Déclaration des organisations afro-panaméennes face à la situation de racisme et de discrimination qui persiste au Panama

Publié le 16 Juin 2020

14 juin 2020

Certaines organisations afro-panaméennes ont rejoint les voix de l'indignation et du rejet face à l'agression subie par le jeune musicien de Colon, Joshua Ashby, dans un supermarché local, où, sans savoir qui il était, il a été discriminé et humilié par les employés de l'entreprise. Un autre cas plus récent est celui du jeudi 11 juin, lorsque dans la ville de Colon, la police a attaqué sans raison Elías Castillo, un jeune travailleur qui ne voulait que faire vivre sa famille.

De nombreux jeunes, hommes et femmes afrodescendants dans notre pays, qui préfèrent garder le silence et n'osent pas dénoncer, vivent quotidiennement de telles situations. Mais, Joshua, fatigué de souffrir tant d'irrespect et d'humiliation, a décidé de dénoncer son cas, ce qui a motivé l'indignation et la répudiation de la communauté, ainsi que les preuves publiques de l'agression policière contre Elias.

Aux États-Unis, l'année dernière, le jeune homme de parents panaméens, Javier Ambler II, est mort en garde à vue et, récemment, un autre incident de brutalité policière, tout aussi répugnant, a causé la mort de George Floyd, un Afro-Américain, suscitant une réaction mondiale et une série de manifestations où des milliers de personnes ont élevé leur voix contre le racisme et la discrimination raciale dont souffrent les populations noires depuis plus de 400 ans d'esclavage, de ségrégation raciale et maintenant à l'époque du COVID19.

Il ne s'agit pas d'événements isolés, les trois incidents ont la même racine, le racisme structurel et la discrimination raciale qui imprègnent la société et perdurent dans la conscience de nombreuses personnes et s'expriment de différentes manières : profilage racial, abus policiers, mauvais traitements, humiliation, invisibilité, exclusion et marginalisation sociale.

Cette situation constitue, à tous points de vue, une violation des droits de l'homme tels qu'ils sont énoncés dans les conventions et traités internationaux. Cependant, dans notre pays, ces pratiques sont institutionnalisées dans les différents organes gouvernementaux, l'entreprise privée, y compris les forces de police et le système judiciaire. Les incidents qui se sont produits nous permettent de le vérifier et de le rendre visible.

L'actuelle pandémie COVID19 a également mis en évidence le racisme structurel qui existe dans notre pays, lorsque l'on observe que les populations les plus touchées et les plus vulnérables sont précisément les populations socialement marginalisées, d'origine africaine et indigènes, situées dans les grandes poches de pauvreté qui existent dans les centres urbains.

La discrimination raciale s'exprime également dans la répartition des revenus, dans l'inégalité des salaires, ainsi que dans les types et la qualité des emplois, principalement liés au travail informel.  Historiquement, les personnes afrodescendantes ont été associées aux emplois les moins qualifiés et les moins bien payés.

Le faible niveau d'éducation, les conditions sanitaires précaires et la pauvreté sont des facteurs qui ont influencé la propagation de COVID19 dans la population afrodescendante. À l'heure actuelle, la grande majorité des enfants qui n'ont pas pu poursuivre leurs études sont d'origine africaine et indigène et viennent de zones marginalisées, car le système éducatif panaméen n'a pas réussi à se moderniser avec la technologie qui leur permettrait d'avoir accès à une éducation de qualité. En outre, le contenu éducatif n'inclut pas dans les textes scolaires l'histoire et les contributions des populations d'origine africaine dans notre pays et est entaché de préjugés et de stéréotypes raciaux qui contribuent à maintenir la discrimination.

Les centres de soins de santé dans les zones où résident des populations d'origine africaine ne disposent pas de l'équipement ou des services de qualité nécessaires pour assurer une bonne santé ou un service de qualité.

Au Panama, il existe encore de grandes poches de pauvreté, situées à la périphérie de la ville, où la surpopulation et la promiscuité sociale sont très importantes, ce qui a augmenté les niveaux d'infection par le COVID19. Ce sont des régions où se concentre un pourcentage élevé de personnes d'origine africaine.

D'autre part, les systèmes judiciaires laissent beaucoup à désirer, quand on voit que l'accès à la justice est également discriminatoire à l'égard des populations afrodescendantes, puisque beaucoup sont privées du droit de recevoir un traitement en temps utile.

L'un des plus grands facteurs aggravants dont nous disposons est le manque de données et de dossiers officiels sur les conditions actuelles de la population afro-panaméenne, ce qui ne permet pas d'établir des politiques publiques et des projets de développement durable dans des zones spécifiques avec/par la population afro-panaméenne.

Toutes ces situations amènent les organisations soussignées à exiger des autorités, des institutions gouvernementales et des organismes compétents qu'il soit nécessaire de définir clairement une politique sociale qui réponde de manière responsable aux situations dans lesquelles vit actuellement la population afro.

À cet égard, nous demandons au Bureau du Médiateur de se conformer au mandat de la loi 16 du 10 avril 2002, qui a créé la Commission nationale contre la discrimination raciale, qui, à ce jour, n'a pas fonctionné comme elle le devrait, ni ne lui a accordé l'importance requise.

Nous demandons l'adoption urgente d'une loi qui criminalise et punisse la discrimination raciale au Panama afin que des situations telles que celle de Joshua, Elias et bien d'autres ne restent pas impunies.

Nous demandons que la loi n° 64 portant création du Secrétariat national pour le développement des Afro-Panaméens (SENADAP) soit modifiée d'urgence afin que son conseil d'administration puisse être nommé et doté de l'autonomie et du budget nécessaires pour lui permettre de remplir son mandat de mise en œuvre du Plan de développement des peuples afro-panaméens.

Enfin, nous demandons au ministère des Affaires étrangères et à tous les acteurs concernés d'initier, dans les plus brefs délais, le protocole nécessaire à la signature et à la ratification de la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et toutes les formes d'intolérance, approuvée à l'unanimité lors de l'Assemblée générale de l'OEA en 2013.

Nous devons changer afin de faire la différence. Il n'y aura pas de progrès, tant que nous n'aurons pas l'égalité et l'équité.

Nous avons besoin d'un pays où nous pouvons tous avoir des chances égales de progresser et de nous développer, sans discrimination.


Le Forum Afro-Panaméen, Fédération des organisations afro-panaméennes au niveau national.

La Coordination nationale des organisations noires (CONEGPA), composée d'organisations afro-panaméennes

Voir le document ici : Déclaration des organisations afro-panaméennes face à la situation de racisme et de discrimination qui persiste au Panama (non traduit)

traduction carolita d'un communiqué paru sur Radio temblor le14 juin 2020

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Peuples originaires, #Panama, #Afrodescendants, #Afro-panaméens

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