Brésil : Le peuple Iny Karajá
Publié le 14 Juin 2020
Habitants séculaires des rives du rio Araguaia dans les états de Goiás, Mato Grosso et Tocantins, les Karajás ont une longue coexistence avec la société nationale ce qui, sans amertume, ne les a pas empêchés de maintenir leurs coutumes traditionnelles en tant que groupe ethnique, de préserver leur langue maternelle, leur artisanat, leurs rituels, leurs peintures corporelles caractéristiques. Ils revendiquent, en se rendant dans les villes leurs droits territoriaux, leur accès à la santé et à une éducation bilingue.
Autodésignation : iny = nous.
Population : 3768 personnes (2014)
Localisation et terres indigènes
- T.I Araguaia – 1.358.500 hectares, 3502 personnes, réserve homologuée dans l’état du Tocantins. Villes : Formoso do Araguaia, Lagoa da Confusão, Pium. 4 peuples y vivent : Avá-Canoiero (langue tupí guaraní), Iny Karajá (langue karajá), Javaé (langue karajá) et Tapirapé (langue tupí guaraní).
- T.I Cacique Fontoura – 32.069 hectares, 489 personnes, réserve déclarée, états de Tocantins et Mato Grosso. Villes : Luciara, São Félix do Araguaia.
- T.I Inâwébohona 6 377.113 ,57 hectares, 226 personnes, réserve homologuée dans l’état de Tocantins. Villes : Lagoa da Cconfusão, Pium. 4 peuples y vivent : Avá-Canoiero (langue tupí guaraní), Iny Karajá (langue karajá) Tapirapé (langue tupí guaraní) et isolés de Ilha do Bananal.
- T.I Karajá de Aruanã I – 14 hectares, 213 personnes, réserve homologuée dans l’état de Goiás. Ville : Aruanã.
- T.I Karajá de Aruanã II – 893 hectares, réserve homologuée dans l’état du Mato Grosso. Ville : Cocalinho.
- T.I Karajá de Aruanã III – 705 hectares, 45 personnes, réserve homologuée dans l’état de Goiás. Ville : Aruanã.
- T.I Karajá Santana do Araguaia – 1485 hectares, 69 personnes, réserve homologuée dans l’état du Pará. Ville : Santa María das Barreiras.
- T.I Lago Grande (Karajá) – 33 personnes, en cours d’identification. Etat du Mato Grosso. Ville : Santa Terezinha.
- T.I Maranduba – 375 hectares, 80 personnes, réserve homologuée dans l’état du Pará. Villes : Aguaracema, Santa María das Barreiras.
- T.I São Domingos – 5705 hectares, 164 personnes, réserve homologuée dans l’état du Mato Grosso. Villes : Luciara, São Félix do Araguaia.
- T.I Tapirapé/Karajá – 66.166 hectares, 512 personnes, réserve homologuée dans l’état du Mato Grosso. Villes : Luciara, Santa Terezinha. 2 peuples y vivent : Iny Kajará (langue kajará) et Tapirapé (langue tupí guaraní).
- T.I Utaria Wyhyna/Irodu Irana – 177.466 hectares, 116 personnes, réservé déclarée dans l’état du Tocantins. Ville : Pium. 2 peuples y vivent : Iny Kajará (langue kajará) et Javaé (langue karajá).
Ils considèrent le rio Araguaia comme un axe de référence mythologique et social. Les villages sont proches des lacs et des affluent du rio Araguaia et de la rivière Javaé et de l’île de Bananal.
Ils étaient très mobiles afin d’exploiter toutes les ressources du rio Araguaia.ils ont encore l’habitude de camper avec leurs familles à la recherche de sites de pêche (poissons, tortues) au bord des lacs, sur les plages et le long des affluents.
Ile de Bananal Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=121290
Rio Araguaia Par Edivaldo Alves de Sousa — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=49289930
Brésil - Peuple Iny Karajá - Histoire du contact - coco Magnanville
CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=668202 Des études historiques rapportent que les Karajá ont eu des différends avec d'autres peuples indigènes tels que les Kayapó,...
http://cocomagnanville.over-blog.com/2020/06/bresil-peuple-iny-karaja-histoire-du-contact.html
Langue : karajá, selon le linguiste Aryon dall’Igna Rodrigues, la famille linguistique karajá appartient à la racine linguistique macro-jê. Celle-ci est divisée en 3 langues, karajá, javaé et xambió, chaque langue présente différentes manières de la parler selon le sexe du locuteur et malgré les différences, elles sont mutuellement compréhensibles.
