Colombie - Vainqueurs de la peur - Indigènes Nasa
Publié le 5 Septembre 2019
3 SEPTEMBRE 2019
Edilma Prada Céspedes
Sur les sommets des montagnes du Cauca, les indigènes Nasa, fils et filles de la Terre Mère, continuent à se battre pour la défense de la vie et, par des rituels, cherchent à " guérir " le territoire. Ces derniers jours, leurs leaders, guides spirituels et gardes ont été assassinés après leur action collective pour empêcher que leurs resguardos ne soient utilisés pour des cultures illicites et scènes de violences.
Cette histoire commence à se tisser à partir de janvier 2019, lorsque les Nasa de Toribío, dans le Cauca, avec des rituels d'harmonisation et des dialogues collectifs qui alertent d'une nouvelle guerre. Depuis la tulpa, l'espace où ils partagent la parole autour du feu, un guide spirituel a parlé de la " maladie " du territoire causée par les champs de coca et de marijuana. Depuis, les leaders se sont accrochés au mandat de la communauté. Mois après mois, ils ont mis en garde contre les menaces et les risques auxquels ils sont confrontés et, ensemble, ils ont avancé dans le " nettoyage " de leurs resguardos et exigé que les groupes armés et les trafiquants de drogue partent. A chaque coucher du soleil, les membres de la garde indigène, composée de femmes, d'hommes, d'enfants et de jeunes, saisissent leurs bâtons pour protéger leur culture. Nous tissons cette histoire avec les voix et les sentiments des Nasa qui, par des actes de résistance, surmontent la peur, malgré les assassinats et les menaces contre leurs gardes et leurs leaders qui se battent toujours. Par une déclaration d'urgence humanitaire, ils exigent le respect de leur vie.
Harmonisant le territoire
Le vent souffle froid et des gouttes de rosée tombent d'une chaîne de montagnes dont sur les contreforts poussent de gigantesques palmiers à cire, l'arbre emblématique de la Colombie. Il y a des nuages noirs qui avertissent d'une forte averse de pluie. C'est un jeudi de janvier de cette année, à deux heures de l'après-midi, alors que l'environnement est plus froid, un groupe de leaders indigènes de l'ethnie Nasa parcourt les montagnes escarpées du village de Tacueyó, de Toribío, Cauca, au sud-ouest du pays. D'autres arrivent en camionnettes blanches accompagnées d'escortes différentielles, sans armes. Tous se rendent à la finca Torné, un lieu où les peuples indigènes accomplissent des rituels d'harmonisation et de dialogue. Là, à deux heures de route du centre urbain de Toribío, le long d'une route découverte et poussiéreuse, ils analyseront les risques et les menaces contre leurs dirigeants et le territoire.
Les indigènes, hommes et femmes de petite et moyenne taille, comme presque tous les Nasa, arrivent au centre de la pensée construit sous la forme d'un kiosque. Le toit est recouvert de feuilles séchées de palmier à cire. Au milieu, il y a trois pierres qui font un feu de camp, c'est la tulpa et, au sol, il y a 30 troncs qui forment une spirale qui symbolise pour de nombreux peuples autochtones d'Amérique latine le chemin de la vie.
A côté du feu, il y a thë' wala ou le médecin traditionnel. Eliserio Vitonás Tálaga, 50 ans, aux yeux sombres et au regard serein, porte une ruana aux couleurs terreuses, en laine de mouton, et se couvre la tête avec un chapeau fait main. Les thë'wala ont pour mission de guider le chemin pour se connecter avec le spirituel, l'espace et ce qui se passe dans leur vie et dans les communautés.
Les indigènes s'assoient silencieusement sur les troncs, tandis qu'Eliserio, avec une eau-de-vie artisanale et mélangée à des plantes médicinales, arrose le sol et les trois pierres de la tulpa ; puis, boit un peu, il trinque avec l'uma kiwe ou terre mère. Il invite les autres à faire de même.
Dans sa langue maternelle, le nasa yuwe, il invoque les "grands-parents" ou esprits pour regarder les difficultés et les guider.
-La mère Terre est malade.
C'est ainsi que la cérémonie commence.
Il fait référence aux intimidations et aux assassinats dont leurs leaders sont victimes et aux dommages qu'ils causent aux processus communautaires. Il parle des cultures de marijuana et de coca plantées pour la consommation illicite, de la présence de groupes arrivés à Toribío et promus par le trafic de drogue, et des jeunes qui se laissent influencer par l'argent facile. Ce sont aussi les familles qui considèrent ces cultures comme une alternative de subsistance.
Parfois, il y a du silence. On n'entend que le feu et la pluie diluvienne.
