Brésil - En pleine pandémie de covid-19, le gouvernement annonce l'élimination des quilombos dans le Maranhão

Publié le 31 Mars 2020

Brasil de Fato | São Paulo (SP) |
 

Les Quilombolas réagissent à la nouvelle : "Cela montre seulement à quel point ce gouvernement est autoritaire et raciste".

Une résolution du gouvernement fédéral, publiée au Journal officiel (DOU) vendredi dernier (27), signée par le général Augusto Heleno, ministre du Cabinet de la sécurité institutionnelle, annonce que le Brésil va retirer les communautés quilombolas d'Alcântara, dans le Maranhão, en pleine pandémie de coronavirus. La zone occupée par les familles sera utilisée pour agrandir le Centre de Lancement d'Alcântara (CLA), un accord que Jair Bolsonaro a déjà signé avec les États-Unis.

Selon la Coordination Nationale des Communautés Rurales Noires quilombos (Conaq), ce déménagement devrait nuire à environ 800 familles. Cette mesure a été critiquée par les mouvements sociaux et le gouvernement du Maranhão, qui ont demandé le respect des communautés, présentes sur le territoire depuis le XVIIe siècle.

"Il faut d'abord s'occuper de la population, dans le contexte d'une pandémie, où la priorité doit être de prendre soin des gens et non d'affaiblir leurs conditions de vie. Deuxièmement, ce comité, selon la Convention 169 de l'OIT (Organisation Internationale du tTravail), n'aurait pas dû prendre de décision de retrait de populations avant de consulter les communautés locales. Troisièmement, le gouvernement fédéral devrait résoudre les problèmes liés aux délocalisations précédentes, qui ont causé de graves dommages aux communautés quilombos. Le comité a pris cette décision avant de conclure le travail du groupe technique", déclare Francisco Gonçalves da Conceição, secrétaire des droits de l'homme et de la participation populaire du gouvernement de l'État du Maranhão.

Dans une déclaration, le Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre (MST), le Mouvement de l'Association du Territoire Quilombola d'Alcântara (ATEQUILA), le Mouvement des Femmes Travailleuses d'Alcântara et le Mouvement des Personnes Affectées par la Base Spatiale (MABE), entre autres, ont condamné cette mesure.

"Nous considérons que cette mesure est arbitraire et totalement illégale, car elle viole plusieurs dispositions légales protégeant les droits des communautés quilombolas restantes, ainsi que des traités et des conventions internationales se référant aux droits de ces communautés", expliquent les mouvements, qui ont réaffirmé la volonté de rester en place.

"Enfin, nous n'admettons aucune possibilité de déplacement et nous réaffirmons notre défense large et sans restriction des communautés quilombolas d'Alcântara dans leur droit à rester sur leur territoire traditionnel dans sa totalité et sa plénitude. Nous activerons tous les moyens et mesures possibles pour les protéger", conclut la note.

Pour le politologue Danilo Serejo, membre de Conaq et Mabe, le gouvernement fédéral, en déterminant le renvoi, est "raciste".

"Nous le constatons avec beaucoup d'inquiétude, car tout ce processus s'est fait sans transparence avec les communautés quilombos d'Alcântara. Ainsi, autoriser l'éloignement sans respecter aucune des garanties prévues par le droit brésilien et international est très compliqué. Rendre verticale cette décision sur la vie des quilombolas d'Alcântara ne fait que montrer à quel point ce gouvernement est autoritaire et raciste", déclare Serejo.

Dans la résolution, le général Heleno annonce que l'Aéronautique va procéder à l'expulsion des familles et que l'INCRA (Institut National de la Colonisation et de la Réforme Agraire) sera chargé de réinstaller les familles dans une autre région. Le gouvernement n'a pas fixé de date pour le retrait des quilombos de leurs territoires, mais la mesure sera prise avant la conclusion des études techniques du Comité de développement du programme spatial brésilien, qui a vu le délai prolongé de 180 jours.

Histoire des déplacements

En 1983, 312 familles de quilombolas ont été expulsées de leur territoire à Alcântara, une péninsule du Maranhão, et transférées dans les villages les plus au sud de l'État. Ils y ont gagné des parcelles de 16 hectares. Trois ans plus tôt, le gouverneur de l'État de l'époque, Ivar Saldanha (PDS), avait exproprié 52 000 hectares du territoire occupé par les quilombolas et les avait remis à l'Union. Cette mesure faisait partie du projet de construction du Centre de lancement d'Alcântara (CLA), qui a été repris par le dictateur João Batista Figueiredo (1979-1985) et géré par l'armée de l'air brésilienne (FAB).

Les quilombolas expulsés de leurs territoires ont été transportés vers des agrovillages situés à l'intérieur de l'État, dans une zone couverte de sable et de terre aride. Dans les quilombos, la pêche garantissait la subsistance de la communauté et dictait la dynamique de l'organisation du lieu. Je ne sais pas pourquoi vous l'appelez "agrovila", l'agriculture n'a rien. C'est un projet qui a mal tourné. Je vis dans un des agrovillages, ça n'a jamais marché, ils nous ont mis dans un endroit où nous ne pouvons pas subvenir à nos besoins", explique Antônio Marcos Pinho Diniz, président du syndicat des travailleurs d'Alcântara.

En 1991, l'ancien président Fernando Collor a exproprié 10 000 hectares supplémentaires d'Alcântara pour construire le CLA, soit 62 000 hectares au total.

En 2008, le vent a tourné en faveur des familles de quilombos. Un rapport technique d'identification et de délimitation préparé par l'INCRA a garanti 78 100 hectares de la région aux communautés quilombos et a limité l'espace de la base aérienne à 8 000 hectares.

En 2010, sous l'ancien président Luiz Inácio Lula da Silva, l'État a revendiqué 12 000 hectares supplémentaires dans la zone côtière d'Alcântara. La nouvelle acquisition n'a jamais été confirmée, mais les 792 familles de quilombolas qui vivent dans la région vivent depuis dans la crainte de cette possibilité.

En mars 2019, le Brésil et les États-Unis ont signé un contrat qui garantit aux citoyens américains le droit d'exploiter la base d'Alcântara. L'accord prévoit des garanties technologiques et permet le lancement de fusées et de satellites dans la région.

La possibilité d'étendre la superficie de la CLA, qui est aujourd'hui de 8 000 hectares, est prévue dans le document. Les quilombolas se sont donc mobilisés afin d'obtenir définitivement le titre de propriété de leurs terres, ce qui leur garantirait la stabilité dans la région et le pouvoir dans une future négociation avec l'État.

Edition : Lucas Weber

traduction carolita d'un article paru sur Brasil de fato le 28 mars 2020

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