Brésil : Le peuple Fulni-ô
Publié le 1 Avril 2020
Peuple autochtone du Brésil vivant dans l’état de Pernambuco, et qui est le seul peuple originaire du nord-est du pays à garder sa langue vivante et active, le Ia-tê et un rituel appelé Ouricuri qu’ils accomplissent actuellement dans le plus grand secret.
Population : 4689 personnes (2014)
Le nom
Ils étaient auparavant désignés sous le nom de Carnijos, un nom donné pour désigner les indiens d’Aguas Bela. Ils sont longtemps été considérés par des érudits comme les derniers survivants des indiens Kariri dont l’habitat s’étendait dans tout le nord-est du Brésil mais cette hypothèse sera écartée depuis qu’une analyse linguistique comparative a conclu que la langue des indiens karnijos diffère considérablement de celle des amérindiens de la famille kariri. Récemment le linguiste Aryon Dall’Iigna Rodrigues (1986) a classé la famille kariri et la langue Ia-tê comme faisant partie du tronc linguistique macro-jê.
Localisation et Terre Indigène
- T.I Fulni-ô – 11.506 hectares, 4689 personnes, réservée Villes : Aguas Belas et Itaiba.
La région d’Aguas Belas est traversée du nord au sud par le rio Ipanema qui se jette dans le rio São Francisco. Les Fulni-ô vivent dans deux villages, l’un situé près de la ville d’Aguas Belas où se trouve le poste indigène de la Funai et l’autre est le lieu sacré du rituel Ouricuri où ils s’installent de septembre à octobre.
Contexte historique
Sur le territoire de la capitainerie de Pernambuco vivaient de nombreux groupes tribuax de langue tupí guaraní. Ceux qui ne parlaient par ces langues portaient le nom de Tapuios ou Tupuyaa. A l’époque coloniale les indiens qui habitaient la côte ont été repoussés vers l’intérieur des terres et ont laissé la place à d’autres populations. La lutte qui a opposé au milieu du XVIIe siècle les portugais aux néerlandais pour le territoire brésilien a façonné une nouvelle répartition démographique. Après l’expulsion des néerlandais du Pernambuco les portugais ont décidé de réorganiser l’administration des groupes indigènes de la région. Compte tenu de cette réorganisation administrative la couronne portugaise a sans doute décidé de faire entrer les peuples autochtones dans les villages pour mieux les contrôler. C’est certainement vers cette époque-là que les Fulnio-ô se sont installés où ils se trouvent aujourd’hui.
Vie sociale
Foto: Memélia Moreira
Les mariages interethniques chez les Fulni-ô sont importants. Pour participer au rituel de l’Ouricuri l’une des exigences est d’être le fils d’un père ou d’une mère Fulni-ô. Il y a aussi l’exigence d’assister au rituel de l’ouricuri dès son plus jeune âge. Ainsi tous les enfants des unions interethniques qui participent au rituel s’identifient comme indiens fulni-ô et son reconnus comme des personnes blanches ou civilisées.
Il y a 2 catégories sociales dans lesquelles les Fulni-ô classent leurs descendants mais sans pour autant les considérer tous comme faisant partie du groupe. La première catégorie représente les personnes qui vivent sur les terres de la réserve et comme elles en font partie, la Funai les reconnaît comme des indiens, ces personnes sont appelées rémanentes.
La seconde catégorie se compose des individus qui sont des enfants d’unions interethniques qui ne participent pas au rituel. En 1982 il y avait 70 familles vivant sur la T.I ayant le statut d’indien par la Funai mais non pour les Fulni-ô. L’origine de ce groupe est incertaine. Ce sont probablement des descendants d’unions interethniques qui ont cessé de participer au rituel Ouricuri à un moment donné.
Ressources
Actuellement la plupart des familles cultivent leurs champs (environ 2 ou 3 hectares) en utilisant la main d’œuvre disponible dans la famille. Ils vendent une grande partie de leur production agricole. Ils produisent du fourrage et du coton pour les vendre entièrement. Les haricots, le maïs, le manioc sont cultivés pour la consommation et la vente du surplus.
Les femmes fabriquent des objets en fibres de palmier, ce sont les hommes qui vont chercher dans les montagnes, taillent et transportent le matériau pour les femmes. Si une famille n’a pas d’hommes, ce travail doit être effectué par les femmes. Les produits confectionnés sont : sacs, nattes, brosses, chapeaux, éventails. Le travail est effectué de septembre à décembre lorsque le travail dans les champs est terminé, c’est aussi à ce moment que les produits sont plus accessibles et que la fibre ne sèche pas trop quand on la travaille.