-On a l'impression d'être en disharmonie. Les gens viennent d'ailleurs sur notre territoire pour mettre le désordre, ils viennent avec de l'argent pour semer de la marijuana et de la coca. Les plantes ne sont pas mauvaises, mais eux les utilisent pour faire du mal. Nous ne sommes pas d'accord, c'est pourquoi nous devons équilibrer notre maison.
Ce qu'affirme le guide spirituel.
Les indigènes participent à un rituel d'harmonisation. Des totumas, ils saupoudrent une boisson avec des plantes médicinales sur les trois pierres, qui signifient la tulpa.
Luis Ángel.
Ses paroles ce jour-là étaient presque une prémonition de ce qui se passerait dans le courant de 2019, qui a fait 37 morts parmi les peuples autochtones dans la partie nord du Cauca. Les crimes les plus récents qui ont été commis sont ceux des gardes Kevin Mestizo Coicué et Eugenio Tenorio, le 10 août au milieu d'une caravane sur la Via Caloto - Toribío. Et le 26 août, Iván Andrés Mejía, membre de la communauté, a été assassiné dans le secteur d'El Palo, Caloto, à la frontière avec Toribío.
Ce jeudi de janvier, la mission devait discuter et décider ensemble des mesures urgentes. L'important, c'est de surmonter la peur.
C'est alors que commence le dialogue collectif.
Le premier orateur est Rubén Orley Velasco Mesa, âgé de 41 ans, leader du Resguardo de Tacueyó. Il porte un chapeau tissé à la main avec des feuilles de canne et qui est bordé d'un ruban aux couleurs de l'arc-en-ciel, le même que le drapeau des peuples andins.
Rubén est l'un des dirigeants les plus menacés de la région. Il fait partie de l'organisation indigène depuis 21 ans et, jusqu'en juin dernier, il était gouverneur du Resguardo de Tacueyó. Son nom est écrit sur un pamphlet des "Aigles noirs" et pour sa tête, c'est-à-dire pour pouvoir l'assassiner, ils ont mis un prix de cinq millions de pesos (environ 1 458 dollars). Le même journal distribué dans toute la municipalité en décembre 2018 a également circulé rapidement sur les tchats et les réseaux sociaux WhatsApp. Son nom n'était pas le seul, il y a dix autres dirigeants de la même région. C'est l'une des brochures dont ils se souviennent le plus, une qui les a effrayés.
- Comment le prenez-vous ?
Lui demande-t-on.
-Avec beaucoup de rage, qu'on mette un prix sur l'intégrité d'une personne, c'est le plus bas qu'on puisse voir.
Sa voix se coupe net.
A Toribío, situé à deux heures de Cali et à près de trois heures de Popayán, et dans la partie nord du Cauca, des messages de menace qui génèrent de l'anxiété apparaissent chaque semaine. L'un des plus récents est celui du terrible cartel de Sinaloa, un groupe criminel mexicain qui a revendiqué le meurtre de gardes indigènes. Une autre brochure est parue le 14 août. La "Colonne Mobile Dagoberto Ramos" a déclaré que la garde indigène Nasa était une cible militaire. Selon le Conseil Régional Indigène du Cauca (CRIC), 53 menaces collectives et individuelles ont été reçues cette année.
Rubén assure que les intimidations sont dues aux contrôles qu'ils ont établis sur le territoire et aux mandats de la communauté de ne pas permettre l'entrée aux étrangers, de restreindre la mobilité des motocyclettes la nuit et d'entamer des dialogues pour éradiquer les cultures illicites qui sont dans leur resguardo.
-Ce ne sera pas une tâche facile.
Il le reconnaît et l'exprime à ses compagnons qui l'écoutent attentivement, pendant qu'ils se chauffent à la chaleur du feu.
Rubén Orley Velasco Mesa traverse la ville de Tacueyó. Durant sa période d'autorité traditionnelle, il portait un message de défense du territoire.
Luis Angel.
-La question des cultures illicites n'est pas un sujet d'actualité, cela vient du passé, de la décennie 80 avec la marijuana, le pavot et la coca, dont ils font un autre usage. Nous avons ces cultures depuis plus de trois décennies.
Il sert fortement un bâton de chonta dans la partie supérieure de laquelle on a sculpté le visage d'un indigène. Le bâton est un symbole d'autorité, porté par les chefs et les membres de la garde.
La situation stratégique de Toribío avec les départements de Huila, Tolima, Caquetá et Valle del Cauca, sa connexion avec l'intérieur du pays, le sud et le Pacifique, en a fait un territoire de confrontation permanente.
Dans ces montagnes se trouvent les cultures de marijuana qui ont connu une croissance rapide depuis 2011 et qui sont en expansion dans les municipalités de Toribío, Miranda, Caloto et Corinto. La partie nord du Cauca est connue pour produire la cripy, l'une des variétés de marijuana les plus recherchées dans le monde.
Les autorités traditionnelles de Toribío estiment que plus de 50 pour cent des familles qui vivent dans les zones rurales cultivent de la marijuana.
