Des langues et des hommes - Les langues tucanoanes (Tukano)

Publié le 14 Mai 2019

peuple Tukano Par James Martins, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=58558819

peuple Tukano Par James Martins, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=58558819

Le groupe linguistique Tukano (anciennement appelé betoya) est parlé dans le nord-ouest amazonien (est colombien, nord-ouest du Brésil) ainsi qu'au Pérou et en Equateur, il se divise en 30 branches.

Swadesh (1959) a calculé une date lexico-statistique de 45 siècles de divergence interne par le groupe Tukano.

Selon la terminologie de l'auteur même cela correspond à un tronc.

Selon Koch Grinberg (1909-10)  le pisamira (appelé pisa-tapuyo par cet auteur) avec le yuruti formerait un sous-groupe de la famille Tukano. Avec le pisamira il mentionne le gentilé papiwa qui, en accord avec Elsa Gomez Imbert (cp 2005) ne se différencie pas du pisamira.

La famille linguistique compterait environ 20.000 locuteurs (janet barnes JB1999)

Les chiffres donnés pour chaque peuple du nombre de locuteurs est le chiffre de Janet Barnes.

Les langues les plus menacées sont le barasana, le yuruti, l'orejٔón et le tanimuca/retuama (degré 3 sur une échelle de 5 selon l'Unesco).

https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=8458433

Aujourd'hui, les Indiens vivant sur les rives du fleuve Vaupés et de ses affluents -Tiquié, Papuri, Querarí et autres mineurs - forment dix-sept  groupes ethniques. Beaucoup de ces peuples autochtones vivent également en Colombie dans le bassin de l'Apaporis (affluent de la rivière Japurá - ou " Caquetá ", comme on l'appelle en Colombie), dont le principal affluent est la rivière Pira-Paraná.

Les dix-sept groupes ethniques parlent les langues de la famille Tukano orientale (à l'exception des Tarianos, dont la langue est d'origine arawak) et font partie d'un vaste réseau d'échanges qui comprend les mariages, les rituels et le commerce. Grâce à ce réseau, un ensemble socioculturel bien défini se forme, communément appelé "système social de Vaupés/Pira-Paraná", qui fait à son tour partie d'une zone culturelle plus large englobant les populations des langues arawak et makú.

traduction carolita du site povos indigenas no brasil

Ci-dessous le classement inspiré de celui d'Alain Fabre dans son Dictionnaire de linguistique

TUKANO ORIENTAL

 

A . Septentrional

1. Tukano (dasea, arapaso, tucano) - Langue parlée par le peuple Tukano. Colombie, département de Vaupés, le long des rio Vaupés, Tiquié et Papuri et leurs affluents, au Brésil, état d'Amazonas.

4100 locuteurs

2. Wanano (guanano, uanano, kotirya, kotedia, kótitia, wanana-pirá)- Langue parlée par le peuple Wanano ou Kotiria. Brésil et Colombie, Amazonue, dans le Vaupés.

1100 locuteurs

3. Piratapuyo – Piratapuya (wa’ikâdó)- Langue parlée par le peuple Pira-Tapuya en amazonie brésilienne et colombienne, dans le Vaupés le long du cours du rio Papuri. Les Piratapuya brésiliens parlent surtout la langue tukano. La langue piratapuya est proche du wanano et parfois considérée comme un dialecte de celle-ci.

1100 locuteurs

B . Central

I Bará

1. Bará (waimaha, pokangá) - langue parlée par le peuple Bará en Colombie et au Brésil le long du rio Vaupés, du caño Colorado, du caño Lobo, du caño Yapú, de l'Inambú.

La plupart des Bará parlent la langue tukano, leur langue est menacée.

500/600 locuteurs, 4 au Brésil.

2. Tuyuca (maatamasa) - Langue parlée par le peuple Tuyuca en Colombie et au Brésil, dans le Vaupés, le long des rios Papuri, Tiquié et Inambú.

700 locuteurs au Brésil

3. Papiwa

II Desano

1. Desano (Desana, Wîrá) - langue parlée par le peuple Desana en Amazonie brésilienne et colombienne, dans le Vaupés, le long du rio Vaupés et du rio Papuri.

150 locuteurs au Brésil

2. Siriano (tubú, siriana, süra) langue parlée par le peuple Siriano en Colombie, dans le Vaupés, le long des rios Paca et Viña, des affluents du rio Papuri, au Brésil dispersés le long du rio Vaupés et du rio Negro.

250/300 locuteurs

III Tatuyo

1. Tatuyo (pamöa) - langue parlée par le peuple Tatuyo en Colombie et au Brésil le long du rio Vaupés et le Haut Ti, le caño Japu.

350 locuteurs

2. Carapana (karapana, möxdoa), langue parlée par le peuple Karapana en Amazonie colombienne dans le Vaupés, dispersés le long des rios Piraparaná, Papuri, Vaupés, dans l'Amazonas au Brésil.

IV Yuruti (patsoka, wajiara) (pisamira ou papiwa) - langue parlée par le peuple Yuruti en Colombie et au Brésil (Guaviare et Vaupés en Colombie) le long du Haut Paca des caños Yi et Tui.

