Argentine - Loma Blanca, le lieu sacré où vivent les esprits
Publié le 1 Juillet 2020
Loma Blanca est un site sacré situé en plein centre de Puerto Madryn. Il appartient à la communauté Mapuche Tehuelche Lof Julio Antieco et c'est le lieu où la communauté effectue ses cérémonies et ses prières depuis 1993.
Depuis plusieurs années, ce site a fait l'objet de nombreux actes de vandalisme, au cours desquels le lieu a été brûlé et détruit.
Lucas Antieco, Lonko de la communauté, nous dit que parmi plusieurs autres cérémonies, la plus importante est le "Kamrikun" ou "Kamaruko". C'est la plus grande cérémonie organisée par la communauté mapuche. Elle se fait entre les mois de février et mars et avec "apo kuyen" (pleine lune), car "les grands-pères et les grands-mères" ont dit que tous les cœurs des gens et des animaux, cette nuit-là, sont "doux". C'est alors qu'ils s'ouvrent et que le rituel pénètre les âmes et les corps. Lors de cette cérémonie, ils exécutent le "nguillatun" pour rendre grâce et demander que les gens de toute la terre aillent bien, qu'ils aient de la sagesse ("kimvn") et de la connaissance ("rakizuam"). Ils s'y retrouvent aussi pour parler avec les "newen", les forces de la nature, et pour prier les volcans de ne pas se mettre en colère. Quand il y a un petit "mawn", (pluie), ils font la danse de la pluie pour la demander. Ils demandent également au "kurruf" (vent) de ne pas se mettre en colère. C'est dans ce lieu sacré qu'ils parlent à la Terre Mère "ñekumapu".
Depuis plusieurs années, ce site a subi de nombreux actes de vandalisme, au cours desquels le lieu a été brûlé et détruit. Cela s'est produit dix-sept fois maintenant. Même s'il existe une ordonnance municipale qui la déclare "Site culturel", Loma Blanca n'est pas respectée en tant que telle par les personnes qui ne comprennent pas la culture mapuche. Lucas nous dit qu'il y a des gens qui sont dérangés, que certains voisins sont hostiles et qu'à certaines occasions, ils ont volé le bois de chauffage qu'il ramasse lui-même dans le champ et qu'il y garde. Il nous dit que cela est dû à un manque total de connaissance des cérémonies dans sa communauté et, en outre, parce que ces gens ne s'intéressent pas au peuple mapuche.
Cet espace est également très stratégique. D'une part, cette terre a une valeur de marchandise pour les compagnies minières car c'est un territoire riche. D'autre part, en raison de sa situation centrale, elle est très attrayante pour les entreprises immobilières, ce qui lui confère de nombreux intérêts économiques. Cette valeur est à l'opposé de celle donnée par la communauté mapuche, car c'est là que leurs ancêtres se sont reposés. De temps immémorial, c'était un lieu sacré, un "chenke", un cimetière où leurs ancêtres étaient et où sont encore aujourd'hui leurs esprits, "les esprits qui prennent soin du lieu", nous dit le Lonko, parce que la terre est un lieu sacré pour leur peuple, "c'est la seule maison où se trouvent les esprits et le ciel, qui nous illumine avec le soleil, le jour ; et avec la lune et les étoiles, la nuit".
Toutes les cérémonies sont importantes pour le peuple mapuche, mais le "Karamuko" est, comme nous le dit Lucas, "magique et transcendant". C'est là qu'ils communiquent avec la nature et l'univers, pieds nus, en contact direct avec le cosmos, et c'est à ce moment que le naturel et le surnaturel convergent.
Cette "cérémonie profonde, spirituellement digne et noble" est ce que la communauté veut continuer à faire, car il s'agit d'une cérémonie ancienne, pratiquée par des centaines de communautés indigènes. En elle, le feu brûle, tout comme des dizaines de feux brûlent au milieu de la nuit, autour de la terre, jusqu'à ce que l'aura apparaisse.
À Puerto Madryn, terre du chef Gununa Kuna appelé Gulut, l'arrière-arrière-grand-père de Lucas, il y a une rue qui porte son nom. Il existe également une communauté galloise, qui a donc changé de nom pour devenir le quartier de Loma Blanca et qui s'appelle désormais le quartier des colons gallois. Lucas nous raconte que la communauté galloise, en collaboration avec la municipalité, prévoit de construire une place dans ce lieu sacré, derrière la communauté mapuche. C'est pourquoi il se plaint depuis des années auprès des autorités gouvernementales avec "note sur note, plainte sur plainte" et n'a reçu aucune réponse.