Luis Ángel.
Une des formes d'occupation des habitants de Toribío est de couper les noeuds de la marijuana et d'arranger les buissons secs pour leur commerce. Luis Angel.
Il y a aussi les cultures de coca. Sur les 169 000 hectares plantés en Colombie en décembre 2018, 17 117 hectares se trouvent dans le Cauca, selon le Système Intégré de Surveillance des Cultures Illicites (SIMCI) de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. "Le Nord de Santander, Bolívar et le Cauca concentrent une augmentation de 9.000 hectares. Dans tous les resguardos du pays, il y a 16.588,64 hectares plantés."
En outre, les autorités traditionnelles estiment que 50 % des familles vivant dans les zones rurales sont influencées par les cultures illicites. Toribío, composé des resguardos de Tacueyó, San Francisco et Toribío, compte 30 000 habitants, dont 96 % d'indigènes Nasa. Quatre-vingt-quatre pour cent vivent en milieu rural.
Ce leader raconte l'histoire de Toribío et de la partie nord du Cauca. C'est ainsi qu'il explique ce qui se passe et que les plus jeunes comprennent ce qui se passe.
Dans l'histoire de la Colombie, Toribío a été une scène de guerre et de douleur, mais c'est aussi un lieu de lutte, de résistance et d'espoir.
Différents groupes armés, tels que les anciennes Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC), les mouvements insurgés tels que le M-19 et le Quintín Lame, sont passés par ces sommets. Les trois n'existent plus. Les derniers à déposer les armes ont été les FARC, en novembre 2016, par l'accord de paix avec le gouvernement après cinq décennies de confrontation. Dans l'accord, l'un des points négociés est le remplacement des cultures illicites et, à ce jour, il n'a pas été respecté.
A la mémoire du conflit, ce peuple est connu pour avoir subi plus de 600 agressions et harcèlements, ainsi que des crimes contre ses dirigeants et gardes autochtones, le recrutement d'enfants et la violence sexuelle contre les femmes.
Le massacre de novembre 1985, qui a duré jusqu'en janvier 1986, est toujours présent dans les mémoires de ces années de violence. Fedor Rey, alias "Javier Delgado" et Hernando Pizarro Leóngomez, commandants de la guérilla dissidente des FARC, Colonne Ricardo Franco, ont tué plus de 100 de leurs compagnons. Un autre épisode est celui du 9 juillet 2011, c'était un samedi, jour de marché, les FARC ont fait exploser un bus à échelle, une "chiva bomba", près du poste de police, causant la mort de trois personnes, cent trois blessés.
Aujourd'hui, la région septentrionale du Cauca est un territoire en conflit entre des groupes illégaux émergents et des trafiquants de drogue. Il y a des batailles entre les dissidents des FARC, l'Armée Populaire de Libération (EPL), l'Armée de Libération Nationale (ELN), Los Pelusos, Renacer Quintín Lame, le cartel de Sinaloa et des groupes paramilitaires. C'est un panorama déroutant et terrifiant avec l'annonce par les FARC d'un retour aux armes.
Rubén raconte autour de la tulpa. Tout le monde écoute attentivement. Certains prennent note des mémoires de Toribío, d'autres, surtout les femmes, tissent en silence.
-Ils ont été renforcés par ces cultures parce que c'est ainsi que ces groupes ont été financés, par la perception des taxes, par la commercialisation. Aujourd'hui, c'est le carburant de tout le désordre qui a été généré sur le territoire.
Rubén dit que ce "carburant", celui du narcotrafic, engendrerait plus de douleur et de crimes contre les guides spirituels et les gardes indigènes de la Nasa.
De même, à travers ces sommets montagneux, où l'on trouve des cultures de café, de maïs et de pancoger, des fleurs, des fruits, des forêts, des lacs à truites, des paysages naturels bleus et verts, des centaines d'indigènes ont marché pour récupérer la terre, tisser et protéger leur savoir comme ceux qu'ils veulent préserver dans cette cérémonie.
-Nous devons nous battre pour ces idéaux, pour ce plan de vie dont rêve la communauté, qui dit aujourd'hui : construisons la paix, exerçons notre propre gouvernement.
Les Nasa ont leur propre structure organisationnelle et leurs propres normes en tant que justice communautaire, dont font partie le contrôle, la punition ou la sanction de ceux qui causent la "disharmonie", c'est-à-dire, commettent des crimes ou des délits. Conformément à la Constitution, les peuples autochtones de Colombie sont des autorités sur leurs territoires, ils ont des droits à la propriété collective et à la terre. Le peuple Nasa intègre le CRIC, créé en février 1971, à Toribío, en tant que programme politique et de défense des luttes des groupes ethniques installés dans le Cauca tels que Nasa, Misak, Totoró, Kokonuco, Yanacona, Eperara Siapidara, Inga et Pubenense, et forme l'Association des Conseils Indigènes du Nord du Cauca, ACIN.
