Colombie - Peuples indigènes et COVID-19 (Extrait du bulletin n° 025 de l'ONIC)
Publié le 20 Mai 2020
Extrait du bulletin
Municipalités avec cas et population indigène
Il est fondamental de replacer dans son contexte le fait qu'au moment de la rédaction de ce bulletin, l'Institut National de la Santé a présenté pour la première fois un rapport officiel daté du 13 mai sur la situation du virus chez les peuples indigènes de Colombie, enregistrant 193 cas positifs. Une fois les informations recoupées, un total de 290 cas chez les peuples indigènes, dont 9 décès, ont été enregistrés dans le système de surveillance territoriale (SMT) - ONIC.
222 cas confirmés sont à Leticia (Amazonas) avec 7 décès, selon le rapport du ministère de la santé du gouvernement du département de Amazonas⁵ ; 12 cas dans la municipalité de Malambo (Atlántico) avec 1 décès ; 3 cas à Cartagena (Bolivar), 2 à Ipiales, 1 à Guachucal, 4 cas dans la municipalité de Cumbal, 1 à Túquerres et 6 à Cuaspud Carlosama (Nariño), 26 à Bogotá, 1 à Buenaventura, 1 à Quibdó, 1 à Unión Panamericana (Chocó), 1 en Albanie et 1 à Maicao (La Guajira) ; 1 à Popayán, 3 cas à Agustín Codazzi (Cesar) ; 1 à Toledo et 2 à Cúcuta (Norte de Santander) et 1 décédé à Isnos (Huila).
Le SMT a identifié que le virus s'est propagé à 224 municipalités ayant une population indigène, c'est-à-dire dans 57% des municipios⁶ où les peuples indigènes exercent leurs activités sociales, économiques, culturelles et spirituelles. Le nombre de familles indigènes à risque a augmenté de 860, pour atteindre un total de 323 441 familles à ce jour. Il est donc recommandé que les peuples et nations autochtones vivant dans ces municipalités réduisent au minimum le nombre d'interactions sociales avec les centres de population ou dans un contexte frontalier, RENFORCENT ET/OU ADOPTENT toutes les mesures d'autonomie visant à réduire la fréquence de ces interactions sociales et continuent à renforcer les exercices de gouvernance, le contrôle territorial, la coopération entre les peuples, le troc, entre autres formes caractéristiques des peuples autochtones, sans attendre qu'à court terme le gouvernement national soit en mesure de faire face à la crise humanitaire qui résulte de l'isolement obligatoire⁷.
De même, l'ONIC a identifié les départements qui comptent le plus grand nombre de familles susceptibles d'être touchées par la pandémie : NARIÑO, CAUCA, CÓRDOBA, LA GUAJIRA, CALDAS et SUCRE, qui représentent 85,8 % des familles à risque enregistrées par le Système de suivi territorial - SMT.
L'ONIC alerte les autorités indigènes des départements et des communes de : Vaupés, Arauca, San Vicente del Caguán, Meta, Puerto López et Arauca qui figurent sur la liste des départements où les familles indigènes sont en danger, afin qu'ils puissent prendre des mesures extrêmes en ce qui concerne le contrôle territorial des villages, en particulier l'entrée de personnel étranger ou de champs pétrolifères dans les territoires et communautés indigènes et, d'autre part, exige que le gouvernement national, les gouvernements départementaux et locaux fournissent toutes les garanties pour prolonger la quarantaine aussi longtemps que nécessaire pour atténuer les impacts économiques, sociaux, culturels et sur la vie qui sont prévus dans cette mise à jour des risques.
L'ONIC lance un vigoureux appel pour que la situation sanitaire de ces municipalités et départements soit prise en compte et pour qu'il n'y ait pas de foyers incontrôlables comme ceux du département d'Amazonas ; elle demande également que les équipes de soins intensifs (ICU) nécessaires soient mises à la disposition des municipalités et départements ayant des populations indigènes, étant donné que dans ces territoires l'accès aux plus proches est à plus de 10 heures.
Sur les 315 municipalités touchées en Colombie, 214 (67%) comptent encore des communautés indigènes ; parmi celles-ci, 21 municipalités représentent 62,3% des familles indigènes en danger. Il est à noter que parmi celles-ci, 8 municipalités appartiennent au département de Nariño. Il est donc nécessaire de concentrer des actions spécifiques dans ces territoires pour atténuer l'impact négatif sur les populations, ce qui implique un contrôle plus strict de la frontière et de ses passages non légaux. (Voir tableau 1)
Dans les 193 municipalités restantes, 37,7 % des familles indigènes sont en danger en raison de leur proximité avec les centres de population. Il est donc nécessaire d'examiner plus en profondeur la situation dans ces 214 municipalités, en établissant un dialogue avec les autorités indigènes et les autorités locales et départementales.