Les Lonko ont entouré l'endroit de façon naturelle, comme le faisaient les grands-parents, et ont présenté un projet pour le câbler afin d'éviter qu'ils ne le profanent. Le projet a été présenté au niveau municipal et national, mais n'a jamais été approuvé. Cela montre, d'une part, le manque de volonté politique et, d'autre part, les stratégies utilisées par ceux qui veulent profiter de ces terres, en commettant des actes de vandalisme et des incendies sur place. Cela montre l'intérêt avide qui existe, car si le gouvernement voulait le résoudre, il le ferait dans un délai très court ("ils font un record et là ils font la solution", comme le dit Lucas).
Le site sacré de Loma Blanca est un lieu ouvert à la communauté. Les écoles et les touristes s'y rendent, et des mariages et des baptêmes y sont organisés, même pour les personnes qui ne sont pas des Mapuche natifs. Lucas donne des conférences sur la cosmovision de son peuple : "Nous avons les mains et le cœur ouverts", dit-il. Il nous parle des esprits qui y vivent. Une nuit froide, ils ont abrité un "huinca" (homme blanc), qui avait été autorisé à dormir là dans un poncho de guanaco, et les esprits l'ont abrité pour qu'il ne meure pas de froid.
Depuis 70 ans, la communauté se réapproprie ses territoires ancestraux. Aujourd'hui, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants de ces grands-parents qui sont morts en revendiquant la terre se battent. "Et nous allons continuer à le revendiquer, ici nous n'allons pas abandonner", dit le Lonko Lucas Antieco, fils de Julio Antieco - créateur du drapeau Mapuche Tehuelche et qui donne le nom au "Lof" - à la communauté.
"Nous demandons aux gouvernements de nous lâcher pour que nous puissions faire ce que nous voulons", car "pour vivre sur mes terres, il suffit d'avoir la sagesse, la pensée et le comportement que mes grands-parents m'ont laissés pour vivre dans la dignité", répond Lucas quand on lui demande ce qui lui manque. Il demande également à être autorisé à poursuivre ses cérémonies sacrées à Loma Blanca.
Nous voulons rendre visibles et dénoncer tous ces actes de profanation des lieux sacrés et cérémoniels de nos peuples préexistants. Ils ont leurs lois naturelles et leur justice, que les anciens leur ont transmises : "nos anciens étaient la bibliothèque vivante de notre peuple", nous dit Lucas, "et je suis la voix du passé et du présent. Je suis la voix de ceux qui ne pouvaient pas parler. Je suis la voix et la langue que je parle, qu'ils ont coupée à mes grands-parents pour qu'ils ne parlent pas le mapudungun.
Dans ce lieu, dit le Lonko, "je suis heureux avec mes enfants", parce que c'est un lieu de repos pour le corps et l'esprit, "parce que les esprits des anciens sont là".
Ce 24 juin, la communauté Mapuche Tehuelche "Lof Julio Antieco" prévoit de tenir la cérémonie du Nouvel An Mapuche sur le site sacré de Loma Blanca. Ils y demanderont l'aide des esprits des ancêtres pour protéger le lieu. En attendant, "nous sommes toujours en dialogue", dit le Lonko Lucas Antieco, parce que toujours, toujours, "les mots sont importants".
Par Sabina Oliva, Martina Molinuevo et collaborateurs
Image reproduite avec l'aimable autorisation de Lucas Antieco
Note : Sabina Oliva*.
Vidéo : Martina Molinuevo**
Contributeurs : Paloma Alvarez**, Mayra Perez**, Micaela Roig Courtis**, Julia De Stefano**, Gala Maruscak**, Renata Calissano**, Karina Bustamante**, Claudia Aranda***
*Faculté des sciences humaines et des arts UNR
**Faculté de philosophie et de lettres UBA
***Président de l'Endodontie. Faculté de médecine dentaire. UBA
traduction carolita d'un article paru sur Elorejiverde le 26/06/2020
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Loma Blanca, El Lugar Sagrado Donde Viven Los Espíritus
Loma Blanca es un sitio sagrado que se encuentra en el centro mismo de Puerto Madryn. Pertenece a la Comunidad Mapuche Tehuelche Lof Julio Antieco y es el lugar donde la comunidad realiza sus ...