Nora Elena Taquinás Mesa est l'une des leaders qui se bat pour la défense de la vie. Elle espère seulement que l'harmonie reviendra à son peuple, qui a été menacé par les groupes armés.
Luis Angel.
L'une des responsables qui intervient est Nora Elena Taquinás Mesa, 28 ans, aux yeux noirs et à la peau cuivrée, elle dit qu'en tant que communauté ils doivent renforcer la partie spirituelle, car elle leur donnera la force de faire face aux difficultés et de guérir les blessures.
Nora est une victime du conflit armé. Enfant, elle a été victime d'abus sexuels, puis déplacée. Son histoire est racontée de façon posée, sa voix est calme.
- Je me définis comme une femme en résistance. J'ai subi des abus et le problème spirituel m'a aidé à retrouver ma vie.
Son expérience lui donne le courage de lutter pour les idéaux des Nasa, idéaux que ses parents lui ont enseignés et qu'ils lui ont appris près de la tulpa, le feu de camp, au cœur de leur maison.
-Nous avons été placés par la communauté pour exercer une fonction et nous devons nous conformer aux conseils des anciens.
Dans ce dialogue de janvier qui a ouvert la voie à la défense du territoire, ils acceptent de protéger leurs leaders et de poursuivre les contrôles.
À l'extérieur du kiosque, le temps s'est réchauffé. Il ne pleut plus. Le ciel s'est dégagé et les indigènes suivent le chemin.
Les indigènes les plus âgés accompagnent les mingas de la parole et avec la médecine traditionnelle ils aident à guérir le territoire.
Luis Angel.
Eliserio, thë' wala, reprend l'aguardiente artisanale, saupoudre quelques gouttes sur le sol et d'autres sur les trois pierres de la tulpa. Il demande aux personnes présentes de faire de même en signe d'action de grâces avec la terre. Ainsi s'achève le rituel dans le domaine de Torné, lieu d'harmonisation, où au moins 20 autochtones exécutent des peines et des travaux d'intérêt général, infligés pour des fautes commises, dont plusieurs ont été arrêtés pour trafic de drogue.
Les Indiens retournent à leurs parcelles et à leurs corvées. Certains savent que ce qui va arriver ne sera pas facile, ils savent que ceux qui veulent posséder leur territoire le feront avec des armes et de la haine. Cependant, ils reviennent avec le slogan de vaincre la peur, de défendre la vie et leur territoire ancestral comme ils le font depuis plus de 500 ans.
Les indigènes du Cauca se rassemblent dans des centres de pensée, comme ce kiosque, pour parler et chercher des solutions à leurs problèmes.
Luis Angel.
Une nuit avec la garde indigène
Une lumière jaune pâle s'allume et s'éteint. C'est l'avertissement aux conducteurs de véhicules qui circulent après sept heures du soir de s'arrêter au point de contrôle territorial qu'ont mis les kiwe thegnas (gardes indigènes) à deux kilomètres du périmètre urbain de Toribío. Les thegnas Kiwe sont les protecteurs du territoire, représentant l'autorité et l'ordre. Leur travail est volontaire.
Sur la route, un long bâton de guadua est croisé. Il est peint en vert et rouge, représentant la garde Nasa. Le vert signifie la nature et le rouge, le sang versé par leurs ancêtres. De chaque côté de la route, il y a dix gardes : hommes, femmes, jeunes, garçons et filles. Tous portent des bâtons de bois, des lampes de poche, certains portent des vestes bleues et sont soutenus par une radio de communication. Le territoire est contrôlé sans armes.
C'est un endroit sombre et froid. Il y a quelques maisons à proximité. Au loin, on peut voir de nombreuses lumières qui ressemblent à des crèches, ce sont les serres des cultures de marijuana. De sons, on n'entend que le chant des grenouilles et des grillons. C'est un vendredi soir.
Entrée à 21 h 30, un véhicule approche. C'est un camion gris à quatre portes. La lumière pâle de la lampe de poche lui dit de s'arrêter. Un garde salue et demande des documents au conducteur et aux passagers. Un autre vérifie la voiture à l'intérieur. Et un troisième kiwe thegna, écrit dans un cahier de feuilles usées les plaques et les noms de ceux qui se mobilisent. Les autres restent sur le bord de la route, très attentifs, dans l'expectative parce qu'ils ne savent pas qui est dans le van.
-C'est clair, ça peut passer.
Autorise le garde à haute voix.
Ils vérifient que tout est en ordre, qu'ils ne portent pas d'armes et qu'ils portent les documents. Les thegnas Kiwe savent qu'il s'agit de routes pour la mobilité des groupes armés illégaux et des étrangers qui fréquentent le territoire depuis 2017. Le même processus est répété chaque fois que des motos et n'importe quel type de voiture comme les "chivas" ou les autobus à échelle qui descendent des montagnes escarpées.
