Brésil : Le peuple Kujubim

Publié le 19 Février 2020

La matriarchSuzana Kujubim. Foto: CIMI- RO, 2002.

Les Kujubim vivent dans le sud-ouest de l’Amazonie dans l’état de Rondônia à la frontière avec la Bolivie.

Ils font partie des nombreux peuples autochtones qui se trouvent dans la région appelée « Gran Rondônia », une région peu étudiée ou même connue. Leur langue kuyubi ou kaw tawo appartient à la famille linguistique txapakura. Bien qu’ils aient été considérés comme éteints par l’état brésilien dans les années 1980, de leur propre point de vue et de celui d’autres peuples indigènes de la région ils n’ont jamais cessé d’exister et de résister. Depuis les années 2000 ils ont repris leur importance sur le devant de la scène régionale et nationale en ce qui concerne la délimitation de leur territoire traditionnel et de la revendication des droits constitutionnels autochtones.

Autodénomination : Towa Panka

L’autodénomination du groupe « au moment de la maloca » qui est la période précédent le contact était Towa Panka. Selon la matriarche Suzana il signifie « tête blanche » dans la langue maternelle. Ce terme suggère une relation symbolique existante entre le peuple et l’oiseau cujubim (pénélope cujubi /pipile cujubi) qui a un corps noir et n’a que des plumes blanches sur la tête. Cette explication apparaît dans le récit mythique selon lequel l’oiseau cujubim amène les âmes des humains dans leur corps à leur naissance et les prend à leur mort.

Le nom

Kujubim selon les matriarches est un nom qui a été donné par des membres de l’entourage du maréchal Rondón qui a traversé le territoire indigène vers 1920.

Population

140 personnes (2014)

Autrefois ils étaient séparés en trois groupes distincts :

Kumaná

Matawá

Kujana

Ils étaient tous nommés par les non indiens , indiens « cautários » selon un terme entendu chez leurs voisins indigènes Moré.

La population augmente d’année en année en raison de mariages interethniques avec d’autres peuples indigènes vivant sur le territoire du rio Guaporé (T.I Guaporé) ainsi qu’avec des quilombolas de la région de Santon Antônio, à Costa Marques et aussi des non indigènes. Les descendants de ces mariages sont identifiés comme Kujubim. Ce scénario de croissance démographique est très important et significatif pour la groupe en raison du fait  que dans les année s1980 les Kujubim avaient été considérés comme éteints par des sources officielles.

Langue

Leur langue appartient à la famille linguistique txapakura, elle a été classée par Duran(2000) comme kuyubi ou kaw tayo.

Les trois matriarches. De gauche à droite : Suzana, Rosa et Francisca. Photo : Cimi-RO, 2002.

Les trois seules locutrices de la langue étaient les trois matriarches décédées à présent, Suzana, Rosa et Francisca.

Actuellement la communication orale est réduite aux mots de tous les jours, tels que « tok ta » (chicha) et aux noms d’animaux présents dans leur vie quotidienne, « imin « (tapir), « myak » (pécari), « kinam » (jaguar).

Le portugais est la langue parlée sur le territoire.

En 2017 le projet documentaire « Documentation et sauvegarde de la langue Moré-Kujubim » a démarré dans le but de reprendre l’usage écrit et oral de la langue maternelle dans les villages. L’action recouvre le répertoire des mots kujubim prononcés aujourd’hui.  Grâce aux études linguistiques à partir d’enregistrements, d’articles scientifiques et de notes de voyage il a été possible d’enregistrer quelque 800 mots de la langue kuyubi en usage aujourd’hui.

Dans une étude récente Birchall et al (2016) propose une division en sous-groupes de la famille txpakura basée sur une relecture des classifications précédentes plaçant la langue kujubim sur une branche appelée « morico » avec d’autres langues comme le moré et le torá qui diffèrent par exemple du rameau « warico » formé par les langues oro win, wanyam, jarú et urupá.

Localisation

Ils vivent dans tout le Rondônia avec une forte concentration dans le sud-ouest et le sud de l’état.

Deux Terres Indigènes (T.I)

  • T.I Rio Cautário – en cours d’identification. Villes : Guajará-Mirim et Costa Marques. 3 peuples y vivent : Djeoromitxi (langue jabuti), Kanoê (langue kanoe) et Kujubim (langue txapakura)
  • T.I Rio Guaporé – 116.000 hectares. Ville : Guajará-Mirim. 10 peuples y vivent : Aikaná (langue aikana), Arikapú (langue jabuti), Aruá ( langue mondé), Djeoromitxi (langue jabuti), Kanoë (langue kanoe), kujubim (langue txapakura), Makurap (langue tupari), Wajuru (langue tupari), Wari (langue txapakura).

Organisation politique

L’assemblée des Kujubim promue en 2002 a encouragé la lutte du peuple pour sa reconnaissance devant l’état et le sauvetage du territoire traditionnel. 140 personnes étaient concernées par ces luttes, malgré leurs histoires séparées, intéressées à mettre en commun leurs pratiques, leurs coutumes et mode de vie traditionnel. Aujourd’hui les difficultés qu’ils rencontrent concernent la démarcation de la Terre Indigène du rio Cautario car le territoire est très convoité par plusieurs groupes non autochtones de la région impliquant des scieries stationnaires clandestines et la réserve extractive RESEX du rio Cautário.