Au début des années 1970 la Funai a adopté un programme éducatif bilingue et biculturel pour certains groupes dont les Karajá.
Cycle de vie
A la naissance d’un enfant, les parents cessent d’être appelés par leurs propres noms et commencent à être connus comme le père ou la mère de ego (celui qui est né).
L’homme est considéré comme le responsable de la fécondation et il faut copuler plusieurs fois pour former progressivement l’enfant dans le ventre de la mère, qui est considéré comme le receveur.
Le nouveau-né après sa naissance est lavé et peint à l’urucum.
Pendant son enfance, le jeune Karajá reste avec ses grands-parents.
A l’âge de 7/8 ans on lui perfore la lèvre inférieure avec un os de singe hurleur.
A l’âge de 10/12 ans c’est le rituel d’initiation masculin, le Hetohoky. Les garçons sont peints avec du genipapo (genipa americana), ils sont confinés pendant 7 jours dans la maison rituelle « la grande maison », leurs cheveux sont coupés et on les appelle jyre ou ariranho.
Après ses premières règles la jeune fille est surveillée par la grand-mère maternelle et elle est isolée.
Le mariage idéal est arrangé par les grands-mères du couple, du même village de préférence, ce, lorsque les jeunes sont en état d’avoir des relations sexuelles.
Le jeune marié va vivre après son mariage dans la maison de ses beaux-parents selon la règle de la matrilocalité.
Lorsque la famille s’agrandit, le couple construit sa propre maison, mais celle-ci reste attachée à la maison où elle résidait, ceci caractérise la famille élargie.
De cette façon la femme âgée assure le rôle central de l’unité domestique alors que l’homme en avançant en âge perd peu à peu du prestige politique sur la place des hommes mais il devient en compensation une référence en matière de pouvoir spirituel surtout dans la mesure où il exerce des activités chamaniques.
Division sexuée des taches
Il y a une importante division entre les sexes définissant le rôle des hommes et des femmes comme il est prévu dans les mythes.
Les hommes : ils défendent le territoire, ils ouvrent les champs à cultiver, ils pratiquent la pêche familiale ou collective, ils construisent les maisons, ils discutent des questions politiques à la maison des Aruanã ou sur la place des hommes, ils négocient avec la société nationale et ils conduisent les principales activités rituelles.
Les femmes : elles sont responsables de l’éducation des enfants jusqu’à l’initiation des garçons et en permanence pour les filles, elles s’occupent des taches ménagères dont la cuisine, elles récoltent les produits des champs, elle prennent soin de ce qui concerne le mariage des enfants ( normalement gérés par les grands-mères), elles fabriquent les poupées en céramique (devenues une source importante de revenus familiaux après les contacts avec la société nationale), elles sont en charge de l’ornementation et des peintures corporelles des garçons, des filles et des hommes pendant les rituels.
Sur le plan rituel elles préparent les aliments , elles maintiennent la mémoire affective du peuple s’exprimant à travers les cris rituels.
Le village
L’unité de base de l’organisation sociale et politique et le pouvoir de décision sont exercés par les membres masculins des familles élargies qui discutent de leurs positions à la Maison des Aruanãs. Après les contacts avec les blancs, l’un des hommes a commencé à être élu « capitaine » du village et responsable des affaires politiques avec les agents extérieurs comme la Funai, les universités, les ONG et les organismes d’état.ils ont toujours eu un membre de la direction qui, dans le passé, semble avoir occupé deux fonctions, l’une rituelle et l’autre sociale.
Activités de subsistance
Leur régime de base est associé aux poissons du rio Araguaia et des lacs adjacents.
Ils aiment bien les mammifères et ont une prédilection pour les aras, les juburus (jabiru mycteria), les colhereiros (platalea ajaja, spatule rosée) pour leur décorations en plumes.
Les champs de culture sont implantés dans les forêts de type galerie avec la pratique de l’abattis brûlis. Ils plantaient du maïs, du manioc, des bananes, des pastèques, du cará, des arachides et des haricots. Aujourd’hui ces produits se réduisent au maïs, aux bananes, au manioc et aux pastèques.