Le rituel Ouricuri
Les préparatifs pour le déménagement au village d'Ouricuri commencent dans les dernières semaines d'août. Tous les Fulni-ô qui travaillent en dehors d'Aguas Belas, tels que les employés, les enseignants, les policiers, pendant la première semaine du rituel demandent la permission de quitter leur travail et de se concentrer sur le village d'Ouricuri ; ceux qui peuvent y rester sans partir pendant toute la durée du rituel.
Tous les Fulni-ô ont pour règle d'interdire de parler du rituel. Les anciens s'assurent que ceux qui ont enfreint cette règle sont morts d'une mort étrange. Il s'agit sans doute d'un avertissement pour éviter de rompre le secret.
Une partie de ce qui se passe dans le village d'Ouricuri est du domaine privé. Nous savons donc qu'il existe des zones où les femmes ne peuvent pas entrer, bien qu'elles soient au courant des activités qui s'y déroulent. Pendant la nuit, les hommes dorment séparément des femmes, les femmes dans les maisons et celles dans les hangars. Pendant les mois du rituel, il est interdit d'avoir des relations sexuelles à l'intérieur du village d'Ouricuri. Bien que l'abstinence sexuelle absolue ne soit pas pratiquée, le lieu sacré du rituel est respecté, ce qui permet de maintenir ce type de relations en dehors du village. Il est également interdit de boire de l'alcool, d'écouter de la musique et même de siffler. Lorsqu'un Fulni-ô de la ville ou du village du poste indigène prend une boisson alcoolisée, il ne peut pas se rendre au village d'Ouricuri. C'est pourquoi ils évitent toute boisson enivrante à cette époque. Selon les mots de certains anciens dans le rituel, ils prient et prient pour le bien de tous, car ils s'assurent que leur religion est très similaire à la religion catholique.
Dans le rituel Ouricuri, le Ia-tê joue un rôle fondamental, car c'est la langue qui est parlée de préférence pendant ses quatorze semaines de durée. C'est là que les jeunes sont socialisés en enseignant un code symbolique différent de celui utilisé par la société environnante.
L'un des événements les plus importants du rituel est l'élection de ses autorités, à savoir le Pajé, le Cacique et le chef. Dans le rituel Ouricuri, le Cacique et le Pajé sont tous deux des figures centrales. Nous ne connaissons pas leurs attributions ni les limites de leur autorité. Lorsque nous avons demandé lequel des deux avait le plus d'autorité en dehors du rituel, nous avons obtenu des réponses qui se contredisaient. Ainsi, alors que certains ont dit que c'était le chef, d'autres ont dit que c'était le chaman. Mais il semble y avoir un consensus sur le fait qu'en abordant toute question qui incombe à l'ensemble du groupe, les deux parties devraient agir d'un commun accord.
Autrefois, le village rituel était érigé avec des maisons de palmiers d'Ouricuri. Chaque année, à l'approche de l'ouverture du rituel, les indiens élevaient leurs maisons respectives, qu'ils démontaient à la fin du rituel. Aujourd'hui, les maisons sont permanentes, bien qu'elles soient construites avec des matériaux de qualité inférieure à ceux qui existent dans le village du poste indigène. Les conditions sanitaires sont également plus précaires que dans ce dernier. Jusqu'en 1981, les Fulni-ô se réapprovisionnaient pendant les mois du rituel avec de l'eau déposée pendant la saison des pluies dans deux grands puits ; en général, l'eau s'épuisait avant la fin du rituel ; ils devaient alors aller la chercher en ville, ou dans les rivières de montagne éloignées de six ou sept kilomètres, en la transportant dans des charrettes tirées par des mules. Avec le manque d'eau, les conditions sanitaires se sont encore aggravées, et le nombre de décès causés par des infections intestinales était alarmant. Heureusement, en 1982, ils ont obtenu de la compagnie qui fournit l'eau à la ville d'Aguas Belas qu'elle étende ses installations au village d'Ouricuri ; en échange, les indigènes permettaient à cette compagnie (COMPESA) d'exploiter l'une des rivières de leur territoire pour alimenter la ville d'Aguas Belas.
traduction d'un extrait de l'article sur le peuple Fulni-ô du site pib.socioambiental.org
Source pour rédiger cet article : pib.socioambiental