Ce groupe est dirigé par Edgar Tumiñá, coordinateur de la garde du projet Nasa. Il a un corps mince, des yeux noirs inclinés, un nez aquilin et des cheveux lisses, il a 39 ans et il est garde depuis 22 ans.
-Nous sommes les protecteurs de la terre et de la vie. Nous sommes armés de mots, d'un bâton et de beaucoup de volonté.
Il explique qu'à Toribío, quelque 500 autochtones constituent cet ensemble de contrôle social, dont des enfants, des jeunes et des adultes. Ils remplissent les mandats de la communauté. Les dernières indications sont de protéger la vie et de garantir la sécurité de leurs dirigeants.
Edgar Tumiñá, garde.
Luis Ángel.
-Nous avons un itinéraire pour accompagner les dirigeants et les étrangers qui arrivent sur le territoire. La première étape est d'activer les points de contrôle pour assurer la sécurité dans tous nos resguardos. Nous avons un plan pour les leaders qui sont menacés, très réservés, très proches des nôtres.
Edgar sait que ce n'est pas une tâche simple et que c'est risqué.
-Ils peuvent nous tirer dessus à tout moment. Il y a eu plusieurs cas. Beaucoup de nos compañeros sont morts.
Il soupire.
Un bâton de bambou croisé sur la route indique qu'il y a un contrôle de la garde indigène.
Luis Angel.
Dans la chaleur du feu, les enfants et les jeunes qui accompagnent les contrôles de la garde, rient et partagent leurs connaissances.
Luis Angel.
L'histoire de la garde Nasa est un exemple de lutte et de résistance, mais aussi de douleur. Edgar se souvient du mois de novembre 2014, lorsque les FARC ont assassiné son frère Manuel Antonio Tumiñá, qui était le coordinateur de la garde dans le village de Pueblo Viejo, et le garde Daniel Coicué Julicué.
Avant, nous n'avions que les FARC, maintenant nous avons d'autres acteurs armés qui sont sortis de ce post-conflit, de sorte que le risque a augmenté, non seulement pour les leaders mais aussi pour la communauté dans son ensemble.
De janvier à août 2019, 37 autochtones du peuple Nasa du nord du Cauca ont été assassinés, selon le Bureau en Colombie du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. "Six d'entre eux défendaient les droits de l'homme et appartenaient au processus d'organisation de l'Association Cxhab Wala Kiwe des conseils indigènes du Nord du Cauca : quatre gardes autochtones, un président du JAC et une autorité en exercice."
Les homicides les plus sensibles, que pleurent ce peuple et affaiblissent le processus organisationnel, sont ceux du médecin traditionnel, thë' wala, Enrique Güejia, de Tacueyó ; du coordinateur de la garde indigène de Toribío, Gersain Yatacué, et des gardes Kevin Mestizo Coicué et Eugenio Tenorio.
En 2018, 46 crimes ont été commis dans les territoires autochtones du nord du Cauca. De ce nombre, "26 faisaient partie de l'une des 21 communautés ; sept d'entre eux appartenaient directement au mouvement des droits humains autochtones. Parmi les indigènes assassinés, l'un était enseignant, l'autre leader, l'un était un ancien conseiller de l'ACIN, l'un était une autorité traditionnelle en exercice, deux gardes indigènes et deux peuples étaient " libérateurs de la terre mère ".
-Je porte l'héritage de mon frère et de ceux qui sont morts en défendant le territoire.
Au milieu de la conversation, il montre encore et encore les lumières, c'est-à-dire les champs de marijuana.
-C'est ce qui nous fait mal.
Il le déplore.
Les lumières que l'on peut voir autour de Toribío sont les serres de marijuana.
Luis Ángel.
Les milliers d'ampoules installées dans les serres de marijuana ont généré un rationnement énergétique à Toribío. Au milieu de cette année, le bureau du procureur général a ordonné une réduction de la consommation d'énergie dans plusieurs secteurs de la partie nord du Cauca.
Luis Angel.
-Ce que nous disons à l'État, c'est qu'ils viennent avec des programmes, des projets, des familles, des gens qui en vivent, cela ne veut pas dire que nous ne faisons rien, en tant qu'autorité que nous sommes nous disons : ce n'est pas la bonne façon, vous devez vous donner une période pour remplacer volontairement les cultures. Nous savons les dommages que cela cause à nos jeunes et à nos enfants, non seulement pour les communautés autochtones d'ici, mais aussi pour la vie et l'esprit de nombreux jeunes du monde entier.
Et comme le souligne Edgar, la police et l'armée ne sont pas présentes. Dans cette tournée à Toribío, il n'y a eu aucun contrôle de la Force publique. Seuls quelques uniformes de police gardaient le même poste, à proximité duquel se trouvent des vestiges de la guerre, des maisons et des murs détruits.
