Lancement du Fonds d'urgence pour l'Amazonie

Publié le 7 Mai 2020

Servindi, 6 mai 2020 - Face à l'inaction des gouvernements face à la crise humanitaire qui menace de déclencher un ethnocide sur les populations les plus vulnérables de la planète, l'initiative d'un Fonds d'urgence pour l'Amazonie a été présentée.

La campagne vise à collecter au moins trois millions de dollars pour fournir des ressources urgentes à plus de 400 groupes ethniques de la région amazonienne dans neuf pays.

Cette initiative, lancée le mercredi 6 mai par la Coordination des Organisations Indigènes du Bassin de l'Amazone (COICA), vise à fournir des médicaments d'urgence, de la nourriture, des moyens de communication, d'évacuation, de protection et de sécurité.

La COICA appelle les gouvernements, les agences de coopération, les organisations internationales, les fondations et les citoyens à faire des dons au Fonds d'urgence pour l'Amazonie dont les ressources seront destinées à 100 % aux communautés indigènes des territoires.

Accédez au lien du Fonds à l'adresse suivante :

https://www.AmazonEmergencyFund.org/ (en français)

"Si les gouvernements de nos pays ne veulent pas aider, alors laissez la communauté internationale aider", a déclaré Gregorio Mirabal, coordinateur général de la COICA, qui appartient au peuple Wakuenai Kurripaco (Venezuela).

"Il semble que la protection des peuples indigènes ne soit pas commode dans tout ce discours sur la souveraineté de l'Amazonie. Les États nationaux parlent toujours du pouvoir du territoire, mais ce pouvoir va de pair avec la responsabilité de s'occuper de leur peuple", a ajouté M. Mirabal. 

L'objectif du fonds qui sera collecté dans les deux prochaines semaines "est une base absolument minimale pour commencer à fonctionner" car il faudra beaucoup plus de fonds pour répondre à la pandémie dans la région.

Réalité des peuples indigènes de l'Amazonie

Selon l'Organisation du Traité du Bassin de l'Amazone (ACTO) (1), la région abrite 34 millions de personnes qui représentent 11 % de la population des pays de l'Amazone, où vivent 420 peuples indigènes et tribaux différents, parlant 86 langues et 650 dialectes.

La COICA estime que plus de 9 % de la population amazonienne - plus de 3 millions de personnes - est composée de peuples indigènes, et qu'au moins 60 peuples vivent dans un isolement total.

Les dirigeants indigènes avertissent que si les neuf pays de l'Amazonie ne prennent pas des mesures urgentes, le monde sera témoin d'un ethnocide dont les conséquences seront ressenties dans le reste du monde.

"L'Amazonie possède 30% de la biodiversité et 70% de l'oxygène de la planète, mais sa véritable importance réside dans l'interrelation que les peuples indigènes entretiennent avec la forêt pour assurer la vie de tous" a averti Tabea Casique Coronado, coordinatrice de l'éducation de la COICA et leader du peuple Asheninka (Pérou).

"Si nous ne prenons pas soin de cette interrelation qui a garanti une grande partie de la stabilité écologique, la planète va subir un effondrement climatique, de retour très difficile" a déclaré Tabea Casique, 

Lancement du Fonds

L'appel à soutenir la défense des peuples indigènes contre le COVID-19 a été lancé le mardi 5 mai aux États-Unis, dans l'édition extraordinaire de "Giving Tuesday" (2) en raison de la pandémie.

"Une grande partie des États-Unis, en particulier le sud, le centre et le nord-ouest, bénéficie pendant la saison agricole des pluies en provenance de l'Amazonie. Et la science a été claire : protéger le peuple amazonien, c'est protéger la forêt, donc nous aider maintenant, c'est les aider à moyen et long terme", a déclaré Julio Cesar Lopez, président de l'OPIAC et membre du peuple Inga (Colombie) (3).

Le Fonds d'urgence pour l'Amazonie sera constitué par un consortium d'ONG et de donateurs locaux et internationaux qui travailleront en étroite collaboration avec la COICA et ses 9 organisations nationales, ainsi qu'avec des partenaires et des alliés dans toute l'Amazonie et dans le monde.

 Les décisions relatives aux subventions et à la gouvernance du Fonds seront prises sous la coordination et la communication strictes d'un conseil d'administration comprenant les dirigeants autochtones de la COICA et de ses organisations membres et, dans une moindre mesure, des représentants des ONG participantes, des donateurs et des conseillers qui forment le Cercle fondateur de solidarité.

Le Fonds disposera également d'un cercle consultatif composé d'organisations et de personnes ayant fait leurs preuves pour guider et soutenir des stratégies efficaces de gestion des subventions.

Éviter un nouvel ethnocide

Depuis plus de 500 ans, les peuples indigènes sont confrontés à des invasions et à la perte progressive de leurs territoires ancestraux, à la discrimination ethnique et socio-économique et à la menace constante d'une extermination physique et culturelle par le biais d'expulsions, de maladies et de génocides.

Aujourd'hui, les peuples indigènes, en particulier les anciens, les gardiens de la sagesse et ceux qui vivent dans un isolement volontaire, sont gravement menacés par l'émergence de la pandémie.

Les communautés forestières traditionnelles sont également menacées, notamment les communautés riveraines, les quilombolas, les exploitants de caoutchouc, entre autres, qui défendent la forêt depuis toujours.

"Le COVID-19, qui touche le monde entier, a atteint le territoire des indigènes, mettant nos vies en danger", a déclaré Francinara "Nara" Soares Baré, coordinateur de la COIAB et membre du peuple Baré (Brésil).

