des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens, de l'environnement et de l'écologie, Lenin Bazán Villanueva, a officiellement demandé un avis sur le projet de loi au Groupe de travail sur les peuples autochtones de la Coordination nationale des droits de l'homme (GTPPII-CNDDHH).

M. Bazán a demandé que l'avis lui soit envoyé jusqu'au vendredi 5 juin, "afin qu'il puisse être examiné. Il est prévu qu'après avoir reçu ces informations et les avis des autres institutions et des experts consultés, la commission convoquera une session pour évaluer la proposition de loi avec des critères plus stricts.

Accédez aux documents mentionnés (non traduits) :

Propuesta de proyecto de Ley del IIDS, Asonedh, Ashanti y otras OO.II.  (PDF, 22 páginas).

- Observaciones a la propuesta de CORPI SL, ORPIAN P y Fediquep (PDF, 2 páginas)

traduction carolita d'un article paru sur Servindi.org le 03/06/2020

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Pérou, #Peuples originaires

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