Tableau 1. Vingt municipalités comptant le plus grand nombre de familles indigènes menacées par l'infection au 17 mai 2020
Source : Communautés indigènes géoréférencées de Colombie, ONIC, 2013-2020, COVID-19 Colombie | Rapport 17-05-2020-Corte-9PM, Institut national de la santé Elaboration : Équipe de population et équipe d'articulation, de suivi et de production d'informations ONIC.
Par conséquent, depuis l'analyse spatiale du MTS - ONIC, une nouvelle phase de contagion a été identifiée. Les alarmes sont en marche en Amazonas, Nariño, La Guajira, Chocó, Cauca, Meta, Arauca et Vaupés. Nous considérons qu'il est essentiel de mettre en œuvre et/ou de renforcer les mesures suivantes, entre autres : recherche active des cas symptomatiques et asymptomatiques, réalisation de tests territorialisés, accélération de la délivrance des résultats, garantie effective de l'isolement, fourniture massive d'éléments de biosécurité, renforcement réel des capacités et du système de santé avec une approche territoriale, gestion psychosociale de la peur, renforcement effectif des capacités communautaires pour le traitement de la crise sanitaire, et promotion de la rencontre et du dialogue entre l'approche de la médecine traditionnelle et interculturelle.
Analyse de l'expansion spatiale des peuples indigènes
L'analyse de la propagation spatiale du virus indique que d'ici le 17 mai 2020, les peuples indigènes sont en danger : Siona et Yurí, témoignant de la situation difficile et complexe qui s'aggrave dans l'Amazonie colombienne. Il convient notamment de noter que le peuple Yurí est en isolement volontaire, raison pour laquelle sa population actuelle n'est pas connue, mais lors du recensement de la population de 2005, leur nombre n'atteignait que 26 personnes.
De même, les peuples et nations autochtones qui doivent renforcer et/ou consolider les mesures d'endiguement et de contrôle territorial face à la pandémie, puisqu'ils présentent des niveaux de risque sensiblement plus élevés que ceux du bulletin précédent, sont les Sikuani, Eperara Siapidara, Totoró et Embera Eyabida
Les peuples Muisca, Kankuamo et Wayúu montrent une diminution du pourcentage d'augmentation des familles à risque par rapport au bulletin précédent. Comme mentionné dans d'autres sections, l'évolution des niveaux de risque dépend de l'évolution de la prévalence et de la mortalité dans les municipalités où les cas sont confirmés, indicateurs qui sont dynamiques mais lorsque leur niveau de risque diminue, cela ne signifie pas que les mesures d'autoprotection sont moins vigilantes. (Voir tableau 2)
Tableau 2 : Familles indigènes des zones rurales et urbaines par village exposées au risque d'infection au 12 mai 2020
Source : Communautés indigènes géoréférencées de Colombie, ONIC, 2013-2020, COVID-19 Colombie | Rapport 17-05-2020-Corte- 9PM, Institut national de la santé Elaboration : Équipe d'articulation, de suivi et de production d'informations ONIC.
Analyse par les gardes
Avançant dans la tâche de comprendre la dimension du risque en termes de territorialité autochtone et tenant compte de la proximité des centres de population avec des cas confirmés, le SMT - ONIC a identifié 143 resguardos avec des communautés à risque, totalisant 85 549 familles au sein des resguardos (26,3%), 238 752 familles vivant sur leurs territoires ancestraux (73,7%), y compris les 2 139 communautés dans le cadre de la ville⁸. En ce qui concerne les resguardos ayant des communautés à risque, le tableau 3 présente les 19 resguardos ayant le plus grand nombre de familles touchées, dont 12 sont situés dans le département du Cauca et parmi les 6 ayant le plus grand nombre de familles, on trouve un à La Guajira, un à Córdoba et un à Cundinamarca. Il convient de noter que le nombre total de familles à haut risque d'infection dans ces foyers dépasse 50 %, principalement parce qu'ils sont situés à moins de 20 kilomètres de centres de population où des cas ont été confirmés et en raison de la prévalence et de la létalité de ces centres urbains.
Les autorités traditionnelles de ces resguardos sont donc invitées à poursuivre l'exercice d'un contrôle territorial discipliné et le renforcement de la gouvernance, en renforçant les actions qui limitent l'apparition de foyers. À cet égard, l'ONIC est prêt à contribuer à la mise à jour des plans d'urgence qui ont été élaborés, à assurer la coordination avec les entités sanitaires et à établir des relations avec d'autres peuples et organisations afin de procéder à des échanges conjoints de connaissances et d'aliments dans le cadre de l'autonomie de tous les peuples.
