Pérou - Eulogia Guzmán : les femmes indigènes et le premier cas de violence obstétrique

Publié le 10 Mars 2020

La plateforme de journalisme numérique Salud con Lupa, raconte l'histoire de l'agricultrice de Cusco qui a été victime de mauvais traitements qui ont généré des dommages irréversibles à son enfant lors de son accouchement dans un centre de santé. Son cas est le premier à être examiné comme cause de violence obstétrique à la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH).

Servindi, 8 mars 2020 - Avec le spécial d'enquête "Naissance volée", la plateforme de journalisme numérique Salud con Lupa a mis en lumière un type de violence à l'égard des femmes que peu de personnes parviennent à reconnaître jusqu'à aujourd'hui : la violence obstétricale.

Dans l'un de ses rapports, Salud con Lupa présente le cas d'Eulogia Guzmán, une agricultrice cusqueña et locutrice du quechua, qui a été maltraitée lors de son accouchement le 10 août 2003.

Ce jour-là, la femme indigène a été transférée au centre de santé de Yanaoca en raison de fortes contractions. Pendant une demi-heure, elle attendit dans les couloirs sans personne pour s'occuper d'elle, tandis que les douleurs augmentaient.

Quand Eulogia n'en pouvait plus, elle ajustait sa jupe et s'accroupissait pour pousser - c'était la façon dont elle avait accouché avant, à la maison, de ses cinq premiers enfants. Mais quelques minutes plus tard, une infirmière est apparue et lui a ordonné de monter sur un brancard.

"Ama hina Kaychu, amaña kuyurichiwaychu [Ne me bougez plus, s'il vous plaît, ne me bougez plus]", a-t-elle répété à plusieurs reprises. L'infirmière Gladys Limachi ne l'a pas écoutée. Elle a saisi ses poignets pour la soulever et, au milieu de la lutte, Eulogia a éjecté l'enfant, qui est tombé brutalement au sol", selon le rapport. Son fils est mort d'une pneumonie en 2015.

Avec l'aide de l'avocate María Concepción, Eulogia a déposé une plainte contre quatre employés de centres de santé pour négligence médicale lors de son accouchement.

Sa plainte a été déposée en décembre 2009 par la Cour suprême.

Cependant, il y a encore de l'espoir pour la justice.

Il y a six ans, la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH) a accepté la plainte comme premier cas de violence obstétrique et cette année, elle doit présenter un rapport final à l'État péruvien.

Bien que les conclusions et recommandations de la CIDH ne modifient pas les décisions judiciaires, le prononcé de cette instance pourrait créer un précédent en termes de violence obstétricale et de réponse adéquate du système de santé à d'autres situations du même type.

"Si l'État péruvien ne se conforme pas [aux recommandations], la Commission renverra l'affaire devant la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme, où d'autres mesures de justice et de réparation pourront être ordonnées pour Eulogia", explique Gabriela Oporto, avocate de l'organisation féministe Promsex, qui s'occupe de l'affaire.

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Données :

- En 2014, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a reconnu la violence obstétricale "comme un problème de santé publique" et cinq ans plus tard, les Nations unies ont reconnu ce type de violence à l'égard des femmes comme "une forme généralisée et standardisée de violation de leurs droits fondamentaux dans les services de santé".

- Le Pérou est le troisième pays d'Amérique latine qui compte le plus grand pourcentage d'indigènes dans sa population (24 %) ; cependant, pendant longtemps, les services de santé ont ignoré la culture et les traditions des familles lors de la naissance de leurs enfants.

- Le rapport dénonce certains problèmes qui contredisent les politiques de santé publique du Pérou, comme le plan d'accouchement en fonction des besoins des femmes ; malgré le peu d'informations fournies sur le droit d'une femme à choisir la position dans laquelle elle se sent le plus à l'aise pour accoucher.

- Une autre plainte remet en cause la politique de l'accouchement dans le respect, car elle serait de nature à persécuter et à décourager la pratique des sages-femmes indigènes qui accouchent à domicile.

- Actuellement, le Pérou ne dispose pas d'une réglementation établissant des sanctions pénales et administratives spécifiques en cas de violence obstétrique.

Traduction carolita d'un article paru sur Desinformémonos le 8 mars 2020

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