"Ce virus s'ajoute aux autres menaces avec lesquelles nous vivons, telles que la contamination directe de l'environnement due à l'exploitation aveugle des ressources naturelles, l'accès limité aux services de santé publique et d'éducation, ainsi que la violence et la discrimination qui menacent la pérennité de nos peuples, de leurs connaissances et de leur savoir-faire, et avec elle la conservation de la planète", a ajouté Nara, 

La COICA avertit qu'à mesure que le pathogène se répand dans le bassin de l'Amazone, les peuples autochtones et les communautés forestières traditionnelles sont de plus en plus vulnérables aux maladies en raison du manque d'accès à des services publics équitables et adéquats, notamment le logement et les soins médicaux, et de siècles de colonisation et de racisme.

"Il est urgent d'agir, il est impératif de répondre à nos besoins. Tout le monde est appelé à se joindre à cette initiative et à veiller à ce que les soins parviennent aux communautés, que ce soit en matière de santé, de nourriture ou de fournitures médicales", a déclaré Sirito-Yana Aloema, présidente de l'OIS et membre du peuple Kariña (Kalina) Caraib (Suriname), qui représente les organisations des Guyanes.

"C'est seulement de cette manière, en aplatissant la courbe de la pandémie dans la région, que nous pourrons faire notre part pour aplatir la courbe des émissions de dioxyde de carbone et de la sixième extinction", a conclu Mme. Sirito-Yana.

Qu'est-ce que la COICA ?

La Coordination des Organisations Indigènes du Bassin de l'Amazone (COICA) est une organisation autochtone de convergence internationale qui concentre ses efforts sur la promotion, la protection et la sécurité des peuples et territoires autochtones par la défense de leurs modes de vie, principes et valeurs sociales, spirituelles et culturelles.

Sa préexistence est encadrée dans la défense de la vie et de l'Amazonie afin de continuer à être une graine dans la terre et de conserver les forêts pour une planète vivante qui assure la continuité de nos générations présentes et futures.

La COICA est conformée des fédérations indigènes du bassin suivantes :

AIDESEP (Pérou) : Association Interethnique de Développement de la Selva Péruvienne - est une confédération formée il y a 40 ans et qui regroupe 109 fédérations et 9 organisations régionales, représentant plus de 1 809 communautés où vivent plus de 650 000 indigènes, dont 16 familles linguistiques.

APA (Guyana) : Association des peuples amérindiens du Guyana - basée à Georgetown, comprend 5 chapitres qui regroupent 70 000 autochtones dans 10 départements et représentent les 9 peuples autochtones suivants : Lokono Arawak, Akawaio, Arecuna, Carinya (Carib), Makushi, Patamona, Wai Wai, Wapishana et Warrau.

CIDOB (Bolivie) : Confédération des Peuples Indigènes de l'Est, du Chaco et de l'Amazonie bolivienne - fondée par quatre nations indigènes de l'Est de la Bolivie (Guaraní-Izoceños, Chiquitano, Ayoreos et Guarayos) le 3 octobre 1982, avec siège à Santa Cruz de la Sierra. Plus tard, les autres peuples indigènes ont été inclus pour rassembler 34 nationalités et peuples indigènes vivant dans l'Est, le Chaco et l'Amazonie, situés dans sept des neuf départements du pays : Santa Cruz, Beni, Pando, Tarija, Chuquisaca, Cochabamba et La Paz.

COIAB (Brésil) : Coordination des Organisations Indigènes de l'Amazonie Brésilienne - regroupe plus de 75 organisations membres de tous les États de l'Amazonie brésilienne (Amazonas, Acre, Amapá, Maranhão, Mato Grosso, Pará, Rondônia, Roraima et Tocantins) représentant 160 nations indigènes avec environ 430 000 personnes et 114 références de peuples en isolement volontaire (correspondant à près de 60% de la population indigène brésilienne) déployées sur plus de 110 millions d'hectares du territoire amazonien.

CONFENIAE (Équateur) : Confédération des Nationalités Indigènes de l'Amazonie Equatorienne - représente environ 1 5000 communautés des nations autochtones suivantes : Kichwa, Shuar, Achuar, Waorani, Sapara, Andwa, Shiwiar, Cofan, Siona, Secoya et Quijos.

FOAG (Guyane française) : Fédération des Organisations Autochtones de Guyane - comprend les peuples autochtones représentant plus de 20 organisations autochtones.

OIS (Suriname) : Organisation van Inheemsen au Suriname - comprend 9 peuples indigènes représentant environ 40 000 personnes dans 10 départements et 55 colonies, qui ont participé à la création du récent corridor de conservation du sud du Suriname avec une extension de 7,2 millions d'hectares, représentant 40% du territoire national.

OPIAC (Colombie) : Organisation Nationale des Peuples Indigènes de l'Amazonie Colombienne - représente 56 nations dans 162 resguardos  indigènes et habite une superficie de plus de 24 millions d'hectares en territoire colombien.

ORPIA (Venezuela) : Organisation Régionale des Peuples Indigènes de l'Amazonie - regroupe 19 organisations représentant 19 peuples autochtones.

Notes:

(1) OTCA: http://www.otca-oficial.info/amazon/our_amazon

(2) Sobre el “Martes para Dar” https://www.consumerreports.org/charitable-donations/giving-tuesday/

(3) Los efectos de la deforestación tropical en los ciclos lluviosos (Climate and Land Use Alliance) http://www.climateandlandusealliance.org/wp-content/uploads/2016/02/Effects_of_Tropical_Deforest ation_Policymaker_Summary.pdf

traduction carolita d'un article paru sur Servindi.org le 06/05/2020

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