C. Méridional

1. Makuna (erulia, buhágana) - langue parlée par le peuple Makuna en Colombie et au Brésil, le long du caño Komeya un affluent du rio Pirá- Paraná en Colombie et le long du bas Pirá- Paraná et du bas rio Apaporis.

350 locuteurs

2. Barasana  (comea, jánena)/Taiwano (eduria) - Langue parlée par le peuple Barasana en Colombie et au Brésil dans les igarapés du rio Pirá-Paraná, le rio Vaupés du côté brésilien. Le peuple Taiwano-Eduria vit le long du Pirá-Paraná en Colombie, le long du rio Cananari et le caño Piedra Negra dans le Vaupés.

250 locuteurs

 + kueretú (curetú) langue éteinte

+ mirititapuia  langue éteinte

+ yupuá – duriná (tayasu tapuyo) langue éteinte

TUKANO CENTRAL

 

1. Tanimuka-retuarâ - langue parlée par le peuple Tanimuca, en Colombie dans le bas Apaporis et son affluent, le bas Mirití-Paraná et son affluent. Le peuple Yauna vit en Colombie intégré aux familles Miraña et Tanimuka des rios Mirití et Apaporis. Leur langue est le retuana ou jaúna.

300 locuteurs

2. Cubeo (paniwa, kubewa, hähänawa) - langue parlée par le peuple Kubeo en Colombie et au Brésil, ainsi qu'au Venezuela. Bassin du rio Vaupés, en Colombie dans le Guaviare au Brésil dans l'Amazonas.

6000 locuteurs

TUKANO OCCIDENTAL

 

A Septentrional

1. Coreguaje (korewahe, korebaju, koré pâin)- Langue parlée par le peuple Coreguaje en Colombie dans le Caquetá et le bassin du rio Orteguaza.

2000 locuteurs

2. Siona (encabellado) - Langue parlée par le peuple Siona en Colombie (Putumayo) et en Equateur (Sucumbios)

300 locuteurs

2.1. Siona (Macaguaje)

+ Teteté ? langue éteinte

 + Makawahe -  langue éteinte

+ Tama – langue éteinte

2.2 Secoya (aido pai, piohé, piojé, angutero, angotero) - langue parlée par le peuple Secoya, au Pérou (ríos Yubineto, Yaricaya, Angusilla, Santa María) en Equateur ( ríos Napo, Eno, Aguarico, Cuyabeno, province de Sucumbios)

400 locuteurs

B. Méridional

 

 

Mai huna (Orejón, maijuna) - Langue parlée par le peuple Maijuna ou Orejón au Pérou dans le département de Loreto.

200/300 locuteurs

Payawá (payaguá, payowaha, koto)

sources : wikipedia, encyclopédie d'ethnolinguistique d'Alain Fabre

Exogamie linguistique des peuples de langue Tukano oriental

L'ensemble Tukano est divisé en de nombreux groupes patrilinéaires, chacun ayant une désignation et une langue propres. Les hommes et les femmes partagent la même filiation patrilinéaire, ce sont des frères et  soeurs classificatoires, ils ne peuvent pas se marier entre eux mais doivent épouser quelqu'un d'un autre groupe patrilinéaire différent.

De cette façon les groupes se constituent et se renforcent en tant que groupes exogamiques et l'interdiction de mariage du 1er degré est scellés (on n'épouse pas sa saoeur). Les échanges matrimoniaux sont considérés comme "échange de soeurs" , un homme épouse de préférence sa cousine croisée et il doit donner en échange une soeur réelle ou classificatoire. Cette réciprocité peut avoir lieu avec un décalage de génération. Des relations préférentielles d"alliance sont établies au sein d'un réseau d'échanges commerciaux, économiques et rituels dont fait partie le mariage.

Une femme est élevée tout en sachant qu'elle devra abandonner sa résidence, son groupe pour aller vivre comme une étrangère chez son époux. Elle emportera avec elle sa propre langue (sa langue paternelle, l'expression de son identité) qu'elle devra continuer à parler tout au long de sa vie. Souvent belle-mère et belle-fille font partie du même groupe linguistique ce qui fait qu'un homme retrouve chez son épouse sa langue maternelle. Celle qu'il avait acquise en premier lieu mais qu'il avait dû abandonner au profit de sa langue paternelle. La femme va alors permettre d'enraciner auprès de ses enfants l'usage de leur langue paternelle au détriment de la sienne.

Ce destin commun des femmes favorise des rapports de solidarité entre les femmes mariées qui partagent le statut d'étrangères dans une même unité résidentielle.

Une femme s'adresse dans sa langue paternelle à son époux et ses enfants, à leur tour ils lui répondent dans leur langue paternelle.

Les échanges verbaux entre gens de filiation différente ont lieu dans des langues différentes. On y trouvera autant de languqes que de personnes de filiations différentes. C'est une situation de multilinguisme genéralisé.

source Force des langues vernaculaires en situation d'exogamie linguistique : le cas du Vaupés colombien, nord-ouest amazonien de Elsa Gomez-Imbert (PDF en français)

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Peuples originaires, #Les langues, #Brésil, #Colombie, #Equateur, #Pérou

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