Tableau 3 : Refuges comptant un plus grand nombre de familles exposées au risque d'infection en raison de la proximité, de la prévalence et de la létalité du virus dans leur zone d'influence
Source : Communautés indigènes géoréférencées de Colombie, ONIC, 2013-2020, COVID-19 Colombie | Rapport 17-05-2020-Corte- 9PM, Institut national de la santé Elaboration : Équipe d'articulation, de suivi et de production d'informations ONIC.
Portée des frontières
De même, dans le cadre du processus de surveillance, l'ONIC a identifié un total de 13,170⁹ cas dans 44 centres de population voisins aux frontières (villes proches) avec la Colombie, où le pourcentage le plus élevé se trouve au Brésil (73%), au Pérou (19,9%) et en Équateur (5). 3 %) (voir tableau 4), ces cas, bien que non nationaux, mettent en danger les communautés qui vivent dans les territoires frontaliers ou qui sont binationaux, même dans une plus grande mesure que les cas nationaux ; il est donc clair que les zones transfrontalières présentent des niveaux de risque importants pour les 52 peuples et nations autochtones qui y vivent.
Tableau 4 : Nombre total de centres de population dans les pays frontaliers où des cas de virus ont été confirmés et pourcentage de variation entre les bulletins au 12 mai 2020
Politiques en faveur des populations autochtones en relation avec la pandémie
Dans chaque bulletin, nous avons alerté le gouvernement national et l'opinion publique sur les niveaux de risque auxquels les peuples et nations autochtones sont confrontés avec le virus. Des mesures différenciées et globales ont été demandées afin d'unir les efforts et d'obtenir des réponses OPPORTUNES ET CULTURELLEMENT PERTINENTES, en tenant compte du fait que les peuples indigènes sont des sujets collectifs bénéficiant d'une protection constitutionnelle spéciale.
Depuis le 24 mars, date à laquelle la quarantaine ou l'isolement préventif obligatoire a été décrété au niveau national, les peuples et nations indigènes se sont pliés à cette mesure sans réponses et garanties efficaces du gouvernement, afin d'accéder à l'aide humanitaire pour la nourriture, l'eau et les services de santé. Les chiffres de ce bulletin montrent le risque imminent de contagion auquel sont exposés quotidiennement les peuples indigènes sans que le gouvernement n'y prête attention en temps utile. Les jours précédents, il a fait rapport à la CIDH sur l'acheminement de l'aide humanitaire par le biais du programme "La Colombie est avec vous - un million de familles", ainsi que sur l'élaboration du "Plan d'actions urgentes dans les territoires indigènes pour l'atténuation de la pandémie COVID-19 et pour l'autosoin dans le cadre de l'ISSPI en coordination avec le SGSSS"¹², Ces mesures n'ont pas encore été mises en œuvre, car dans la grande majorité des territoires indigènes, le gouvernement n'a pris aucune mesure pour renforcer les capacités des gouvernements indigènes, et il n'existe pas non plus de programmes d'information adéquats ni de garanties d'isolement préventif obligatoire. À ce jour, les équipements ou kits de biosécurité annoncés le 2 avril n'ont pas été reçus.
Comme preuve de la non-conformité du gouvernement, les organisations indigènes ont dénoncé publiquement, dans un communiqué¹³ du 28 avril 2020, la Table ronde permanente de consultation avec les peuples et organisations indigènes (PPC), qui " (...) ) Depuis le 17 avril, nous insistons sur une réunion urgente pour faire place au "Plan d'actions urgentes dans les territoires et les peuples autochtones pour l'atténuation de la pandémie de COVID-19 et pour l'autosoin dans le cadre de l'ISSPI en coordination avec le SGSSS" présenté au ministère de la Santé et de la Protection sociale par la Table permanente de concertation le 13 mars, mais jusqu'à présent le silence administratif a été maintenu. Étant donné l'absence de réponse du gouvernement, il est essentiel de continuer à développer la communication avec les communautés et la participation directe aux territoires dans l'exercice de rapport et de suivi, afin de mettre en évidence l'inefficacité de l'État.
Bien que la CIDH ait recommandé que l'État adopte des mesures, y compris des politiques sociales, visant à atténuer les effets socio-économiques que les actions sanitaires mises en œuvre pour la prévention et les soins de la pandémie COVID-19 pourraient avoir sur les formes de vie et la subsistance économique des peuples indigènes, en respectant le principe d'égalité et de non-discrimination ; Pour le Mouvement indigène de Colombie, le non-respect de cette recommandation est dû à l'inefficacité et à l'absence d'une approche gouvernementale différenciée pour faire face à cette crise sanitaire dans les territoires indigènes qui sont actuellement menacés en raison de la prévalence, de la létalité et de la proximité des villes où des cas de virus ont été confirmés, ainsi qu'au manque de clarté quant à la stratégie réelle proposée par le gouvernement national et aux pertes humaines estimées que les différents secteurs de la population rurale de Colombie devront assumer dans leur communauté et leur environnement familial pendant qu'ils font face à cette pandémie.