Des fruits locaux sont récoltés comme l’oiti (licania tomentosa), le pequi (caryocar brasiliense cambess) et du miel sauvage.
Fruits de l'oiti Por Oitis_no_pé.JPG: Rodrigo da Silva Nunesderivative work: Morray (talk) - Oitis_no_pé.JPG, Domínio público, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7444331
Fruits du péqui Par Denis A. C. Conrado — arquivo próprio, Attribution, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3246465
Culture matérielle
Elle implique la construction des maisons, la filature du coton, les décorations en plumes, des objets en fibres, en bois, en minéraux, en coquillages, en courges, en écorces d’arbre, la poterie, les peintures corporelles qui sont importantes dans le peuple. Par exemple à la puberté les jeunes hommes et jeunes femmes subissaient autrefois l’application d’omarura en deux cercles tatoués ou un mélange colorant de jenipapo avec de la suie ou du charbon, tracés sur le visage à l’aide d’une dent de poisson. Aujourd’hui ils se dessinent simplement les deux cercles lors des rituels.
Foto: Vladimir Kozak – Museu Paranaense/s.d.
La vannerie est réalisée par les hommes et les femmes, avec des motifs entrelacés inspirés de la faune comme des partie du corps des animaux (Taveira, 1982).
La céramique est une activité féminine qui comprend des modèles de types et motifs variés d’ustensiles domestiques.
Les poupées Karajá suscitent un grand intérêt des touristes lorsqu’ils viennent certaines saisons sur les plages du rio Araguaia. Ces poupées ont un rôle ludique chez les garçons et sont utilisées pour la socialisation des filles. A travers elles, des dramatisations d’évènements de la vie quotidienne sont modélisées. Depuis les contacts , les femmes ont opéré des modifications en terme de taille (les poupées sont plus grosses) et de matériau utilisé et colorants chimiques. Les motifs figuratifs et les décorations sont conservées.
L’art de la plume chez ce peuple est très élaboré et maintient une relation directe avec les rituels.
Coiffe en plumes d'aras By Dornicke - Own work, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=41446190
By Dorieo - Own work, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=76349268
ci-dessous quelques images de céramiques (grande série d'images sur wikimedia commons
Objets
Panier à couvercle warabahu Par Didier Descouens — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=37254861
Râpe à manioc Par Didier Descouens — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=37320801
Labret Par Didier Descouens — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=37499143
Cosmovision, vie rituelle
Dans le rituel d'initiation masculine, connu sous le nom de Hetohoky ou Casa Grande, les hommes sont également divisés en hommes d'en haut, hommes d'en bas et hommes du milieu et, la disposition spatiale des maisons rituelles, la petite maison est également présentée (en aval ), la grande maison (en amont) et la maison Aruanã, qui est toujours située au milieu de celles-ci. Par conséquent, l'emplacement des villages Karajá a une raison d'être dans tel ou tel endroit par rapport au rio Araguaia, ainsi que l'agencement des maisons d'habitation, des cimetières, des maisons rituelles, il suit son propre symbolisme qui appartient à la culture Karajá. Les mythes abordent une grande variété de sujets tels que l'origine, l'extermination et le redémarrage des Karajá, l'origine de l'agriculture, du cerf et du tabac, l'origine de la pluie, du soleil et de la lune, le mythe d'origine des Aruanãs, les femmes guerrières, l'origine de l'homme blanc, parmi tant d'autres. Normalement, ces mythes sont associés à des rituels et à des problèmes sociaux tels que le rôle des sexes, le mariage, le chamanisme et le pouvoir politique, la maladie et la mort, la parenté, les plantations, la pêche et le contact avec les blancs. .
La structure rituelle Karajá présente deux grandes cérémonies comme références: le rite initiatique masculin, le Hetohoky, et le festival Aruanã, qui présentent des cycles annuels, basés sur les marées hautes et basses du rio Araguaia. Parmi les autres petits rites, on peut citer la pêche collective au timbó, la fête du miel, la fête du poisson, ainsi que d'autres - nombreux - inclus dans les grands rituels des Aruanãs et Hetohoky.
source : pib.socioambiental.org