Il y a aussi des femmes dans la garde. Elles allument le feu pour générer de la chaleur. De l'imposante chaîne de montagnes jaillit une brise froide qui pénètre dans les os de ceux qui ne sont pas habitués aux courants d'air de la Cordillère Centrale.
Elles préparent du café et des masitas, des tortillas de maïs frites dans de l'huile chaude. Après 22h30, elles offrent de la nourriture aux kiwe thegnas. Il y a des rires pendant le repas.
Une de ces femmes est Maria Medina, qui vit dans le village de Potrerito. Elle a 57 ans et affirme fièrement qu'elle fait partie du groupe de contrôle communautaire depuis 2001. Maria porte une ruana, un chapeau de laine et porte le bâton qui ne la quitte jamais parce qu'elle sent qu'elle la protège.
Elle partage que le groupe fait aussi des promenades sur les veredas, les ravins, ils cheminent au centimètre près tout le territoire. Les Nasa parcourent les montagnes à pied pour découvrir leur culture, ce qui fait partie de leur éducation depuis leur enfance.
-J'aime ça parce que c'est défendre notre uma kiwe (la terre mère), celle qui nous nourrit.
Ses souvenirs rappellent la forte période du conflit armé où les poursuivaient les guérilleros.
-Quand les gardes se cachent, ils se perdent avec ces armes dont ils ne peuvent rien faire d'autre. Avec le pur bâton, c'est ce qu'on emporte, et ils sautent.
L'espagnol de María est lent parce que sa langue maternelle est le Nasa Yuwe.
Elle exalte également le travail de la garde, reconnu au niveau de la libération des otages, de la capture des guérilleros, de la protection des familles au milieu des prises de contrôle par les insurgés, et pour son aide dans la détection des mines antipersonnel et pour avoir fait partir les groupes armés légaux et illégaux. La garde accompagne et ordonne également les grandes mobilisations que les Nasa ont historiquement menées pour la défense de leurs droits à travers la route panaméricaine, la principale route internationale entre la Colombie et l'Équateur.
Près de Maria, qu'ils appellent "Mayora" par respect, il y a deux filles de 12 ans. Entre rires et jeux, elles apprennent le contrôle territorial.
Kelly Johana et Mareny sont dans le processus kiwe thegnas depuis six mois. Tous les trois soirs entre sept et douze heures, elles sont au poste de contrôle. Elles se couchent plus tôt parce qu'elles doivent étudier le lendemain.
Aux côtés des anciens, elles surveillent les étrangers, aident à servir le café et écoutent les histoires et les connaissances ancestrales de ce peuple.
-Qu'est-ce que cela signifie d'être un garde ?
- Prendre soin du territoire.
Elles répondent par le rire et l'innocence. Elles espèrent porter le bâton bientôt, même si elles doivent encore en apprendre davantage pour le porter.
Les femmes préparent des masitas de maïs et de café à offrir aux gardiens. Ils accompagnent, avec leurs enfants, les contrôles du territoire.
Luis Angel.
Un autre point que surveillent les Kiwe thegnas se trouve à quelques pâtés de maisons du centre-ville, sur le chemin de la ville de San Francisco. Là, la routine est similaire. Cette nuit-là, grâce à la radio, on a appris qu'une moto avait été volée dans une vereda voisine, les voleurs, lorsqu'ils ont été coincés, ont abandonné la moto et se sont jetés dans la rivière. Les indigènes ont rapidement accepté de balayer la région.
-Qui est avec moi ?
a demandé le coordinateur de ce point.
Deux adultes et trois enfants se sont avancés. Sans crainte, ils marchaient le long des rives de la rivière. Après une heure et demie de recherches, ils sont revenus sans trouver de traces des voleurs, mais rassurés par les travaux, l'important était de vérifier la zone et d'alerter les autres compagnons qui effectuent les contrôles sur le territoire.
Le garde a immobilisé des voitures, des fourgonnettes et des motocyclettes à grosse cylindrée. Par exemple, l'année dernière, quelque 400 motocyclettes ont été arrêtées faute de documents. Les indigènes disent que la plupart d'entre elles sont volées à Cali et dans les municipalités de Valle et Norte del Cauca, elles sont utilisées pour le trafic de drogue et pour la mobilité de ceux qui veillent et font des affaires autour de la coca et de la marijuana.
Le temps passe entre les contrôles, les conversations et certaines blagues. Ils sont toujours prêts et comme ils disent : Çxhaçxha ou force, mots qu'ils chantent dans l'hymne de la garde. Le premier groupe se retire à minuit et le second à l'aube lorsque d'autres villageois viennent les remplacer. Cette routine est répétée 24 heures sur 24, peu importe qu'il s'agisse de fins de semaine ou de jours fériés.