Suite à la recommandation de nos autorités spirituelles de ne pas craindre ce virus, sachant et comprenant qu'il s'agit de la meilleure défense pour nous organiser dans les territoires et répondre avec sagesse à ce nouveau défi de survie et face à l'absence d'une politique gouvernementale globale pour prévenir et gérer la pandémie avec une attention différenciée, il est impératif que les autorités et les organisations indigènes accélèrent l'adoption de décisions qui nous permettent d'avancer avec force dans deux directions, la culturelle : renforcer les actions de RETOUR À L'ORIGINE, notamment par des rituels d'harmonisation et de récupération de l'autonomie alimentaire dans tous les territoires indigènes et en termes interculturels : lancer une surveillance et une recherche active des cas possibles d'infections respiratoires aiguës (IRA) en prenant les précautions nécessaires et sans contact physique, à une distance inférieure à 2 mètres des familles interrogées, en privilégiant les territoires indigènes les plus proches des centres de population où des cas de virus ont été confirmés.
Recommandations
Les anciens nous le disent :
"Soyez reconnaissants à la terre-mère, nous offrons le fruit de la vie. Comme nos ancêtres l'ont fait.
Les premiers fruits étaient pour les animaux, les oiseaux. Maintenant, la graine aura une grande valeur nutritionnelle pour les gens" ¹⁴
*Aux autorités indigènes :
- Rapporter / informer tous les cas (confirmés et à confirmer) au Système de Surveillance Territoriale SMT-ONIC, avec les considérations qu'ils ont bien faites sur la gestion de l'information, afin de déployer comme ONIC et en unité avec d'autres organisations indigènes, sociales, ethniques et populaires les efforts nécessaires pour pouvoir contenir l'expansion de la contagion dans les territoires indigènes.
- Activer TOUTES les instances du propre gouvernement en coordination avec les alliés pour continuer à appliquer les propres plans de contingence exprimés dans les résolutions des différentes autorités régionales et locales ; insister auprès des communautés pour qu'elles obéissent aux orientations des autorités et des médecins traditionnels et adopter dans la mesure de leurs possibilités, les recommandations de protection et d'autoprotection face à une éventuelle contagion du virus pour éviter son expansion.
- Retour à nos pratiques traditionnelles de semis et de culture, retour au partage, troc, retour à la minga, retour à l'origine, retour à nos propres semences qui sont notre assurance. Semons, comme nos grands-pères l'ont fait, énergisés et conscients de la valeur des biens communs et des connaissances millénaires.
Exigences
Au gouvernement national :
- Assister les cas pour la réalisation de tests massivement ciblés pour la détection précoce des cas symptomatiques et asymptomatiques, dans la municipalité de Malambo pour le peuple Mokaná.
- Se conformer aux demandes que la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a formulées dans l'Alerte publiée le 6 mai 2020 concernant l'attention à porter à la pandémie, qui exige du gouvernement colombien qu'il prenne des mesures spécifiques pour les peuples indigènes, conformément à leur culture et au respect de leurs territoires, sur les aspects suivants
- Garantir le droit à la santé des peuples autochtones dans le contexte de la pandémie COVID-19, dans une perspective d'interculturalité, de genre et de solidarité intergénérationnelle ; en tenant compte des soins préventifs, des pratiques de guérison et des médecines traditionnelles (...).
- Assurer la participation des peuples indigènes, par l'inclusion de leurs organes représentatifs, de leurs dirigeants et de leurs autorités traditionnelles, à la formulation et à la mise en œuvre des politiques publiques visant la prévention et les soins de santé pour cette population
- Adopter des mesures, y compris des politiques sociales, visant à atténuer les effets socio-économiques que les actions sanitaires mises en œuvre pour la prévention et les soins dans le cadre de la pandémie COVID-19 peuvent provoquer sur les modes de vie et les moyens de subsistance économiques des populations autochtones, en respectant le principe d'égalité et de non-discrimination.
- S'abstenir, dans le cadre de la pandémie COVID-19, de promouvoir des initiatives législatives et/ou d'autoriser des projets d'extraction, d'exploitation ou de développement dans les territoires des peuples autochtones ou à proximité, en raison de l'impossibilité de mener à bien des processus de consultation libre, préalable et informée (en raison de la recommandation de l'OMS d'adopter des mesures de distanciation sociale) conformément aux normes internationales applicables.
- Étendre les mesures de protection des droits de l'homme des peuples autochtones en situation d'isolement volontaire et de premier contact dans le contexte de la pandémie COVID-19, en faisant un effort particulier pour protéger leur santé et leurs modes de vie, conformément à leur autodétermination et aux principes régissant l'action de l'État à l'égard de ces groupes.
traduction carolita du bulletin 025 de l'ONIC