Pour les Kujubim l’achèvement de la démarcation leur permettrait de meilleures conditions de vie et des droits nécessaires pour pouvoir éduquer les enfants dans le village avec la création d’une école et d’un poste de santé. D’autres groupes pourraient également les rejoindre dans la T.I par exemple le peuple Kanoê, le peuple Djeoromitxí et le peuple Wajuru.

L’organisation politique est articulée à travers les dirigeants des villes et des villages. Le cacique ou le leader doivent exercer le leadership politique du groupe. Les dirigeants sont responsables des questions qui affectent le groupe, des mobilisations pour reprendre le territoire ou de la résolution des problèmes avec les blancs et avec les institutions.

Les caciques sont des leaders au niveau local, ils sont plus liés à la résolution des petits conflits et ils organisent des ateliers.

Culture matérielle/activités productives

Un homme kujubim prépare de la farine d'eau dans le village de Ricardo Franco. Photo : Gabriel Sanchez, 2018.

La T.I du rio Guaporé comprend 6 villages non éloignés les uns des autres et elle est connue pour sa grande diversité multiethnique et multilingue comme le « complexe culturel Marico ». Dix groupes ethniques vivent sur le territoire faisant partie de 6 familles linguistiques différentes. De nouvelles relations sociales, un réseau intense de conjoints, d’éléments de culture matérielle, d’histoires, de mythes ont été établis par la proximité de ces peuples.

Maison à   Bahía de las Onzas. Foto: Gabriel Sanchez, 2018

Dans les maisons de terre couvertes de palme du palmier aricuri se tiennent les fêtes collectives et on y conserve les arcs et les flèches, l’artisanat, les artefacts de la vie matérielle comme par exemple le marico, un sac en fibre de palmier tucum qui sert à transporter des objets ou la récolte.

Garçon kujubim apprenant à tresser le tapis (iwi) avec de la paille. Photo : Gabriel Sanchez, 2018.

Chaque peuple a sa propre particularité, par exemple les Kujubim tressent un tapis en paille d’aricuri reliant un seul point de tresse alors pour les Wajuru et les Djeoromitxí il y a deux mailles.

La chicha, une boisson fermentée produite à partir de macaxeira (manioc) se consomme dans les moments de sociabilité au sein du système régional.

Activités de subsistance

Homme Kujubim revenant du travail. Il porte sur son dos le paneiro, un panier couramment utilisé pour transporter les récoltes de la ferme. Photo : Gabriel Sanchez, 2018.

Les Kujubim vivaient et vivent toujours de la chasse, de la cueillette de fruits et de graines sauvages, de la pêche et d’une agriculture coivara de subsistance. Ils récoltent l’açaï, les noix du Brésil (châtaignes) et plantent principalement du manioc. Une farine est produite pour la consommation et la vente dans des points commerciaux.

Les activités sont pratiquées avec la division sexuée, les hommes chassent et pêchent, les femmes s’occupent des cultures et des activités domestiques.

Un travail commun néanmoins est effectué lors de l’ouverture des terres.

Les plantations sont : manioc, papaye, maïs, pommes de terre, bananes, pastèques, ananas, haricots, riz.

La chasse est pratiquée en petits groupes d’hommes de 2 à 4. Ils quittent le village le matin et ne reviennent que l’après-midi, quand il y a suffisamment de viande elle est partagée entre tous.

Espèces chassées /mammifères : singes, tapirs, pécaris, caititus (pécaris à collier), agoutis

Oiseaux : paujil (crax alberti ou hocco d’Albert), pava (penelope obscura, pénélope obscure), jacamin (psophia obscura ou agami obscur), canard sauvage

Reptiles, tortues, poissons.

Cosmovision

Le cosmos pour eux va au-delà des relations humaines car tous les êtres sont dotés d’un esprit ou d’une âme. Manger de la viande de tortue quand on a un petit enfant rend le corps de l’enfant vulnérable aux attaques de l’esprit de la tortue provoquant des maladies. Si trop d’animaux sont chassés, les propriétaires de ces animaux seront enragés ce qui rendra la chasseur malchanceux et il sera alors touché par des flèches sous forme de maladie.

Rituels d’initiation

A ses premières règles la fille est isolée dans une maison pendant une semaine environ jusqu’à la fin de son cycle. Sinon elle pourrait être exposée aux mauvais esprits et pourrait devenir paresseuse ou irritable.

Les filles ne peuvent être vues de l’arc-en-ciel car le boa qui y habite peut leur lancer des flèches la rendant malade ainsi que son futur cycle de reproduction qui sera menacé par le contrôle des esprits.

Les garçons à l’âge de 6 ans apprennent à faire des flèches et à tirer à l’arc.

A 12 ans ils sont initiés par le chaman à la consommation du jus de genipa pour que leur voix ne devienne pas trop rauque et en même temps pas trop fine. Avec la prise de genipa ils doivent imiter plusieurs animaux comme le tapir, le caititu, le nambu pour pratiquer leur première chasse.

La première proie qu’ils ramènent est partagée avec tout le monde sauf le chasseur lui-même qui ne peut consommer cette viande car s’il le faisait il serait ensuite inefficace le reste de sa vie.

Le mariage est considéré comme un rite de passage, à l’époque de la maloca, les futurs mariés étaient marqués par la perforation des joues et du nez.

Rites funéraires

Au moment de la maloca lorsqu’un parant décédait son corps était placé dans une urne funéraire en argile rouge en position fœtale. L’urne était enterrée à l’intérieur de la maloca qui était ensuite brûlée.

source et images pib.sociamabiental.org

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Brésil, #Peuples originaires, #Kujubim

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article