Les gardes ont vocation à servir et surtout à défendre leurs terres.
Aux postes de contrôle, les gardes indigènes demandent des documents aux conducteurs de voitures et de motocyclettes. Ils vérifient également qu'ils ne portent pas d'armes.
Luis Ángel.
Préserver le plan de vie
-Être Nasa, c'est retrouver notre langue.
Être le gouvernement, ce n'est pas perdre l'histoire.
Être une communauté, c'est retourner à la partie spirituelle.
Etre un territoire, c'est atteindre l'autonomie alimentaire.
Si un pilier tombe, la maison tombe.
Avec ces mots inspirants, Jaime Díaz Noscué, un leader indigène de 53 ans, explique le sentiment du Plan de vie des Nasa, l'itinéraire que les peuples indigènes construisent pour leur survie physique et culturelle.
Jaime, petit à la peau cuivrée, aux yeux bruns et au regard profond, est l'un des indigènesqui accompagne l'élaboration de ce Plan, qui a commencé à être repensé en 2015 avec un parcours jusqu'en 2050. Les Nasa, pour contrecarrer les souffrances et les pertes laissées par le conflit armé, décident de renforcer les espaces qui les identifient : la famille, leur propre gouvernement, la communauté et le territoire.
Jaime Díaz Noscué, chef autochtone.
Luis Ángel.
Lorsque les pourparlers de paix ont pris fin, ils ont parlé de leur processus et de leur lutte communautaire, qui ont été menacés à différentes périodes. Tout d'abord, dans les années 70 et 80, avec l'appropriation de leurs terres par les propriétaires fonciers. Puis, à partir des années 90 jusqu'en 2016 après le long et tortueux conflit armé, et maintenant, en raison de la présence de différents gangs qui se disputent les routes du trafic de drogue.
-Nous avons résisté pendant des milliers d'années face à une situation d'invasion de notre territoire. Ils nous ont enlevé notre langue maternelle et notre propre religion. Ils continuent d'emporter nos terres. Nous résistons à la disparition en tant que peuple, en tant que communauté autochtone que nous reconnaissons. Nous résistons au modèle extractiviste du capitalisme. Nous continuons à lutter.
Ce que condame, Jaime , en mémoire de l'héritage du Père Álvaro Ulcué Chocué, assassiné en 1984 par des tueurs à gages de propriétaires terriens, deux membres des F-2, un groupe de renseignement d'Etat. Dans son petit bureau, il y a un tableau du Père Alvaro qu'il chérit de toute son âme parce qu'il se souvient de lui comme son "premier maître". En 1983, Jaime a commencé à travailler dans le processus communautaire avec le prêtre, et depuis ce temps, il a occupé divers postes. Il a été conseiller municipal et candidat à la mairie de Toribío, promoteur de programmes sociaux, coordinateur du Plan de vie du projet Nasa jusqu'en juin dernier, et il est maintenant tuj thenas, ancien conseiller, de l'ACIN.
C'est un autre des leaders menacés. Son nom figurait également dans des brochures. Malgré les menaces, il dénonce les abus et revendique les droits.
Pour Jaime, l'attaque contre les leaders indigènes, les gardes et les connaisseurs spirituels est un moyen de mettre fin au projet Nasa afin d'affaiblir le tissu social et organisationnel.
-Ceux qui montent la stratégie sont les étrangers, c'est très simple, pour les étrangers, c'est très pratique de mettre notre résistance civile à l'écart.
Selon l'Organisation Nationale Indigène de Colombie (ONIC), 158 dirigeants autochtones ont été assassinés depuis la signature de l'accord de paix avec le gouvernement de Juan Manuel Santos, dont 94 sont morts pendant le mandat du président actuel Ivan Duque. Selon le Bureau du Médiateur, du 1er janvier 2016 à ce jour, plus de 460 dirigeants sociaux ont été assassinés parmi les peuples autochtones, les paysans, les défenseurs de l'environnement et les militants des droits humains.
Jaime reconnaît que certains membres de la communauté transmettent des informations à des groupes criminels, font le trafic de drogue et soutiennent ces structures criminelles. Il mentionne que le centre d'harmonisation de Tacueyó, dans la finca Torné, comptait jusqu'à 60 autochtones emprisonnés pour trafic de substances psychoactives.
-Nous avons accusé le gouvernement et les forces de sécurité d'avoir une stratégie. Les indigènes ont été capturés avec cinq livres, avec 10 livres, avec deux arrobas (marijuana) mais d'ici (au nord de Cauca) cinq tonnes partent et passent à Buenaventura sans que personne ne les touche.
Sa dénonciation fait référence au fait que les opérations se font contre les plus petits, mais elles n'arrêtent pas les grands "narcos".
