L’usage rituel de la Jurema chez les Amérindiens du Brésil colonial (XVIIe -XVIIIe siècles)

Publié le 12 Septembre 2019

L’usage rituel de la Jurema, forme de culte lié à l’usage d’espèces botaniques (parmi lesquelles l’espèce Mimosa tenuiflora, d’abord appelée Mimosa hostilis Benth) pour la préparation d’un breuvage sacré propre à amener l’homme à la perception d’autres niveaux d’existence avec lesquels communiquer (le « monde des Encantados », le « monde des ancêtres », le « monde des esprits »), a joué un rôle essentiel durant la période des luttes et des guerres coloniales dans les recompositions des sociétés indigènes, et dans la cohésion de groupes pluriethniques dans le Nordeste du Brésil aux XVIIe et XVIIIe siècles1. Explorer, à travers ce prisme, les relations interethniques dans les aldeias (villages missionnaires)2 du Nordeste au cours de la période moderne conduit à s’interroger sur la circulation des pratiques sociales et religieuses au sein des peuples indigènes eux-mêmes, au cours de l’avancée coloniale.

  • 3 Labate et Goulart (éd.), O uso ritual das plantas ; Bastide, « Catimbó » ; Brandão et Rios, « O Ca (...)
  • 4 « Selon quelques analystes, à partir de la colonisation, avec l’appropriation chrétienne des tradi (...)
  • 5 Bastide, Les religions afro-brésiliennes ; Cascudo, Meleagro : pesquisa do Catimbó.
  • 6 Pinto, Saravá Jurema Sagrada.

2C’est dans la documentation coloniale que l’on trouve la première évocation de l’usage de la Jurema, boisson emblématique qui a conservé — tout au long des siècles et jusqu’à nos jours — une place de choix dans les systèmes de croyances aussi bien parmi les populations indigènes que parmi les populations métisses dont est composé le peuple brésilien. En effet, de nombreuses études à cet égard portant sur la période contemporaine témoignent de la perpétuation de son usage dans des contextes divers. D’importants travaux anthropologiques insistent sur la permanence du rituel au sein de communautés indigènes, mais aussi sur le rôle syncrétique joué par cette boisson dans les cultes afro-brésiliens au sein des populations urbaines3. L’usage rituel de ce breuvage se retrouve dans des formes syncrétiques de magie païenne imprégnées de catholicisme venues d’Europe4, dans le contexte du catimbó (comme l’attestent Roger Bastide et Câmara Cascudo5), ainsi que dans les cultes afro-brésiliens (umbanda et candomblé), ce qu’attestent également Roberto Motta et Clélia Moreira Pinto6.

3L’information la plus ancienne dont nous disposons, faisant nommément mention de la Jurema, figure dans un document rédigé à Recife en 1739 à l’occasion d’une réunion du Conseil des Missions (Junta das Missões) du Pernambuco. Il révèle que la principale préoccupation des représentants de l’Église et de l’État colonial portugais, présents à la séance, était de rechercher les moyens les plus efficaces de réprimer et d’extirper cette pratique, courante à l’intérieur des aldeamentos (villages missionnaires) de la Paraíba, car elle était « diabolique » et « destructrice » des « véritables principes » énoncés par le catholicisme. Cette information, que nous considérons à présent comme l’inscription documentaire la plus ancienne concernant l’utilisation de la Jurema chez les indigènes du Nordeste du Brésil, permet de s’interroger sur les origines ethniques et géographiques de l’usage de cette plante.

4Pour tenter de répondre à ces interrogations, il faudra nécessairement s’aventurer sur les chemins tortueux des relations qui s’établirent entre colons et autochtones dès l’arrivée de populations européennes dans ce qui deviendra l’Amérique portugaise, mais aussi procéder à la mise en contexte des dynamiques de recomposition sociale de groupes ethniques hétérogènes au sein des aldeias constituées dans les zones du littoral par le pouvoir colonial.

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