À Toribío, ils sont confrontés au problème. Ils dialoguent avec les familles en vue d'une éradication volontaire. De plus, ils demandent des conseils et organisent des réunions communautaires pour trouver la voie légale qui mènera à la transformation de la marijuana ou de la culture du cannabis en usage médicinal. En Colombie, le Ministère de la protection sociale a accordé 97 licences entre 2016 et juin 2019, dont six dans le Cauca, dans les municipalités de Corinto, Popayán, Santander de Quilichao et Caloto.
Jaime est l'un des indigène qui a un plan de sécurité de l'État. En avril 2018, l'Unité Nationale de Protection (UNP) lui a remis un véhicule et deux gardes du corps différentiels, originaires de la région et non armés. Ils lui donnent aussi 550 000 pesos pour l'essence, achetant 55 gallons d'essence et seulement assez pour se déplacer en deux semaines, puis il est forcé de garer le véhicule parce qu'il n'a pas l'argent pour faire le plein à nouveau, et préfère, pour des raisons économiques, se déplacer sur sa moto.
Sur cette situation, le directeur de l'UNP, Pablo Elias Gonzalez Mongui, a déclaré que les protégés devraient "rationaliser la consommation de carburant, devrait rationaliser l'utilisation des véhicules, en gardant à l'esprit que beaucoup sont blindés et sur une terrain escarpé c'est difficile. Il a également assuré que l'UNP, dans tout le pays, protège plus de 200 leaders indigènes et qu'ils ont environ 16 programmes de protection collective avec approche différentielle et renforcement de la garde indigène, l'un de ces programmes est au Cauca.
Malgré les crimes et les menaces qui pèsent sur les leaders, le plan de vie Nasa est solide. Depuis juin dernier, une structure collective a commencé à fonctionner comme une autorité qu'ils nomment Nehwesx. En outre, ils ont renforcé le processus de récupération de la langue nasa yuwe et leur propre mécanisme de justice. Le schéma organisationnel de l'entreprise communautaire est maintenu, parmi lesquels se distinguent les jus Fxize, les truites de la marque Juan Tama et une moissonneuse batteuse de café. Les femmes transmettent la connaissance du tissage des mochilas et du semis du verger. Mais surtout, leurs leaders continuent à se battre pour défendre leur droit à la vie et à la parole.
A Toribío, on respire la tranquillité, malgré les récents actes de violence. Cette ville est connue pour avoir subi plus de 600 attaques pendant le conflit armé.
Luis Ángel.
Toribío et son peuple se remettent aussi des douleurs du passé. L'air y est calme, malgré les derniers actes de violence. Le samedi, jour du marché, les chivas descendent des montagnes chargées d'indigènes et remplies de bananes, de manioc, de fruits et de café. La place est colorée et sent la campagne, on y trouve des tomates, du maïs, des fraises et de la viande, tout est frais. Du troc, des pratiques traditionnelles qui survivent. Par exemple, les poulets sont échangés contre du riz ou des vêtements. Sur le côté de la place, il y a des femmes, certaines portant leurs enfants sur le dos, tout en conversant, elles tissent des mochilas et rient. Les enfants jouent dans le parc. Les hommes font leurs affaires, boivent du vin rouge et se parlent.
L'atmosphère est accueillante, une atmosphère qu'ils espèrent ne pas voir se terminer avec les groupes armés qui, ces derniers jours, ont provoqué des troubles dans un territoire qui est en constante recherche du Wëth Wëth Fxizenxi ou du bien vivre.
Glossaire des autorités autochtones :
Çxhaçxha : force ou résistance
Kiwe thegnas o pu'yaksa : gardes indigènes
Nasa yuwe : langue indigène du peuple ou de l'ethnie Nasa.
Nehwesx : autorités traditionnelles
Thë' Wala ou Pëisa : médecin traditionnel
Tuj thenas : conseillers
Uma kiwe : la terre mère
Wëth Wëth Fxizenxi : Bien vivre ou harmonie
traduction carolita d'un article paru sur le site du CRIC le 3 septembre 2019
[Fotos] 🌅 Vencedores del miedo: indígenas Nasa - Consejo Regional Indígena del Cauca - CRIC
3 DE SEPTIEMBRE DE 2019Edilma Prada CéspedesEn las cumbres montañosas del Cauca, los indígenas Nasa, hijos de la madre tierra, siguen en lucha por la defensa de la vida y con rituales buscan 'sa...
https://www.cric-colombia.org/portal/fotos-%F0%9F%8C%85-vencedores-del-miedo-indigenas-nasa/
Colombie : Les Nasa ou Paez - coco Magnanville
survival © Francisco Pedro Peuple autochtone de Colombie dans le département du Cauca, zone andine du sud-ouest de la Colombie. Municipalités de Toribío, Páez, Caldonoibío, quelques communaut...
http://cocomagnanville.over-blog.com/2015/10/colombie-les-nasa-ou-paez.html